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Oublier est-ce le contraire de se rappeler ?

Publié le 03/06/2012

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La faculté première de la mémoire est donc de tenir présents les matériaux pour la reconstruction du souvenir à partir du présent, Mais, d'autre part, la conscience est choix et .sélection, et, lorsque je me souviens, c'est-à-dire lorsque je prends conscience de faits passés, j'opère une sélection.

« venirs, son action deviendrait impossible, il ne serait plus que contempla­ tion du passé, et même ne pourrait plus isoler les souvenirs, car tous, suns aucune distinction, se présenteraient à la conscience.

Aussi l'oubli est bien, comme l'appelle Pierre JANET, le « gardien de la mémoire "· Sans cette faculté, la vie est devenue impossible, notre passé nous hailucine et nous tombons dans un état proche de 1 'ecmnésie.

D'autre part, 1 'oubli est aussi salutaire que le sommeil, car, si nous avions conscience à chaque im.tant' de toutes nos fautes, de toutes nos peines passées, la vie serait insupporta­ ble : 1 'oubli est synonyme de pardon.

t:ette fonction est donc aussi im)Jor­ tante que celle du souvenir.

Nous somme~ des êtres « juchés sur notre passé "• comme le dit PRousT, mais non tournés vers le passé.

C'est !'.ave- nir qui nous attire, nous courons à lui, irrésistiblement aimantés.

· L'oubli est donc non seulement fonction de la mémoire, mais condition de notre vie dans le temps.

Seulement, si se rappeler suppose la possibi­ lité d ·oublier, est-ce que oublier est la possibilité propre de la mémoire P Il est difficile de répondre affirmativement.

« Cet enfant a beaucoup de mémoire », dit-on.

Cela signifie à premi{>re vue : il se souvient très hien des leçons qu'on lui enseigne, et non : sa capacité d'oubli est très grande l C'est peut-être trop facile de souligner ainsi le paradoxe; mais la mémoire est avant tout la faculté de se souvenir et, ensuite, peut-être, faculté d'oublier, SAINT AuGUSTIN a dit : « La mémoire retient l'oubli.

" En effet, elle empêche tous nos s-ouvenirs de s'en aller, de se décomposer peu à peu.

Elle arrête leur débandade, les retient et permet ainsi l'unit(~ de l'homme dans le temps.

La faculté première de la mémoire est donc de tenir présents les maté­ riaux pour la reconstruction du souvenir à partir du présent, Mais, d'autre part, la conscience est choix et .sélection, et, lorsque je me souviens, c'est-à-dire lorsque je prends conscience de faits passés, j'opère une sélection.

Lorsque je me rappelle telle ascension qui fut particulière­ ment dure et épuisante, seuls les moments, principaux de la montée, les passes difficiles, le glacier traversé avec les crampons, et surtout 1 'arrivée au sommet, se sont gravés dans nw mémoire.

(ette séiection est fonction de 1 'oubli de tous les autres moments moins marquants : la montée de deux heures dans les éboulis, les conversations anodines, les nombreux conseils du guide.

Dans ce sens, la mémoire est faculté d'oublier.

* * * Oubli et mémoire sont donc les, facteurs de la présence du passé à chaque instant dans le présent.

Notre condition humaine, soumise à la marche du temps, est réglée par ces deux puissances antagonistes.

Le déséquilibre entre l'oubli et la mémoire provoque de graves désordres qui aboutissent très souvent à la perte de la personnalité.

Cne harmonie pro­ fonde doit régner entre elles.

Si elle est complète, présenter la mémoire comme la faculté d'oublier est possible.

II faut cependant., tout en accept­ tant cette pensée, reconnaître la primauté du souvenir comme tàche propre de la mém-oire, et montrer la hardiesse de réconcilier ainsi l'oubli ct la mémoire, les deux grands adversaires qui se disputent notre passé.. »

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