Devoir de Philosophie

LA SAGESSE LA VERTU STOÏCIENNE

Publié le 24/03/2015

Extrait du document

TEXTE

« ... Qu'on cesse donc de joindre deux choses incompatibles, de lier la volupté à la vertu, méthode vicieuse qui flatte les hommes les plus mauvais. L'homme qui s'abandonne aux voluptés, tou­jours dans les hoquets de l'ivresse, parce qu'il sait qu'il vit avec la volupté croit vivre aussi avec la vertu ; car il entend dire que la volupté ne peut être séparée de la vertu ; alors il inscrit « sagesse « au-dessus de ses vices et proclame ce qu'il devrait cacher. Ainsi ce 'n'est pas poussés par Epicure qu'ils se livrent à la débauche ; mais adonnés au vice ils dissimulent leur débauche dans le sein de la philosophie et se précipitent là où ils entendent faire l'éloge de la volupté. Ils n'envisagent pas combien cette volupté d'Epicure (c'est mon avis en tout cas) est sobre et sèche, mais c'est le mot de volupté qui les fait accourir, à la recherche d'une excuse et d'un voile pour assouvir leurs passions. Ainsi ils 'perdent le seul bien qu'ils conservaient dans leurs maux, la honte de la faute ; ils font l'éloge de ce qui les faisait rougir et se glorifient de leurs vices ; à tel point qu'il n'est plus possible à la jeunesse de s'amender puisqu'un titre honorable est joint à un honteux abandon... «

 

(Sénèque, La vie heureuse, XIII, 1, 2, 3.)

Sénèque tout en adoptant dans toute sa rigueur la dogmatique stoicienne (le seul bien est le bien moral, le reste est indifférent, quiconque n'est pas tout à fait sage n'est pas sage du tout) est beaucoup plus humain, beaucoup plus psychologue dans sa prédication, dans son rôle de directeur de conscience. Tous ceux qui vivent éloignés de la sagesse ne sont pas iden¬tiques. Il y a ceux qui se glorifient de leur immoralité (et ceux-là sont perdus) mais il y a ceux qui sans être sages eux-mêmes progressent vers la sagesse. Ce sont les proficientes, ceux qui s'avancent en direction de l'idéal. Avoir honte de soi, recon¬naître les contradictions entre sa pensée et sa vie, c'est être en marche vers la sagesse. Pour tous les philosophes de l'Anti 

 

quité le méchant est un ignorant. Pour Sénèque on peut tout en faisant le mal avoir la connaissance du bien. Et c'est là une preuve d'humilité et de lucidité. Stoïcien par ses maximes théoriques, Sénèque annonce les moralistes chrétiens par la pratique de l'examen de conscience, par la lucidité amère et le sens du péché.

« '' '.

'.

..

• • • • • • • • • COMMENTAIR• a) Présentation du texte Pour bien comprendre ce fragment il convient de rappeler dans quelles circonstances fut écrit le De vita beata.

En 58 un avocat corrompu, Suillius, accuse Sénèque d'être à l'origine du procès qu'on lui intente et contre-attaque en reprochant à l'illustre stoïcien d'être un hypocrite.

Au nom de qu~ls principes philo­ sophiques Sénèque a-t-il acquis en trois ans de faveur impé­ riale trois cents millions de sesterces? Sénèque s'enrichit par des prêts usuraires et ses mœurs sont déréglées.

C'est tout le problème de la contradiction entre la conduite réelle du philo­ sophe et ses maximes théoriques qui est ici posé.

Que vaut-il mieux, répond Sénèque : justifier ses fautes par une philoso­ phie complaisante ou bien adopter une doctrine sévère et tout en reconnaissant ses imperfections, ses faiblesses, ses fautes, tenter de s'améliorer et de se rapprocher de son idéal exigeant? b) Explication détaillée du texte « ...

Qu'on cesse donc de joindre deux choses incompa­ tibles, de lier la volupté à la vertu ....

» Les Grecs ignorent la distinction que Kant établira entre la vertu et le bonheur.

Pour les moralistes grecs bonheur et vertu sont confondus dans le concept de souverain bien.

Mais encore faut-il savoir ce qu'ils entendent par « bonheur».

Pour Epicure le bonheur c'est le plaisir.

Sénèque rejette cette maxime.

Il adopte la morale des stoïciens selon laquelle il n'y a de bonheur que dans la pratique de la vertu.

« Nous jugeons que cela seul est bon qui est honnête », dit-il.

Il n'y a qu'un bien, la vertu, il n'y a qu'un mal, le vice, tout le reste est indifférent.

Le sage, l'homme vertueux est donc proclamé heureux même dans les souffrances et dans la servitude.

Tout en proclamant l'identité vertu-bonheur, Sénèque oppose radicalement vertu et volupté.

« On rencontre la vertu au temple, au forum, à la curie, debout devant les remparts, couverte de poussière, le visage hâlé, les mains calleuses; la volupté le plus souvent furtive et amie des ténèbres, aux abords des bains, des étuves ...

dégouttante de vin et de parfums, pâle, fardée, embaumée comme un cadavre.

» « ••• ·Ce n'est pas poussés par Epicure qu'ils se livrent à la débauche ...

Ils n'envisagent pas c~mbien cette volupté d'Epicure est sobre et sèche.» Tout én se proclamant résolument stoïcien, Sénèque fait observer que la philosop™e d'Epicure n'est pas ce qu'un peuple pense.

Elle est plus proche du stoïcisme qu'on ne le dit.

Sénèque lui-même dans ses Lettres à Lucilius cite très souvent des 117. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles