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SCUDÉRY Madeleine de: critique et analyse de l'oeuvre

Publié le 13/10/2018

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SCUDÉRY Madeleine de (1607-1701). Madeleine de Scudéry reste connue, aujourd’hui, non tant pour son œuvre, qu’on ne lit plus, que comme représentante de la préciosité [voir Préciosité] et du romanesque. Aussi convient-il de rectifier d’emblée sa légende : elle fut avant tout la première des femmes de lettres, une romancière et une moraliste dont les ouvrages obtinrent en France et à l'étranger un très grand succès. S’il est vrai qu’elle figura en bonne place dans la chronique mondaine de son temps, que son salon et les jeux littéraires qu’on y pratiquait étaient célèbres, son importance tient

surtout à une production littéraire très abondante, inscrite dans la dynamique du courant à la fois galant et moralisateur qui devint prépondérant au milieu du xviie siècle.

 

Sapho

 

Elle avait été préparée à un tel rôle par une éducation au-dessus de la moyenne. Fille d’un petit noble aventurier (capitaine des ports du Havre, il pratiqua la piraterie dans les Caraïbes) et ruiné, elle fut orpheline de bonne heure. Recueillie par un oncle, elle reçut de lui une instruction où la littérature et les langues vivantes étaient mises au premier rang. Comme nombre d’adolescentes de son temps, elle fut une dévoreuse de romans, et se passionna pour l'Astrée.

 

Sa jeunesse se déroula dans l'ombre de son frère [voir Scudéry Georges de] : elle le suivit en Normandie, à Paris, puis à Marseille (1644-1647). Dans son sillage, elle entra en contact avec les milieux littéraires parisiens, notamment l’Hôtel de Rambouillet. Lorsqu’il entreprit de composer des romans, elle collabora avec lui (Ibrahim ou l'Illustre Bassa, 1641). Le séjour marseillais fut l’occasion de commencer Artamène ou le Grand Cyrus : il parut de 1649 à 1653, peu après le retour du frère et de la sœur à Paris; son prodigieux succès, comme celui de Clélie, histoire romaine (1654-1660), imposa la gloire de la romancière. L’Hôtel de Rambouillet déclinait : Madeleine de Scudéry eut son propre salon, que fréquentaient les écrivains en renom, académiciens (Conrart, Chapelain, Pellisson...), mondains (Sarasin, Scarron, Isarn...). Ce cercle très lettré était lié au clan Fouquet. On y jouait à des jeux d’écriture, on y discutait de poétique et de psychologie amoureuse; on y menait aussi des intrigues de coterie littéraire. Grâce à ces réunions des « samedis », celle qu’on surnommait Sapho, en souvenir de la grande poétesse de r Antiquité, devint un véritable personnage : vieille fille laide mais spirituelle, tendre mais vertueuse, entourée de soupirants platoniques, dont le préféré était Pellisson.

« de faire plus bref et plus vraisemblable , comme dans la nouvelle Célinte , l'« attira il baroq ue» (A.

Niderst) des en tretiens et descriptions devi n t plus lourdement visib le encore.

(Voir aussi ROMAN HISTORIQUE).

Cyr us et Clélie .- Il est impossib le de résumer l'act i on de ces roma ns immenses ( 1 0 volumes et p lus de 13000 pag es pour Cyrus.

10 volumes encore pou r C/élie.

histoire romaine).

On peut tou t au plus e n esqu isser le canevas.

Dans Cyrus - pou r nous en tenir à cette œuvre - l'h istoire débute par l a charge des troupes du h é ros.

Artamène.

contre u ne ville où sa bien - aimé e.

Manda ne, est cap tive .

La ville brO ie.

ma is l e ravi sseur de Mandane a f ui avec sa pro ie .

Au bout de 80 pages.

on apprend.

par un réc it rétrospect if que fait un lieute nant.

qu'Artamè ne n'est autre que Cyrus.

roi des Perses.

L'histoi re se pou rs u it par une succession de pou rsuites et de bat ailles.

Les procédés son t empr untés à l'épopée (début ;n medias res.

réc it s inté­ r ieurs.

ré trospectio ns.

etc.).

qu'i mite auss i le sty le (abus des épi thètes homériques te lles que " l'amou reux Artamène >> ...

).

Les transpos i tions de p ersonnages contempo rains sont transpa rentes : Cyrus .

c'est Condé.

et sa vic toire sur les Massagètes est un récit de la ba taille de Rocroi; Mandane est la duchesse de Long ueville.

etc .

Ces procédés sont r epris dans la Clélie .

où les descrip tions (par exemple.

Vaux -le -V i com te, sous le nom de Valterre), portraits et conversations prennent enco re plus de place .

Ces romans furen t signés par Ge orges de Scudéry.

ma is l e pub lic savait que le vér itable auteur était Madele ine.

Déd iés à la fami lle de C o ndé.

ils ma rque nt l'at tachement des Scudé ry à leu rs protecteurs.

même quand ceux-ci se furent comp r om is dans la Fronde .

Dans ces cadres co n ventionnels, et sans souci du vrai­ semblable, les héros sont immanquablement beaux, bra­ ves et généreux, les héroïnes belles, spirituelles , vertueu­ ses.

D'où une monotonie que le sty le presque constamment hyperbolique ne rompt guère.

D'où aussi un affadissement des caractères, dénoncé par Boileau dans son Dialogue des héros de romans.

Mais il faut bien constater que cette esthétique vise avant tout à in si­ nuer une morale.

A la différe n ce de ceux de Gombe rville et La Calprenède, qui exa ltaient les rêves héroïques, il s'agit surto ut, ici, d' affirmer le code galant [voir GALAN· TERlE] : respect des bienséances, dévotion à l'aimée, défiance envers les désordres de l'amour.. .

Mo ra lisme , féminisme , ur b an it é Cette morale se p récisa et se confirma dans les Conversations, qui reprenaient des passages entiers des récits antérieurs .

Deux volumes de cet ouv rage furent même utilisés par Mme de Maintenon dans son institution de jeunes filles de Sai nt-Cyr .

L'idéol og ie prônée par Madeleine de Sc u déry se caractérise d'abord par u n souci de rigueur morale et de décence .

Elle- même était d'ailleur s un animement van tée pour sa vertu, même par un cr itique comme Boileau , très réservé à l'égard de son esthétique.

Cette vertu n'est pas ig n orance des dé bauches amoureuses alors courantes, mais réaction luci de .

La «carte de Tendre», si elle est d'a bord un jeu de salon, est aussi l'expression d'une recherche mélancol ique de rapports fondés sur le respect de la femme .

C'est là un des versants de la préciosité de Mlle de Scudéry .

Somaise et l'abbé de Pure firent de Sa pho et de son salon des parangons de cette mode en en soulignant surtout les aspects les plus superficiels .

Mais des exigences plus profondes sont aussi percepti­ bles.

Ainsi le prologue de Célinte se place dans la lignée de Marguerite de Navarre, et, comme ch ez celle -ci, l'in ­ terrogation su r la situation de la femme laiss e perce r l'inquiétude.

La défiance envers les dangers de la pas­ sion conduit vers Je rêve d'un amour idéal où la « pru­ dence» contrôle rait l'« inclination », le d ésir.

La liaison amoure use est co nçue alors comme une ascèse heureuse, et non pl us comme une tyrannie de la jouissance poursuivie.

la " ca rt e de T endre "· - Elle fut é laborée au cours de l'hiver 1653 ·1654.

par les habitués des «samed i s>>.

et Made leine de Scudéry la m it au tome Il de sa Clélie.

Le pays de Ten dre est parcou ru par tro is fleuves symbo lisan t les trois sortes d'amou r : Inclination, Est ime et Reconnais ­ sance.

Au-de là des mers.

les «Te r res Incon nues" de la Jouissance.

A travers le pays.

di vers itin éraires symbolisant l es stratégies amoureuses.

Une telle représen ta tion ne p rend tout son sens que si l'on sai t que les cartes allégo r i­ ques étaient en vog ue à ce tte époq ue : Tend re fut la plus cé lèb re .

mais il y en eu t des di zaines.

y compri s de parod ique s.

Cela retentit sur le code des bienséances mondaines et sur l'exige nce d'un code de langage : l'un et l'a utr e doivent obé ir au même souci d'urba n ité, qui modère l'expressio n aussi bien que le s mœurs, qui impose la réserve dans les manières aussi bien que la bienséance et l'abstraction dans l e style.

L'idéal mondain de l'honnê· teté et sa forme raffinée : la galante rie, en proposant l'assim ilation de ces codes a u «naturel» en font une véritable morale mondaine.

Par ce biais, le goût e t l es thèses littéraires qui nourrissent les conversations (aussi bien dans les romans que dans les œuvres morales) ten­ dent à rejo indre, à travers l'attirail baroque, le goût classique.

Car si l'univers romanesque de Madele ine de Scudéry appartient au courant de sensibilité dit baroque [voir BAROQUE], celui-ci est travaillé de l'intérieur par une mé lancolie , un désir de repos qui le rattachent aussi à l'urbanité que valoriseron t les classiques.

L 'œuvre de la romancière apparaî t ainsi comme significative d' un temps de transi tion, et ses dime nsio n s de mora le (thèses sur la mondanité et la morale amoureuse) et de critique (thèses sur 1 'esthétique littéraire) prennent de la sorte plus de relief que la dimension romanesque proprement dite.

Les épithètes de « baroque » et de « précieuse » constammen t appliquées à Madeleine de Scu déry doi­ vent donc être considérées avec quelque circonspect io n, comme d'ailleurs l'opposition entre « baroqu e » et « classicisme ».

BffiLIOGRAPHIE É di tio ns.

- Pas d'édition moderne des grands romans, ma is une bonne édition de Célinre, Nouvelle première, par A.

Niderst, Paris, Nizet, 1979, et un Choix de « Conversations », prés.

Philip y.'olfe, Ravenne, Longo, 1977.

Etudes.

-G.

Mongrédien, Madeleine de Scudé1y et son salon, Paris, Tallandier, 1946 (reprend et complète le précédent) ; A.

Niderst, Madeleine de Scudéry, Paul Pellisso n er leur monde, Paris, P .U .F., 1976; R.

Godenne.les Romans de M11• de Scudéry, Genève, Droz.

1983; N.

Aronson, Mademoiselle de Scudéry, Paris, Fayard, 1986; cf.

aussi J .-M.

Pelous, Amour précieux, amour galant , Paris, Klincks ieck, 1980, et C.

Filteau, «le Pays de Tendre : l'enjeu d'une carte», Lirtérarure, n° 36, 1979 .. »

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