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Le génie de l'artiste exclut-il tout apprentissage technique ?

Publié le 08/01/2004

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Il convient de ne pas oublier que le mot «génie« a plusieurs sens : primitivement, au sens classique, il désigne des « dispositions naturelles «, des « aptitudes innées « (Dictionnaire) ; il équivaut, dans la perspective qui nous intéresse ici, à « don «, à « talent «. Mais à partir de la fin du xviie siècle, il désigne une « aptitude supérieure de l'esprit qui élève un homme au-dessus de la commune mesure, et le rend capable de création, d'invention, d'entreprises qui paraissent extraordinaires ou surhumaines à ses semblables « (ibid.). Bien que ces deux sens ne soient pas exclusifs, ils ne doivent pas être confondus.

Dès lors, on peut se demander si le génie créateur de l'artiste exclut tout apprentissage technique. Le génie s'apprend-il, s'acquiert-il ou, au contraire, est-il inné ?

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« étaient traités comme de simple compagnons ou artisans. Le rapport de l'art et de la religion.L'art s'est dégagé de la tutelle de la théologie, qu'il s'était borné à illustre jusque-là (on dit que la cathédrale fut,avec ses vitraux et ses figures, un véritable Bible de pierre — et de verre — pour le peuple illettré) : avar l'artistemoderne qui peut choisir de ne rechercher que la beauté dans son œuvre (= l'art pour l'art), il y eut donc des foulesd'« artistes pour qv l'idée même de l'art n'existait pas » (Malraux, La Métamorphose de dieux, 1957). Les beaux-arts, arts du génie L'art n'est pas une simple application de la science. L'art pris au sens large et premier, correspondant au grec technê ou au latin ars, est une application de laconnaissance, de la science, mais cette application n'est pas automatique dès que l'on possède la science.

L'art, entant que savoir-faire, nécessite en effet une certaine habileté qui puisse permettre cette application : « L'art, nousdit Kant, habileté de l'homme, se distingue de la science (comme pouvoir de savoir) comme la faculté pratique de lafaculté théorique, la technique de la théorie (l'arpentage, par exemple, de la géométrie).

Ce que l'on peut, dès quel'on sait seulement ce qui doit être fait et que l'on connaît suffisamment l'effet recherché, ne s'appelle pas de l'art.Ce que l'on n'a pas l'habileté d' exécuter de suite, alors même qu'on en possède complètement la science, voilàseulement ce qui dans cette mesure est de l'art » (Critique du jugement, § 43, trad.

de Joseph Gibelin, Vrin, 1946).Par exemple, considérons l'art du cordonnier.

Nous pouvons apprendre de manière théorique comment faired'excellentes chaussures, tout en restant incapable d'en fabriquer : notre connaissance théorique, notre science, dela technique de la cordonnerie ne peut nous donner l'habileté physique, le tour de main nécessaire à la fabricationd'une chaussure. Technique et habileté peuvent s'enseigner. Mais cette habileté technique peut-elle s'acquérir ? Peut-on me l'enseigner et puis-je l'apprendre ? Évidemment oui :par un exercice pratique, on peut acquérir une habileté suffisante, voire, avec beaucoup d'entraînement, unedextérité exceptionnelle.

Le but de l'apprentissage d'un métier manuel est de faire acquérir cette habileténécessaire, même à ceux qui n'en sont pas naturellement doués.

Reste que, à habileté égale, un artisan pourrainventer de beaux objets quand d'autres ne seront capables que de les exécuter, de les reproduire, de les imitermême parfaitement.

Même ici, l'habileté, la dextérité manuelle, n'est pas prépondérante : tel artisan ou tel artistepourra produire des oeuvres supérieures en beauté à celle d'un autre avec une habileté moindre que celle de cedernier.

Or cette aptitude à produire le beau, ce que l'on nomme génie, ne paraît pas, elle, pouvoir s'apprendre. Le génie ne peut s apprendre Le génie ne s'enseigne pas. Kant nous fait bien comprendre cette spécificité irréductible du génie encomparant l'artiste au savant : « Newton pouvait non seulement pour lui,mais pour tout autre, décrire clairement, et déterminer pour ses successeurs,les démarches qu'il eut à faire depuis les premiers éléments de la géométrie,jusqu'à ses grandes et profondes découvertes ; mais aucun Homère, aucunWieland ne pourrait montrer comment ses idées riches en poésie et pourtantlourdes de pensées surgissent et s'assemblent dans son cerveau, car lui-même ne le sait pas et il ne peut donc l'enseigner à un autre.

En matière descience par conséquent il n'y a entre le plus grand inventeur et l'imitateur,l'apprenti le plus laborieux, qu'une différence de degrés, mais il y a unedifférence spécifique entre lui et celui que la nature a doué pour les beaux-arts ; on ne veut pourtant pas diminuer ces grands hommes auxquelsl'humanité doit tout, par rapport à ceux qui par leur talent pour les beaux-artssont des favoris de la nature.

Le talent des premiers consiste à faireprogresser toujours davantage les connaissances, et les avantages pratiquesqui en dépendent, comme à instruire les autres dans ces mêmesconnaissances et c' est là une grande supériorité sur ceux qui méritentl'honneur d'être appelés des génies ; pour ceux-ci l'art s'arrête quelque part ;il a ses limites qu' il ne peut dépasser, qu' il a sans doute atteintes depuislongtemps et qui ne peuvent plus être reculées ; de plus, une telle maîtrise nepeut se communiquer, elle est dispensée directement à chacun par la main dela nature ; elle disparaît donc avec l'un jusqu'à ce que la nature confère à un autre les mêmes dons ; et il ne reste plus à celui-ci que d'avoir un modèle pour laisser se manifester de semblablemanière le talent dont il a conscience » (Critique du jugement, § 47, trad.

de Joseph Gibelin, Vrin, 1946). La définition kantienne du génie. Kant définit le génie de la manière suivante : Le génie est le talent (don naturel) qui dicte la règle de l'art ; mais letalent, faculté innée de production de l'artiste, appartient à la nature ; on pourrait donc s'exprimer ainsi : le génie. »

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