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Le pari, expression d'une foi raisonnable B. PASCAL

Publié le 26/01/2020

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pascal

Blaise Pascal, homme de sciences (mathématicien et physicien), est d'abord un chrétien qui récuse la prétention de la raison à connaître la vérité en matière religieuse. Il n'en rejette pas pour autant la raison (si ce n'est la raison métaphysique orgueilleuse), mais l'associe à la foi à laquelle elle doit se soumettre.

Pesons le gain et la perte en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez vous gagnez tout, et si vous perdez vous ne perdez rien : gagez donc qu’il est, sans hésiter. Cela est admirable. Oui, il faut gager, mais je gage peut-être trop. Voyons puisqu’il y a pareil hasard de gain et de perte, si vous n’aviez qu’à gagner deux vies pour une, vous pourriez encore gager, mais s’il y en avait trois à gagner ?

Il faudrait jouer (puisque vous êtes dans la nécessité de jouer) et vous seriez imprudent lorsque vous êtes forcé à jouer de ne pas hasarder votre vie pour en gagner trois à un jeu où il y a pareil hasard de perte et de gain. Mais il y a une éternité de vie et de bonheur. Et cela étant quand il y aurait une infinité de hasards dont un seul serait pour vous, vous auriez encore raison de gager un pour avoir deux, et vous agirez de mau- • vais sens, en étant obligé à jouer, de refuser de jouer une vie contre trois à un jeu où d’une infinité de hasards il y en a un pour vous, s’il y avait une infinité de vie infiniment heureuse à gagner : mais il y a ici une infinité de vie infiniment heureuse à gagner, un hasard de gain contre un nombre fini de hasards de perte et ce que vous jouez est fini. Cela ôte tout parti partout où est l’infini et où il n’y a pas infinité de hasards de perte contre celui de gain. Il n’y a point à balancer, il faut tout donner. Et ainsi quand on est forcé à jouer, il faut renoncer à la raison pour garder la vie plutôt que de la hasarder pour le gain infini aussi prêt à arriver que la perte du néant.

(...) Et de là vient que s’il y a autant de hasards d’un côté que de l’autre le parti est à jouer égal contre égal. Et alors la certitude de ce qu’on s’expose est égale à l’incertitude du gain, tant s’en faut qu’elle en soit infiniment distante. Et ainsi notre proposition est dans une force infinie, quand il y a le fini à hasarder, à un jeu où il y a pareils hasards de gain que de perte, et l’infini à gagner.

(...) Or quel mal vous arrivera-t-il en prenant ce parti ? Vous serez fidèle, honnête, humble, reconnaissant, bienfaisant, ami sincère, véritable. .. À la vérité vous ne serez point dans les plaisirs empestés, dans la gloire, dans les délices, mais n’en aurez-vous point d’autres ?

 

Je vous dis que vous y gagnerez en cette vie, et que, à chaque pas que vous ferez dans ce chemin, vous verrez tant de certitude du gain, et tant de néant de ce que vous hasardez, que vous connaîtrez à la fin que vous avez parié pour une chose certaine, infinie, pour laquelle vous n’avez rien donné.

Biaise Pascal, Pensées (sur la religion) (1657-1662), coll. « Profil », éd. Hatier, 1992, pp. 56-58.

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