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LA PROBLÉMATIQUE AMOUREUSE dans Tristan et d'Iseut

Publié le 18/01/2015

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Le philtre n'est donc la cause que du désir, non de l'amour. Il rend insatiable, il est cause de maladie ou de mort aussi longtemps que le désir n'est pas satisfait, Phénix qui renaît de ses cendres (comme l'amant de Phénice dans Cligès). Le silence de Thomas sur la durée des effets du philtre a fait supposer que chez lui Tristan et Iseut s'ai-maient avant de l'absorber. On pourrait le déduire de ces vers : « Qu'elle se rappelle les douceurs de notre amour parfait et vrai, quand elle a guéri autrefois ma plaie ! » (v. 1219 et suiv.) Mais ensuite Tristan déplore les effets néfastes du philtre : « Ce breuvage contenait notre propre mort ». Peut-être y a-t-il là aussi l'oppo¬sition entre un amour pur, chaste, permis, et le désir scandaleux, dangereux. Chez Gottfried, l'insistance avec laquelle il parle de la haine éprouvée par Isolde à l'égard de Tristan, qui vient de la conquérir, ne permet pas de penser qu'ils s'aimaient déjà. L'amour pour celui que l'on devrait haïr vient de l'Antiquité ; il deviendra un lieu commun de la tragi-comédie (dans Le Cid par exemple). Le philtre, chez Béroul, est inséparable du soupçon qu'Iseut la guérisseuse est, comme sa mère, une guivre, une vipère. Le latin venenum (poison), qui a donné venin, a la même racine que venus, la fascination, d'où Vénus, par personnification, tire son nom. Chez Thomas et Gottfried, le philtre a partie liée avec la mort, chez Béroul, il est associé, plus concrète¬ment, à la souffrance, au déshonneur, à la vie sordide du Morrois. Tristan, à la différence de la belle Iseut qui ne sera ensanglantée qu'un temps — quand les barons la ligotent -, Tristan est l'homme des blessures inguéris¬sables ou des petites blessures : dans la scène de la farine, sur les fers à faux, contre le Morholt et le dra¬gon, etc. : ivresse amoureuse et blessures puantes. C'est pourquoi Iseut n'est pas seulement un objet éblouissant, mais la guérisseuse. Par sa présence, par ses baumes (à distance chez Gottfried), elle guérit l'exilé. Si Marc a goûté au philtre sans qu'Iseut en ait bu avec lui, il est victime de l'ingrates amor, l'amour non partagé. La volonté d'Iseut est intervenue, elle a choisi Tristan. Mais l'absorption d'une part du philtre par le mari fait de l'amant un rival : trio infernal. Si l'on se réfère à Ovide (Art d'aimer, II, 106-7), « les philtres nuisent aux coeurs et leur action est celle de la folie furieuse », c'est pourquoi il les déconseille aux jeunes filles. Ainsi nous comprenons mieux le dan¬ger du « vin herbé ». Sur des jeunes gens vigoureux sa force devait être le double ou le triple de ce qu'elle eût été sur un homme vieillissant. Ou bien on ne com¬prend pas que la mère d'Iseut soit qualifiée de femme avisée. Saint Jérôme raconte que le poète Lucrèce devint fou et mourut pour avoir absorbé un philtre amoureux. N'est-ce pas le sort de Tristan ?

« La nature du philtre et sa durée À cause de la chaleur étouffante de la Saint-Jean, les héros ont voulu se désaltérer.

Brangien (ou un servi­ teur, ou une servante) leur a donné ce breuvage, par erreur.

Chez Béroul, le philtre exerce ses effets pendant trois ans (v.

2143), chez Eilhart quatre : « Le philtre était ainsi fait : l'homme et la femme qui en avaient bu ensemble ne pouvaient se séparer pendant quatre ans.

Quoi qu'ils fissent, ils ne pouvaient s'empê­ cher de s'aimer de tous leurs sens le temps qu'ils vivraient.

Et pendant quatre ans leur amour était si fort qu'ils ne pouvaient rester séparés même une seule jour­ née.

( ...

) Et si pendant une semaine ils ne pouvaient pas se parler, le boire faisait aussi que l'un et l'autre tombaient malades et s'affaiblissaient, et alors ils devaient mourir tous deux» (v.

2279 et suiv.).

Thomas n'assigne aucun terme aux effets du philtre.

Eilhart, parlant des arbustes qui s'entrecroisent sur la tombe des amants 1 écrit : « C'est la force du philtre qui fit cela» (v.

9 523).

Heinrich reprend le thème:" Et le philtre d'amour toujours ardent révélait encore sa nature et montrait sa force dans ces cœurs sans vie.

» (Pléiade, p.

778).

Le philtre co"'""' fatalité Le philtre soulève donc plusieurs difficultés.

Si, chez Béroul, il cesse de tourmenter les amants au bout de trois ans, quelle sorte de sentiment éprouvent-ils ensuite ? Le poète grec Euripide dit : « Il n'est pas d'amant qui n'aime pour toujours.

» Tristan et Iseut s'aiment-ils vraiment ? S'ils conservent un sentiment l'un pour l'autre, quel est-il ? Est-ce qu'ils s'aimaient avant de boire le philtre ? Si oui, que signifie le philtre ? THÈMES 71. »

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