La Bruyère et le pouvoir
Publié le 14/08/2014
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- La Bruyère, courtisan? Un peu d'autobiographie
Dans son oeuvre, La Bruyère se pose én moraliste au-dessus de la mêlée. Il n'en est pas moins un de ces roturiers qui ne tiennent leur situation que de la faveur d'un grand, puisqu'il restera attaché toute sa vie à la maison du Grand Condé, d'abord comme sous-précepteur du petit-fils de Condé puis comme « gentilhomme de Monsieur le Duc «. C'est donc au titre de serviteur d'un grand qu'il a accès à la cour. Même si les je qu'il emploie sont rarement des je qui traduisent des sentiments personnels (l'esthétique classique exclut la confidence personnelle), on peut néanmoins repérer, dans certaines remarques, l'amertume provoquée par les inévitables humiliations de la cour (DC, 30), et sans doute les remarques qui stigmatisent telle ou telle contradiction dans le comportement (comme DG, 13) ont—elles une source autobiographique.
«
très générale et fort peu politique.
Les vraies distinctions sont surtout celles qui, indépen
damment de
lopposition entre noblesse et tiers état, constituent les distinctions sociales
présentes à
la cour: l'Épée, c'est la noblesse terrienne et ancienne qui tient ses titres de ses
hauts faits guerriers; la Robe, c'est la magistrature, en partie roturière, en partie anoblie; et
l'Église comprend tous les niveaux sociaux, englobant des courtisans moyens comme des
grands.
Les ambitions de Théonas (DC, 52), qui veut devenir évêque et qui, à peine nommé,
ne rêve
plus que d'être archevêque, montrent que la« faveur» arrive souvent sans qu'on s'y
attende et permet les rêves les plus ambitieux, mais aussi les attentes les plus vaines (DC,
22).
L'asservissement des courtisans,
voulu par Louis XIV, est général.
La mise en place du
système des
«favoris» crée une hiérarchie supplémentaire : le pouvoir passe par des hommes
provisoirement influents à qui
il faut s'empresser de plaire (DC, 40).
Ill.
Un bilan respectueux
Les critiques
C'est dans le chapitre X,« Du souverain ou de la république» (en particulier les remar
ques 23-35),
qu'on pourrait trouver de vraies analyses politiques sur le pouvoir en place.
Dans
les chapitres VIII et IX, les intrigues des courtisans, lopposition des grands à I' étab
lissement des hommes de mérite ne sont vues que comme une agitation sans valeur.
Le pou
voir n'est pas envisagé en lui-même.
Cependant,
les allusions plus strictement liées au système
de cour contenues dans
les deux chapitres permettent de noter que La Bruyère sait se mon
trer virulent dans sa critique des grands (voir DG,
25 et 26).
Il a conscience que les grands, «âmes oisives» (DG, 54), sont devenus inutiles à la société, qu'ils ne constituent plus une
catégorie sociale capable de fournir des cadres à l'État (DG, 24).
«L'homme de mérite»
représente lavenir : il est ce « citoyen » compétent qui peut« travailler les premières années
de sa vie à se rendre capable
d'un grand emploi[ ...
] sans nulle intrigue», qui veut« servir
sa patrie, son prince,
la république» (DC, 44).
Ce vocabulaire, c'est déjà celui de la Révolution.
Le respect du pouvoir
Mais La Bruyère, s'il a parfois ces réflexions qui annoncent une autre ère, manifeste, le
plus
souvent, une attitude respectueuse à l'égard du pouvoir existant.
Ce sont certains
dévoiements
qu'il condamne, comme quand les courtisans, durant la messe, tournent le dos
à
l'autel pour adorer le roi (DC, 74), non l'institution elle-même.
Montesquieu, peu d'an
nées plus tard, ose rire du roi, de l'Église, du dogme.
Tel n'est pas le cas de La Bruyère.
Le respect du passé
Chez lui, le passé est valorisé : le grand est souvent encore vu comme un chevalier au
service de son roi,
« avec de longs services, bien des plaies sur le corps » (DC, 18), et qui ne
mérite pas
d'être confronté à l'arrogance illégitime des courtisans parvenus.
La Bruyère
respecte
le principe d'autorité : «Nous devons les honorer parce qu'ils sont grands et que nous
sommes petits
» (DG, 52).
Pour lui, le désordre social est un péché.
Il va jusqu'à estimer que
c'est parce que le peuple est naturellement« chagrin» et jaloux que les grands ne tiennent
pas compte de son avis (DG, 22).
Finalement,
la contradiction entre les revendications de
l'homme de mérite et les indignations du conservateur ne sont jamais résolues et reflètent la
crise de la société..
»
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