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Peut-on ne pas savoir ce que l'on fait ?

Publié le 25/01/2012

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Dans un de ses fragments posthumes Pascal notait la chose suivante : « la pensée fait l’homme «, ce faisant il laissait clairement entendre que l’homme se distingue par sa pensée et sa conscience. Or, être conscient c’est être capable de réfléchir, de faire retour sur soi-même en s’examinant, de prendre du recul et d’anticiper ses propres actes en les prévoyant. Ainsi, puisque la conscience fait l’homme alors il n’est pas possible d’agir sans en être immédiatement conscient. Conscience et savoir sont indissociables.

 

    Pourtant ne nous arrive-t-il pas d’être surpris par nous-mêmes, d’être tout étonnés des pensées et de gestes qui nous viennent parfois sans en avoir fait le projet ? Ainsi, notre conscience semble renfermer en elle une dimension qui la rend opaque à elle-même. C’est ce qui arrive dans l’inspiration par exemple, où les pensées surviennent à la conscience en venant d’ailleurs, on dit alors que « ça parle en nous «. En ce sens il est parfaitement possible, voire tout à fait banal d’agir sans s’en rendre compte, ou même en en ignorant les vraies causes ainsi que les véritables conséquences. L’inconscient semble ainsi peser sur la conscience de tout son poids de manière presque imperceptible.

  

   De là découle un problème claire : ou bien l’homme est maître de lui-même, de ses pensées et de ses actions, et dans ce cas conscience et liberté sont inséparables ; ou bien il n’en est rien, et la croyance en cette liberté sur la seule foi des témoignages de la conscience n’est qu’un leurre, une illusion produite par l’ignorance des causes profondes qui nous déterminent.  L’homme serait toujours dépassé par ce qui lui arrive.

« 2 2 « Par le mot de penser, j’entends tout ce qui se fait en nous de telle sorte que nous l’apercevons immédiatement par nous -mêmes ; c’est pourquoi non seulement entendre, vouloir, imaginer, mais aussi sentir, est l a même chose ici que penser.

» Cet acte de se penser soi -même est la réflexion.

C’est le fait de savoir que l’on est, et de savoir qui l’on est.

En ce sens, toute consci ence est accompagnée de savoir.

C’est ce dont témoigne l’origine même du mot : cum -scientia signifie « qui est accompagné de savoir ».

Si donc la conscience est un trait spécifique de l’homme il est difficilement concevable que l’on agisse sans s’en rendre compte.

b.

De plus ma conscience n’est que si elle se donne explicitement un objet.

En effet une conscience de rien ce n’est tout simplement pas une conscience.

Autrement dit, il ne peut y avoir de conscience sans la visée explicite d’une chose dont nous avons conscience ; la pensée du néant est un néant de pensée.

« Toute conscience est conscience de quelque chose » disait Husserl.

Ce qui implique que la conscience est, tout à la fois, ce par quoi le monde se donne à moi, et ce par quoi je me donne de s projets à réaliser dans le monde.

Plus encore : être conscient suppose aussi que j’ai le pouvoir de me projeter dans l’avenir, que je vise le futur comme le champ de mes possibles, au cas où je ne serais point satisfait de ce que je suis ou de ce que j’a i au présent.

En ce sens encore, conscience et vigilance ne sont point dissociables et je ne peux ignorer ce que me donne à voir ma propre conscience.

c.

Mais il y a encore plus.

Si être conscient c’est, tout à la fois, avoir conscience de soi et cons cience d’un objet, alors cela signifie que l’homme a forcément conscience d’être une conscience d’objet.

Ainsi, il fait sens de dire que la conscience humaine se redouble, se met à distance de soi -même en s’extériorisant.

Or, c’est précisément pourquoi l’homme se distingue des simples choses naturelles qui sont, au contraire, comme enfermées en elles -mêmes.

Hegel disait ( Esthétique , Introduction): « Les choses naturelles ne sont qu’immédiatement et pour ainsi dire en un seul exemplaire, mais l’homme, en tan t qu’esprit, se redouble, car d’abord il est au même titre que les choses naturelles sont, mais ensuite, et tout aussi bien, il est pour soi, se contemple, se représente lui -même… » Dire cela c’est clairement soutenir que l’homme se représente lui -même et prend distance avec soi.

Il se pose donc d’abord comme celui qu’il est au présent, et en même temps il apparaît comme toujours autre qu’il n’est car il se dépasse vers ce qu’il tend à être.

Pour cette raison, la conscience fait de l’homme un être libre.

Par sa conscience, l’homme est capable d’échapper à l’enfermement caractéristique des simples choses.

En effet, une chose n’a pas conscience d’elle- même, elle ne s’aperçoit pas de ce qu’elle est, ni de ce qu’elle n’est pas.

Au contraire, l’homme se pose en s e pensant et, du même geste, il s’oppose à ce qu’il n’est pas ; ainsi se met -il à distance du monde, il s’en distingue en sorte d’agir sur lui, en sorte de le modifier.

D’où, il s’ensuit que la conscience a aussi, et surtout, une incidence pratique.

En eff et, grâce à la distance qu’elle prend avec le monde, la conscience s’offre la possibilité de le modifier en fonction de ses propres représentations.

Or, en modifiant les choses extérieures l’homme imprime sa marque en elles et force le monde à se conformer à ses désirs ; il se projette donc dans le monde si bien que celui -ci devient une image de lui -même, c’est -à -dire le produit de son activité.

L’homme est ce qu’il se fait, et en faisant il se construit lui- même.

Ainsi des doubles points de vues pratique e t théorique on ne peut agir. »

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