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Vivre en société empêche-t-il de penser par soi-même ?

Publié le 04/01/2006

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C'est ainsi que l'on peut interpréter la perspective adoptée par Lévi-Strauss dans Le totémisme aujourd'hui : selon cette perspective, lorsqu'un homme est membre d'un groupe, il n'agit pas conformément à ce qu'il ressent comme individu, mais ce qu'il ressent est fonction de la manière dont la société lui permet ou lui prescrit de se conduire. Les sentiments internes des membres du groupe sont ainsi engendrés par les coutumes de la société. En ce sens, la société, par le fait même qu'elle met en jeu des normes pour permettre la vie en commun, des valeurs et des coutumes, détermine les pensées individuelles. Même si l'individu n'en a pas conscience, ce qui lui paraît penser par lui-même est alors en réalité conditionné par ce que la société prescrit, permet et valorise.   2° La société comme lieu de la culture est nécessaire à la formation par l'homme de sa propre pensée Pour Kant, l'homme ne peut devenir homme que par l'éducation, qui le fait passer d'un état proche de l'animalité à une existence proprement humaine, en perfectionnant sa nature. La véritable humanité consiste à pouvoir penser par soi-même, et l'homme doit pour cela apprendre à diriger sa pensée, car la nature ne l'a pas doté de facultés accomplies : celles-ci doivent être cultivées pour que l'homme puisse former son jugement. La culture constitue ainsi une part importante de l'éducation, qui nous donne matière à penser et nous apprend également l'habileté. Cette éducation à la culture, qui prend place au sein de la société et est permise par elle, doit permettre à l'homme de vivre dans cette société et de transmettre ensuite à ses enfants la formation qui leur permettra de penser à leur tour leur société. C'est donc la société qui donne à l'homme les moyens d'apprendre à penser par lui-même et donc, de pouvoir penser cette société et ses contemporains sans se laisser diriger de l'extérieur par l'opinion du plus grand nombre. En quelque sorte, on peut ainsi dire que  la société ne nous empêche pas de penser par nous-mêmes, au sens où elle nous donne les moyens d'apprendre à le faire, mais qu'il est nécessaire de faire cet effort d'apprentissage pour pouvoir conserver un regard personnel sur la société, en appliquant ainsi à elle ce qu'elle nous a permis d'apprendre.

 La société désigne un ensemble d’individus liés par des relations d’interdépendance. On peut penser que l’homme est d’une certaine manière contraint de vivre en société, dans la mesure où celle-ci lui assure une sécurité et lui permet de se procurer des biens qu’il ne pourrait obtenir s’il vivait isolé. Ces avantages de la société pour l’individu peuvent cependant aller de pair avec une menace pour son indépendance, dans la mesure où l’individu serait soumis au système de valeurs, aux opinions et aux goûts qui prévalent dans la société dont il fait partie. Faut-il alors penser que le fait même de vivre en société constitue un obstacle à la possibilité de constituer, nous-mêmes et librement, notre propre pensée ? Il serait dans cette hypothèse nécessaire que la société rende en quelque sorte les individus suffisamment semblables les uns et aux autres pour leur permettre de vivre ensemble, ceci s’exerçant au détriment de leur originalité propre, mais aussi de leur liberté, dans la mesure où la vie en société exige de restreindre partiellement sa liberté, et donc peut-être aussi sa liberté de penser. Cependant, ne peut-on au contraire penser que la société, en tant que lieu de la culture et de la transmission des valeurs, est ce qui permet à l’individu d’apprendre à penser, en lui offrant les éléments nécessaires à son éducation ? Penser par soi-même doit-il alors être perçu comme le devoir de tout individu vivant en société, ou bien penser par soi-même relève-t-il d’une illusion, l’homme ne pouvant penser qu’à travers une culture et une société ? Après avoir vu que penser totalement par soi-même est une illusion lorsque l’on vit en société, nous verrons que la société est ce qui nous fournit les moyens d’apprendre à penser par nous-mêmes, avant d’affirmer que penser par soi-même signifie un engagement qui est un devoir pour être à la hauteur de notre liberté.

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