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Descartes et le désir

Publié le 09/11/2018

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descartes

... Dégagez l'intérêt philosophique du texte suivant, en procédant à son étude ordonnée :

« Il me semble que l'erreur qu'on commet le plus ordinairement touchant les désirs est qu'on ne distingue pas assez les choses qui dépendent entièrement de nous de celles qui n'en dépendent point: car, pour celles qui ne dépendent que de nous, c'est-à-dire de notre libre arbitre, il suffit de savoir qu'elles sont bonnes pour ne les pouvoir désirer avec trop d'ardeur, à cause que c'est suivre la vertu que de faire les choses bonnes qui dépendent de nous ; et il est certain qu'on ne saurait avoir un désir trop ardent pour la vertu, outre que ce que nous désirons en cette façon ne pouvant manquer de nous réussir, puisque c'est de nous seuls qu'il dépend, nous en recevons toujours toute la satisfaction que nous en avons attendue. Mais la faute qu'on a coutume de commettre en ceci n'est jamais qu'on désire trop, c'est seulement qu'on désire trop peu ; et le souverain remède contre cela est de se délivrer l'esprit autant qu'il se peut de toutes sortes d'autres désirs moins utiles, puis de tâcher de connaître bien clairement et de considérer avec attention la bonté de ce qui est à désirer. »

René Descartes, Les Passions de l’âme, 1649.

            Le désir est l’essence de l’humain. Ainsi s’entend la célèbre phrase de Jean-Jacques Rousseau selon laquelle « Malheur à celui qui n’a plus rien à désirer » comme pour déplorer le malheureux état dans lequel se retrouverait quiconque serait sans désir. C’est donc à juste titre et à point nommé que tombe le présent texte de René Descartes extrait de Les Passions de l’âme, paru en 1649 et cité en 1996. Ce texte, proposé et soumis à notre méditation intellectuelle en vue d’un commentaire philosophique, pose l’éternelle et la délicate question du désir dont il convient de se demander s’il faut à tout prix les combler tous ou si au contraire l’on ne devrait pas se contenter d’en satisfaire certains. A cet effet, la thèse ou la réponse ou encore la position cartésienne est formelle et nette : pour lui, au sujet de nombreux désirs qui traversent, sollicitent, secouent l’esprit humain, l’attitude digne de l’homme consiste à ne désirer que les choses qui dépendent que de lui. Aussi, pour asseoir sa thèse, Descartes procède-t-il en deux temps : d’abord de la ligne 1 à la ligne 10, il nous prévient de l’erreur qu’il faut se garder de commettre, laquelle revient à semer une confusion entre les choses qui dépendent de nous et celles qui ne le sont pas ; ensuite de la ligne 10 à celle 14, l’auteur nous exhorte sur la faute que nous commettrions à ne désirer que trop peu suite à une attention exagérée aux désirs inutiles et vains.

 

            La première partie du texte de Descartes est consacrée à l’erreur (« Et il me semble que l’erreur…nous en avions attendue » l-10). D’entrée de jeu, précisément de la ligne 1 à la ligne 3, l’auteur de Les Passions de l’âme définit l’erreur couramment, fréquemment, souvent commise par le commun des mortels, celle qui se réduit à notre incapacité, notre impuissance, notre faiblesse à ne point faire la différence, le distinguo entre les désirs des choses qui correspondent à nos capacités et les désirs des choses qui n’y correspondent pas. Et d’une part pour fonder et justifier sa conviction sur l’effectivité, la réalité voire l’évidence de cette erreur et d’autre part pour nous détourner des choses vaines, l’auteur évoque et recourt à l’argumentation selon laquelle la bonté des choses qui dépendent de nous constitue la seule motivation, le seul mobile, voire le seul motif qui nous les fait désirer. Et le plaisir qui en résulte, note l’auteur, est des plus satisfaisants et des plus attendus, étant donné que de tels désirs sont relatifs aux choses à notre portée.

 

            Le point de vue de Descartes qui consiste à attirer notre attention sur sa préférence des choses dépendant de nous, mieux des choses nécessaires à celles ne dépendant pas de nous voire inutiles ou vaines, ce point de vue est largement partagé par des philosophes dont Epicure, Aristote et Platon. En effet, le premier, Epicure, au plus fort de son hédonisme modéré d’après lequel le bonheur résulte de la satisfaction de certains désirs, recommande justement aux humains de ne se contenter que de certains désirs et non de tous les désirs s’ils veulent prétendre à quelque bonheur. Le second, Aristote, considérant que le désir est second et la pensée première, range logiquement celui-là à la remorque, à la suite, au service de celle-là. Aussi écrit-il : « Ce n’est pas parce que nous désirons les choses qu’elles sont bonnes, mais c’est parce que nous les jugeons bonnes que nous les désirons ». Cela veut dire, pour Aristote, que le désir doit toujours être contrôlé par la raison. Le troisième, Platon, s’inscrit dans la même logique lorsque, en réaction au sophiste Calliclès qui prétend que la bonne morale consiste dans la jouissance à fond de tous les désirs, l’auteur de l’Allégorie de la caverne avance que l’attitude requise face aux désirs est d’être tempérant.

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« 2 notre faiblesse à n e point faire la différence, le distinguo entre les désirs des choses qui correspondent à nos capacités et les désirs des choses qui n’y correspondent pas.

Et d’une part pour fonder et j ustifier sa conviction sur l’effectivité, la réalité voire l’évidence de cette erreur et d’autre part pour nous détourner des choses vaines, l’auteur évoque et recourt à l’argumentation selon laquelle la bonté des choses qui dépendent de nous constitue la seule motivation, le seul mobile, voire le seul motif qui nous les fait désirer .

Et le plaisir qui en résulte, note l’auteur, est des plus satisfaisants et des plus attendus, étant donné que de tels désirs sont relatifs aux choses à notre portée. Le point de vue de Descartes qui consiste à attirer notre attention sur sa préférence des choses dépendant de nous, mieux des choses nécessaires à celles ne dépendant pas de nous voire inutiles ou vaines, ce point de vue est largement partagé par des philosophes d ont Epicure, Aristote et Platon.

En effet, le premier, Epicure, au plus fort de son hédonisme modéré d’après lequel le bonheur résulte de la satisfaction de certains désirs, recommande justement aux humains de ne se contenter que de certains désirs et non de tous les désirs s’ils veulent prétendre à quelque bonheur.

Le second, Aristote, considérant que le désir est second et la pensée première, range logiquement celui -là à la remorque, à la suite, au service de celle - là.

Aussi écrit -il : « Ce n’est pas parc e que nous désirons les choses qu’elles sont bonnes, mais c’est parce que nous les jugeons bonnes que nous les désirons ».

Cela veut dire, pour Aristote , que le désir doit toujours être contrôlé par la raison. Le troisième, Platon, s’inscrit dans la même l ogique lorsque, en réaction au sophiste Calliclès qui prétend que la bonne morale consiste dans la jouissance à fond de tous les désirs, l’auteur de l’Allégorie de la caverne avance que l’attitude requise face aux désirs est d’être tempérant. Cependant, la conception sur les désirs dont nous gratifie Descartes dans ce texte ne fait pas l’unanimité.

Autrement dit, toute la tradition philosophique ne se prête pas à accompagner Descartes dans sa thèse selon laquelle le désir ne peut prendre le dessus sur la raison humaine.

En effet, contrairement et en opposition à Aristote qui place la pensée ou la raison aux commandes des désirs ou des passions, Spinoza est formel : c’est parce que nous désirons les choses qu’elles sont bonnes.

C’est dire, selon Spinoza, que le désir est créateur, qu’il donne à penser et que, de ce fait, il ne peut être réprimé par quelque raison que ce soit surtout quand on sait que le désir est essentiellement plaisir pour Spinoza, n’en déplaise à Schopenhauer qui conseille de se détacher d u désir qui n’est que souffrance. L’analyse de cette première partie nous a permis de nous rappeler avec Descartes l’erreur que nous commettons souvent de ne point distinguer les choses à notre portée et celles qui nous sont éloignées.

Il nous est apparu que Descartes a une préférence pour les premières au détriment des secondes.

Quelques philosophes, en l’occurrence Epicure, Aristote et Platon, ont été mis à contribution pour jeter de la lumière sur les propos de Descartes dans cette première partie, même si l’occasion a également été belle et propice pour citer Spinoza qui n’appuie pas Descartes en s’opposant clairement à Aristote sur la même question.

Quelle conséquence cette erreur que nous commettrions si souvent sur les désirs peut -elle entraîner sur l’agir humain face aux mêmes désirs ? A cette interrogation tentera de répondre l’étude de la deuxième partie.. »

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