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DESCARTES: Désir et Vertu

Publié le 16/04/2005

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Il me semble que l'erreur que l'on commet le plus ordinairement touchant les désirs est qu'on ne distingue pas assez les choses qui dépendent entièrement de nous de celles qui n'en dépendent point : car, pour celles qui ne dépendent que de nous, c'est-à-dire de notre libre arbitre, il suffit de savoir qu'elles sont bonnes pour ne les pouvoir désirer avec trop d'ardeur, à cause que c'est suivre la vertu que de faire les choses bonnes qui dépendent de nous, et il est certain qu'on ne saurait avoir un désir trop ardent pour la vertu, outre que ce que nous désirons en cette façon ne pouvant manquer de nous réussir, puisque c'est de nous seuls qu'il dépend, nous en recevons toujours toute la satisfaction que nous en avons attendue. Mais la faute qu'on a coutume de commettre en ceci n'est jamais qu'on désire trop, c'est seulement qu'on désire trop peu ; et le souverain remède contre cela est de se délivrer l'esprit autant qu'il se peut de toutes sortes d'autres désirs moins utiles, puis de tâcher de connaître bien clairement et de considérer avec attention la bonté de ce qui est à désirer. DESCARTES

* Le procédé qui permet à l'auteur de réfuter la thèse adverse réside essentiellement dans une distinction des objets du désir. L'argumentation suit cet ordre implicite, qui n'est pas celui du texte : certains pensent que l'excès du désir est contraire à la bonne conduite.  Mais cette thèse est fausse, dès lors que l'on distingue les objets du désir.  En effet, certains objets ne peuvent être trop désirés, et ce désir excessif est même une condition de la bonne conduite.  Par conséquent, pour bien se conduire, il faut dissiper la confusion des objets du désir. Nous présentons ce raisonnement ainsi pour plus de clarté, mais le texte suit un ordre un peu différent, sur lequel nous bâtirons le commentaire.  

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« et bonheur : un faible désir a plus de chances d'être satisfait qu'un désir insatiable.

Aussi peut-on croire quele désir doit être limité si l'on souhaite se procurer le bonheur.

Mais cela suppose que tous les désirs sontsemblables et peuvent être satisfaits ou déçus de la même façon.Il y a là une " erreur ", qui tient à ce que nous confondons en un tout les objets (les " choses ") du désir, quidoivent pourtant être distingués.

Nous préférons le terme d'" objets " pour désigner les buts du désir, car ceque l'auteur désigne par " choses " recouvre en réalité des actions, des opérations qu'il faut faire.

En effet,une action qui ne dépend que de moi seul a plus de chances d'être réalisée (il suffit que je le veuille), et masatisfaction a alors d'autant plus de chances d'être atteinte qu'une action qui implique aussi la volontéd'autrui (qu'il peut toujours refuser), ou encore un concours de circonstances.

Cette distinction estancienne, elle remonte à la philosophie stoïcienne, on la trouve par exemple dans le Manuel d'Épictète.Mais pourquoi une distinction des objets implique-t-elle une conclusion sur le désir lui-même ? La deuxièmepartie doit montrer le lien qui attache l'objet du désir à la façon dont il est désiré. 2.

Car la variété des objets implique diverses "façons de désirer" ("car, pour elles ...

que nous en avonsattendue") Il est important de bien saisir la construction de ce passage.

La conjonction " car " qui l'introduit signale quel'on cherche à justifier l'affirmation qui précède : il faut expliquer pourquoi une distinction des désirs par leursobjets est souhaitable.

Plus précisément, d'après ce qui précède, il faut expliquer pourquoi la variété desobjets (ce qui dépend de nous, ce qui n'en dépend pas) implique des façons différentes de désirer.Dans le cours de cette justification, intervient une autre conjonction causale : " à cause que ".

Il s'agitd'une explication de l'explication précédente.

L'auteur progresse de raison en raison, afin d'expliquer la raisonpour laquelle la variété des objets implique diverses façons de désirer.

Nous retraçons grossièrement leraisonnement.Il existe un objet que l'on peut désirer sans limitation : il s'agit des choses qui dépendent de nous et qui sontbonnes.

L'auteur explique ce qu'il faut entendre par les choses qui dépendent de nous, et cette explicationest capitale pour la suite : il s'agit de ce qui dépend de notre libre arbitre.

Cette notion signifie que notrevolonté est libre.

Aucune cause extérieure (les causes naturelles, les autres hommes, ou même Dieu) nenous contraint à vouloir telle ou telle chose.

Puisque rien d'autre que nous-mêmes n'a d'influence sur nosvolontés, tout ce qui consiste seulement à vouloir quelque chose dépend entièrement de nous.Il y a deux raisons pour lesquelles il en va ainsi. Puisque la vertu consiste dans cet objet, et qu'on ne peut pas désirer excessivement la vertu, le désir decet objet ne peut pas être excessif.

Descartes n'explique pas dans ce texte pourquoi la vertu consisteseulement dans le fait de " suivre les choses bonnes qui dépendent de nous ".

Cette définition intervientdans ce texte à titre d'hypothèse.

Mais l'on peut tenter de la justifier, si on connaît par exemple la définitionpar Descartes de la générosité (Passions de l'âme, article 153) ; la vertu y est définie par deux éléments :l'homme généreux doit savoir qu'il ne possède en propre que cette liberté de sa volonté, et il doit avoir une "constante résolution " d'utiliser cette volonté pour " entreprendre et exécuter toutes les choses qu'il jugeraêtre les meilleures ". Puisque nous ne pouvons pas être déçus par cet objet, et que nous en obtenons toujours satisfaction, onpeut sans risque le désirer sans limites.

Cette deuxième raison est expliquée à son tour par un brefraisonnement : si nous sommes sûrs d'obtenir la " satisfaction que nous avons attendue ", c'est que celle-cine dépend que de nous, c'est-à-dire de notre seule volonté, qui est entièrement en notre pouvoir, et qui nepeut donc pas nous faire défaut, sinon par notre propre faute. 3.

L'excès du désir n'est pas en soi un obstacle à la bonne conduite ("Mais la faute ...

qui est à désirer.") La distinction précédente permet de réfuter la thèse selon laquelle l'excès du désir est un obstacle à labonne conduite, dont on peut à présent percevoir la nature.Nous avons remarqué que si notre volonté nous fait défaut, ce n'est que par notre faute.

On peutcomprendre alors la phrase qui suit : "Mais la faute qu'on a coutume de commettre en ceci n'est jamais qu'ondésire trop, c'est seulement qu'on désire trop peu".

Descartes désigne par "en ceci" la faiblesse du désir deschoses qui dépendent de nous.

Or ces choses correspondent à ce que nous pouvons librement vouloir.

Noussommes les seuls responsables de notre volonté, et de son éventuel défaut.

Aussi la bonne conduite neréside-t-elle pas dans la limitation des désirs, mais dans la poursuite de ce que l'on ne peut jamais tropdésirer.Mais on se trouve alors face à une autre difficulté : si notre volonté est entièrement en notre pouvoir,comment se fait-il que nous n'arrivons pas toujours à la mobiliser ? La fin du texte répond à cette objection,en brossant grossièrement le portrait d'un homme de bonne conduite.En effet, il s'agit de trouver le "remède" (et donc les moyens de préserver la santé de notre âme, ce quicorrespond traditionnellement à la définition de la bonne conduite), à la déficience de notre désir des chosesqui ne dépendent que de nous.

Ce remède est double, car le mal est double.

Si la vertu consiste à désirerles choses qui dépendent de nous et qui sont bonnes, il faut s'attacher à ne pas désirer ce qui ne dépendpas de nous (se délivrer l'esprit de toutes sortes de désirs moins utiles), et à définir les choses qui sontbonnes (la bonté de ce qui est à désirer).. »

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