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Lorsque l'on dit: "l'histoire jugera", suppose-t-on que l'histoire acquitte ou condamne d'un point de vue moral ?

Publié le 28/07/2005

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histoire
Ne jugeons donc pas ; laissons ce soin à l'histoire.B. Sa face positive. - « L'histoire jugera » : cela seul est dit explicitement. Que faut-il entendre par là ?a) Et d'abord, quelle est cette histoire au jugement de laquelle il est fait appel ? Il y a, en effet, l'histoire que font les hommes, surtout les chefs de file, gouvernants et autres et il y a celle qu'écrivent les historiens.Au premier sens du mot - l'histoire qui se fait - « l'histoire jugera » signifie que, grâce aux événements à venir, on pourra juger de la sagesse des décisions prises : une réussite prouvera qu'elles étaient sages ; au contraire, d'un échec on pourra conclure qu'elles étaient inopportunes ou même folles. Un tel jugement semble possible à assez court terme.Il n'en est pas de même si l'on prend histoire au second sens du mot : l'histoire que racontent les historiens selon toutes les exigences de ia critique historique.
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« Or, cette réponse est moins facile qu'il paraît à première vue.C'est peut-être sur les hommes que l'histoire porte les jugements les moins sujets à caution.

Sans doute, nous nepouvons pas entrer dans la conscience d'autrui et atteindre les ressorts profonds de son activité.

Mais dans lamajorité des cas, au moins pour l'époque moderne, l'historien dispose d'informations suffisantes pour lui permettre dejuger équitablement de la valeur humaine des auteurs de décisions qui ont marqué un tournant dans l'histoire d'unpays.

Il ne s'ensuit pas cependant que l'on puisse, dans un cas particulier, apprécier exactement l'action desmobiles et des influences.Plus difficiles les jugements sur les rapports de cause à effet dans le domaine historique.

Parfois, sans doute, le lienqui relie deux événements est indiscutable : on peut dire que telle mesure financière a stoppé l'inflation ou stimulél'économie.

Mais le plus souvent jouent des incidences dont il est difficile d'apprécier l'action réelle : l'économienationale, par exemple, ne dépend qu'en partie des mesures prises par les ministres compétents ; elle dépend ausside la conjoncture internationale, des conditions atmosphériques, des mouvements d'opinion, etc.

On peut, certes,voir si le but visé a été atteint ou non, mais il est toujours impossible de savoir avec certitude si les mesures prisesétaient nécessaires et suffisantes pour atteindre ce résultat.La difficulté s'aggrave si la question porte sur la sagesse de la décision.

L'historien qui juge les hommes politiques dupassé a la partie belle : il sait comment tournèrent les événements, il connaît les imprévus qui surgirent ; il lui estassez facile alors, de juger que telle décision fut malencontreuse et que la décision contraire aurait permis d'éviterune catastrophe.

Mais celui qu'il juge ne disposait pas de toutes ces données : il prit ses responsabilités d'après cequ'il pouvait prévoir d'un avenir plein d'incertitudes.

Pour porter sur ces décisions un jugement équitable, l'historiendevrait se mettre par la pensée dans la situation exacte qui était celle du chef au moment de prendre parti.

Or, il luiest pratiquement impossible d'oublier ce qu'il sait et de ne pas faire comme si le futur de ce chef n'était pas cepassé qui, maintenant, s'étale dans sa mémoire.Il est vrai que, quoi que fassent les historiens pour justifier ou innocenter une décision que l'événement révélanéfaste, c'est sur les résultats effectifs que portent les jugements de la masse des hommes.

Cette masse, sansdoute, n'écrit pas l'histoire, mais elle la fait et, par là même, elle agit sur l'opinion de ceux qui l'écrivent.

Aussi lesgrands hommes dont l'humanité conserve le souvenir sont ceux qui obtinrent des résultats spectaculaires.

Il importeassez peu que leurs succès résultent d'une suite de hasards heureux qui permirent que de folles audaces évitent ledésastre.

Pour les jugements de l'histoire, le résultat compte beaucoup plus que la sagesse des décisions prises endisant « l'histoire jugera ». Conclusion. — Il s'en faut donc que nous puissions voir dans l'histoire le juge qui porte sur les hommes du passé des sentences vraiment objectives.

L'historien le mieux informé et le plus critique n'atteint pas lui-même l'objectivitéparfaite, car il ne voit pas les événements comme les voyait celui qu'il juge : pour ce dernier, ils étaient futurs et,par suite, contingents ; pour lui, au contraire, ils sont passés et, de ce fait, paraissent nécessaires.

A plus forteraison le commun des hommes, sans en excepter ceux qui sont parvenus à un assez haut degré de culture, sont-ilsincapables de se faire une opinion juste en ces matières complexes, manoeuvrés qu'ils sont par les campagnespartisanes.

Sans doute, il reste bien vrai que « l'histoire jugera », mais elle jugera assez mal.. »

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