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On a dit : « Le grand tort de l'associationnisme, c'est d'avoir trop intellectualisé les idées, de leur avoir attribué un rôle tout spéculatif, de croire qu'elles existent pour elles, et non pour nous, de ne pas avoir vu leur rapport à l'activité du vouloir. »

Publié le 12/03/2011

Extrait du document

   Parler d'Intellectualisme c'est en général parler d'une conquête de l'Expérience par l'Esprit puisque c'est admettre une soumission de l'Univers aux exigences de la Pensée, une réduction du Donné concret à l'armature logique de notions abstraites. Parler d'associationnisme c'est parler si! l'on veut d'une conquête de l'Esprit par l'Expérience ou autrement d'une construction de la Pensée à partir de l'Expérience; et cela à un double titre. D'abord parce que les attractions d'idées offertes par l'analyse du mécanisme mental expriment la manière dont les événements se suivent dans l'expérience concrète : Hume, père de l'Associationnisme n'a-t-il pas été jusqu'à ramener les Principes rationnels eux-mêmes à des habitudes reflétant les consécutions particulièrement fréquentes de certains phénomènes naturels ? Ensuite parce que les lois psychologiques se réduiraient à une intériorisation de la plus générale des lois constatées dans le monde physique : la loi newtonienne de l'attraction.

« impossible à refuser du cas considéré sous telle ou telle loi et cela quelle que soit sa sympathie ou son antipathiepour le prévenu, quelles que soient les conditions sentimentales dans lesquelles le procès se présente; de même queje le désire ou non, deux et deux font quatre. Mais à plus forte raison une loi de circulation des Idées montée dans le Passé et issue de choses extérieures peut-être ennemies fonctionne comme un automatisme que les circonstances présentes ne sauraient modifier. La meilleure preuve c'est que, malgré toutes les subtilités, les associationnistes ont été incapables de rendrecompte de l'arrêt supposé par le jugement, c'est-à-dire de l'attitude d'un esprit qui réagit contre l'entraînement deses Idées et conserve, sous la lumière de la conscience, celles-là seules qui' lui sont utiles pour résoudre unproblème posé par l'instant présent. Ainsi rejetant toute modification possible du lien unissant les idées par l'orientation vers une fin, prétendantexpliquer leur organisation par la seule nature de leur histoire, l'Associationnisme semble avoir attribué au jeu de cesIdées un mécanisme analogue à celui qui caractérise la réciproque détermination de purs éléments intellectuels dontrien, en dehors de leur essence logique, ne viendrait expliquer l'organisation. Reste à exposer maintenant de manière explicite ce qui au cours des considérations précédentes était demeurésous-entendu.

Nous avons insisté jusqu'ici sur ce que Bergson appelle « l'Intellectualisation des Idées », c'est-à-diresur la façon dont elles s'organisent en vertu de leurs affinités propres.

Mais parler d'une telle autonomie des Idéesc'est nier ce qui serait susceptible d'y porter obstacle.

Dire que les Idées existent pour elles c'est nier qu'ellesexistent pour nous.

Poser l'indépendance des Idées c'est rejeter l'Existence du moi. L'opposition en effet à la totalité du monde extérieur, opposition que ne sauraient apporter des idées se réduisant àdes copies du monde extérieur, la capacité d'orienter des ressemblances au gré d'un génie intime ou de l'utilité dumoment, l'énergie enfin faisant de la vie mentale non pas un abandon à des consécutions empiriques mais une lutteorientée vers un but pratique sont le fait d'une conscience personnelle.

Or, évidemment, les associationnistes nesauraient rien admettre de tel, eux pour qui la Pensée se réduit à des Idées qui s'attirent comme le mondenewtonien se réduit à des astres qui gravitent.

Dans une telle pensée rien qui ressemble à une Energie spirituelle,mais simplement des Idées, reliquats passifs de l'expérience externe dont les affinités et le destin sont réalisés àl'avance par l'empreinte de cette expérience et, en dehors d'elles, le vide psychique comme est vide physique lemilieu où s'entrechoquent les atomes.

D'où le nom d'atomisme mental sous lequel on a si souvent désigné une thèsedont la négation du moi et la passivité de la conscience constituent les pièces maîtresses. On connaît la formule de Hume réduisant la Pensée à « des successions d'idées se renouvelant avec uneextraordinaire fréquence ».

Elle résume admirablement une conception de cet ordre. Et alors, ce qui précède touchant la nature intellectuelle des idées s'éclaire en grande partie.

C'est parce qu'elleséchappent aux préoccupations du moi', c'est parce qu'elles ne sont à personne que les Idées revêtent ce caractèreabstrait et passif qui rend leur sens étranger à toute orientation d'ensemble.

Sur un plan inférieur la vie psychiquetelle que la définit l'Associationnisme réaliserait cette attitude purement intellectuelle que l'homme de scienceadopte systématiquement dans la recherche du vrai : L'abandon de tout ce qui est inhérent à sa personne.

« Il n'ya rien, écrit Brochard, qui soit plus à nous que nos erreurs.

» Mais nous voici parvenus à ce qui constitue la difficulté centrale de cette analyse.

Des deux propositionscaractérisant l'Associationnisme l'une par la nature purement intellectuelle des Idées, Vautre par la suppression dumoi laquelle doit être tenue pour première ? C'est en effet parce que la pensée soi-disant individuelle se réduit à des attractions d'Idées impassibles,reproduisant l'Univers, qu'il n'y a pas de moi, c'est parce qu'il n'y a pas de moi susceptible de les organiser, de lesorienter vers l'action présente que les Idées restent indifférentes à ce qui nous intéresse et obéissent aux lois deleur nature propre. Or un tel obstacle s'évanouit si l'on songe qu'il y a pour Bergson une source fondamentale à ces deux catégories defaits s'impliquant réciproquement.

On s'orientera vers la position d'un moi, vers la réduction à l'unité de l'esprit, versson opposition au monde extérieur si on tient l'organisai ion des Idées pour une forme d'action parmi d'autres, onniera le moi si on prétend poser une barrière entre la Pensée et l'Action. Tout d'abord en effet l'action est orientée vers le présent, et, en tant que les idées s'intègrent à l'acte, on nesaurait expliquer leur cours par des affinités qui non seulement sont issues du dehors mais qui encore ont étéréalisées dans le Passé.

Aussi a-t-on fait justement observer que dans une conscience penchée vers la solutiond'une difficulté présente l'orientation générale de la Pensée l'emporte sur les affinités propres aux idées particulières,si bien que, parmi ces affinités, sera retenu seulement ce qui répond au problème posé. Le même texte par exemple, lu avec des préoccupations grammaticales ou historiques n'entraîne pas le mêmecortège associatif que S'il est lu avec des préoccupations philosophiques.

Tout se passe comme si le moi tendant às'évanouir dans la dispersion du rêve venait se retrouver et se ressusciter dans l'action qui l'oppose au Réel. En outre et surtout qui dit action dit effort et qui dit effort dit vouloir.

C'est, avec l'orientation vers l'action, cette. »

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