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Suffit-il de voir le meilleur pour le suivre ?

Publié le 07/01/2004

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À quelles conditions peut-on affirmer qu' « il suffit de voir le meilleur pour le suivre «?

1. La proposition semble évidente, comme le montre l'examen de la notion de meilleur.

- Certes le mot « meilleur« recouvre des réalités différentes : le meilleur est-il ce qui répond à une exigence morale? ce qui contribue à mon bonheur? Et mon bonheur, en quoi consiste-t-il? Cependant, à ce stade de l'analyse, peu importent les différentes conceptions que l'on peut se faire du meilleur. Il suffit de remarquer que dans tous les cas le meilleur est ce que je juge préférable de faire. Comment dès lors ne pas préférer ce qui, selon moi, est préférable?

- Il peut certes y avoir des obstacles extérieurs qui m'empêchent de le suivre, mais je ne peux pas ne pas vouloir ce que je connais être le meilleur.

On peut avoir conscience des exigences du devoir, sans être capable de l'accomplir. L'obéissance aux exigences de la raison est difficile sans le soutien du désir. Dans certaines situations extrêmes, la raison peut exiger jusqu'au sacrifice de notre vie.

« 2.

Si l'homme ne fait pas ce qu'il y a de meilleur, ce ne peut donc être que par ignorance.— Nous retrouvons là le principe de Socrate : « nul n'est méchant de son plein gré ».

Exemple : un homme quiaccumule la richesse recherche en réalité un bien qui le comblerait, mais il se trompe en croyant que ce bien peutêtre matériel.— Cela vaut pour les cas où un homme commet l'injustice.

Il se détourne de ce qui est le meilleur moralement poursatisfaire son bonheur personnel.

C'est qu'il se trompe sur ce qu'est son bonheur véritable, car, correctementcompris, le bien moral et le bonheur sont identiques.

Si en effet il y a une fin naturelle de l'homme, seul ce quis'accorde à cette fin pourra le satisfaire et lui apporter du bonheur, mais aussi seul ce qui est en accord avec sanature pourra être dit bon moralement.

Exemple : la tempérance est une vertu morale, parce qu'elle respecte lahiérarchie naturelle entre la raison et les désirs.

Elle est aussi ce qui rend l'homme heureux en le délivrant del'esclavage de ses désirs.

Quand donc on voit que le meilleur est moral, on ne saurait lui préférer son bonheur. 3.

Cependant, l'ignorance et la connaissance supposent un acte par lequel ou on se détourne du meilleur, ou on setourne vers lui.— L'ignorance est à l'origine de l'égarement des hommes, mais d'où vient l'ignorance elle-même? Certes, si je vois lemeilleur, je ne peux que le suivre, mais comment se fait-il que certains hommes ne le voient pas? Comment, si lanature est orientée vers le meilleur, peut-elle susciter l'ignorance? C'est donc que la connaissance suppose un actenon naturel : la vue du bien suppose que l'on se tourne vers lui.

Cet acte qui précède la connaissance ne peut, àson tour, être guidé par elle.— L'accord de la connaissance et de l'action par la nature ne peut donc être suffisant si le problème de l'ignorancenous oblige à penser un acte qui précède la connaissance. III.

La liberté comme synthèse de la connaissance et de l'action et le problème du mal. 1.

Cet acte n'est pas seulement l'acte par lequel je me tourne vers une idée du meilleur qui lui préexiste.Si c'était le cas, cette idée du meilleur, qui précéderait l'acte par lequel je me tourne vers elle, emprunterait làencore son pouvoir de me déterminer à la nature : je serais donc à la fois poussé par la nature à suivre le meilleur,mais l'acte par lequel je connaîtrais le meilleur ne serait pas naturel.

Il y a donc contradiction. 2.

Cet acte est celui qui fait exister le meilleur pour moi.

Ce renversement est opéré par Kant dans les Fondementsde la métaphysique des moeurs.— Spontanément, on pense que la vue du meilleur précède l'acte par lequel je le suis.

Mais qu'entendons-nous parmeilleur? Il n'y a aucun sens à parler d'un meilleur qui précéderait le devoir de le suivre, c'est au contraire parce qu'ilm'est ordonné sous la forme d'un devoir que le meilleur est meilleur.

Ce qui fait que le bien est bien, c'est qu'il estprescrit par la loi morale intérieure.

Ce n'est pas, par exemple, parce qu'il est bien de dire la vérité que je ne doispas mentir.

Mais c'est parce que j'éprouve en moi le devoir de ne pas mentir que je sais que c'est bien de ne pasmentir.

C'est donc à partir de la simple idée de devoir, de la simple forme de loi (d'un « tu dois » qui n'indique pasencore ce que je dois, d'une loi sans contenu particulier), que se déduit ce que nous appelons bien et mal : est bience qui est susceptible d'être mis sous la forme d'une loi.— C'est donc parce qu'il y a présence d'une loi morale en moi, qu'il y a vue du bien.

Cette présence de la loi n'estpas elle-même une vue, une connaissance.

Elle est l'acte par lequel la raison se fait volonté, acte qui n'est pas dansle temps et que je ne décide pas.

Éprouver le devoir, c'est en effet éprouver qu'une idée de la raison (la forme deloi) est contraignante pour la volonté.

Cet acte par lequel une idée détermine la volonté, c'est la liberté.

Par elle, jene suis plus soumis à mes désirs naturels, mais je peux me déterminer moi-même.

Par là aussi, le meilleur cessed'être un : le bien de la liberté (bien moral) diffère du bien de la nature (bonheur).— Ce n'est donc plus la nature qui assure la synthèse entre la connaissance et l'action, mais la liberté : si uneconnaissance peut avoir de l'efficacité sur la volonté, c'est qu'il y a un point où la raison se fait volonté. 3.

Le problème du mal.— Le paradoxe d'une nature qui tend vers le bien et suscite l'ignorance cède à présent la place au paradoxe d'uneliberté qui fait exister le bien et se détourne de lui, soit qu'elle refuse de le voir (ignorance), soit que, le voyant, ellene l'aime pas assez pour le mettre en pratique.

On passe par là de la simple ignorance au ma/ proprement dit.— Le mal suppose que l'on connaisse le bien.

Si on l'ignore, on ne peut être tenu pour responsable, et il n'y a pas demal là où il n'y a pas de responsabilité.

Il suppose donc à la fois l'acte qui pose le bien et celui qui s'y oppose.

Ilsuppose une contradiction intérieure de la volonté.— Celle-ci est incompréhensible : comment la liberté peut-elle se nier elle-même ? Et si elle s'est asservie, commentpeut-elle se délivrer? Le mal semble un mystère qui marque un terme à l'effort de compréhension. Conclusion Comment pourrait-on voir le meilleur et ne pas le suivre? Cela paraît dans tous les cas impossible.

Si c'est la naturequi assure la synthèse de la connaissance et de l'action, comment une nature orientée vers le meilleur pourrait-ellene pas le suivre? Si c'est la liberté, comment la liberté pourrait-elle se renier, en niant le bien qu'elle pose?Cependant, l'expérience de l'ignorance tout d'abord, du mal ensuite, font éclater cette certitude rationnelle.

Le mals'identifie à la possibilité de voir le meilleur et de ne pas le suivre.

Mais, ce faisant, le mal paraît échapper nonseulement à l'emprise de la volonté, mais encore à celle de la pensée qui voudrait le comprendre.. »

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