Voyage au bout de la nuit aussi par la vérité pure et simple.
Publié le 31/10/2013
Extrait du document
«
donc
versd’autres ruesvides.
Décidément touslesgens quej’avais rencontrés pendantcettenuit-là m’avaient montréleurâme.
— C’est bienmachance !qu’il remarqua
Robinson commeons’en allait.
Tuvois, si
seulement t’avaisétéunAllemand toi,comme
t’es unbon gars aussi, tum’aurais fait
prisonnier etça aurait étéune bonne chosede
faite...
Onadu mal àse débarrasser desoimême enguerre !
— Ettoi, que jelui aidit, sit’avais étéun
Allemand, tum’aurais pasfaitprisonnier aussi?
T’aurais peut-être alorseuleur médaille
militaire !Elle doit s’appeler d’undrôle de
mot enallemand leurmédaille militaire, hein?
Comme ilne setrouvait toujours personne sur
notre chemin àvouloir denous comme
prisonniers, nousfinîmes paraller nous asseoir
sur unbanc dansunpetit square eton
a mangé alorslaboîte dethon queRobinson
Léon promenait etréchauffait danssapoche
depuis lematin.
Trèsauloin, onentendait du
canon àprésent, maisvraiment trèsloin.
S’ils
avaient purester chacun deleur côté, les
Illustration
deTardi
ennemis,
etnous laisser làtranquilles !
Après ça,c’est unquai qu’on asuivi ;et lelong despéniches àmoitié déchargées, dansl’eau, àlongs jets,onauriné.
On
emmenait toujourslecheval àla bride, derrière nous,comme untrès gros chien, maisprèsduPont, danslamaison du
Pasteur, àune seule pièce, surunmatelas aussi,étaitétendu encoreunmort, toutseul, unFrançais,
commandant dechasseurs àcheval quiressemblait
d’ailleurs unpeu àce Robinson, commetête.
— Tu parles qu’ilestvilain !que mefitremarquer
Robinson.
Moij’aime paslesmorts...
Voyage
aubout delanuit
—
Le plus curieux, quejelui répondis, c’estqu’ilteressemble unpeu.
Ilaun long nezcomme letien ettoi t’es pas
beaucoup moinsjeunequelui...
— Ce que tuvois, c’est parlafatigue, forcément qu’onseressemble unpeu tous, maissitu m’avais vuavant...
Quandje
faisais delabicyclette touslesdimanches !...J’étais beaugosse !J’avais desmollets, monvieux !Du sport, tusais !Et ça
développe lescuisses aussi...
On est ressortis, l’allumette qu’onavaitprise pourleregarder s’étaitéteinte.
— Tu vois, c’est troptard, tuvois !...
Une longue raiegrise etverte soulignait déjàauloin lacrête ducoteau, àla limite delaville, dans lanuit ;le Jour !
Un deplus !Un demoins !Il faudrait essayerdepasser à
travers celui-là encorecomme àtravers lesautres, devenus desespèces decerceaux deplus enplus étroits, lesjours, et
tout remplis avecdestrajectoires etdes éclats demitraille.
— Tu reviendras pasparicitoi, dis, lanuit prochaine ?qu’il demanda enme quittant.
— Iln’y apas denuit prochaine, monvieux !...Tuteprends doncpourungénéral !
— J’pense plusàrien, moi,qu’ilafait, pour finir...
À
rien, t’entends !...j’pense qu’àpascrever...
Çasuffit...
j’medisqu’un jourdegagné, c’esttoujours unjour deplus !
— T’as raison...
Aurevoir, vieux,etbonne chance !...
— Bonne chance àtoi aussi !Peut-être qu’onse
reverra !
On est retournés chacundanslaguerre.
Etpuis ils’est passé deschoses etencore deschoses, qu’ilestpas facile de
raconter àprésent, àcause queceux d’aujourd’hui neles comprendraient déjàplus.
Pour êtrebien vusetconsidérés, ila fallu sedépêcher dare-dare dedevenir biencopains aveclescivils parce qu’eux, à
l’arrière, ilsdevenaient àmesure quelaguerre avançait, deplus enplus vicieux.
Toutdesuite j’aicompris çaen rentrant à
Paris etaussi queleurs femmes avaientlefeu auderrière, etles vieux desgueules grandes commeça,etles mains
partout, auxculs, auxpoches.
On héritait descombattants àl’arrière, onavait viteappris lagloire etles bonnes façonsdelasupporter.
»
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