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MOLIÈRE : Le Tartuffe (Dossier pédagogique)

Publié le 22/02/2012

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On ne doit jamais perdre de vue, quand on étudie Le Tartuffe, qu'il faut éviter surtout que la pièce apparaisse ennuyeuse aux élèves. De nombreux lycéens, naguère, arrivaient à l'université nantis d'un solide préjugé contre cette comédie, qu'on n'avait pas toujours su leur présenter de façon attrayante. Il suffisait qu'elle fût étiquetée comme une oeuvre maîtresse du théâtre classique pour leur inspirer d'emblée la méfiance et ne susciter guère leur intérêt. En outre, les interprétations actuelles, traditionnelles encore comme à la Comédie-Française, ou plus résolument ouvertes aux innovations, comme chez un Roger Planchon, tendent souvent à tirer la représentation vers le drame, à l'assombrir par une mise en scène sinistre à force de sérieux, ou l'alourdir par la redondance voulue entre le texte même et l'ensemble du spectacle (se reporter sur ce point à l'ouvrage tout récent de Michel Corvin, Molière et ses metteurs en scène d'aujourd'hui, Lyon, Presses Universitaires, 1985, paru trop tard pour figurer dans la « Bibliographie », à lire avec profit, mais d'un regard prudemment critique).

« l'idéologie nobiliaire de la Cour.

D'autres encore se fondent sur les propos de Cléante, considéré comme son porteparole, pour constater qu'il préconise un christianisme sincère, mais compatible avec les exigences de la viemondaine, ainsi que l'avait déjà montré saint François de Sales, et parfaitement conciliable avec les devoirs del'honnête homme.

On cherchera dans sa comédie tous les éléments à verser au dossier et susceptibles d'alimenter ledébat, sans prétendre pour autant le clore par une solution tranchée et définitive. 3.

Autres Tartuffe Reste la réflexion plus générale à laquelle invite l'oeuvre sur l'hypocrisie, plus dangereuse en matière de religionqu'ailleurs, mais qui peut sévir en bien d'autres domaines.

Des confrontations suggestives favoriseront un fructueuxélargissement.

Si le parallèle s'impose avec l'Onuphre de La Bruyère > qui reprend le type du faux dévot quelque vingt ans après Molière pour le revoir, l'affiner, le mettre à jour et le rectifier, on ne le prolongera pas moins utilement pardes comparaisons avec M.

Begearss, « l'autre Tartuffe » de Beau.

marchais dans sa Mère coupable, dernier volet de la trilogie inaugurée par Le Barbier de Séville et poursuivie par Le Mariage de Figaro, plus près de nous avec M. Couture dans Asmodée, la pièce de François Mauriac, et l'on ne lira pas non plus sans profit pour éclairer Le Tartuffe L'Imposture, titre donné par Georges Bernanos à l'un de ses romans. Mais l'hypocrite de Molière appelle aussi des rapprochements instructifs, en amont avec Dorante, le Menteur deCorneille, si différent et combien plus sympathique ! en aval avec Lorenzaccio dans le drame de Musset : carqui peut dire dans quelle mesure le masque de la vertu ne colle pas au visage du fourbe, non moins indélébilepour lui que le vice pour l'assassin d'Alexandre ? Sa figure énigmatique n'a pas fini de fasciner lesimaginations... 2.

L'oeuvre : architecture, mouvements, personnages On ne peut, sur l'architecture du Tartuffe, que renvoyer aux travaux de Jacques Scherer : à sa Dramaturgie classique en France (Paris, Nizet, 1950), d'abord, où l'on trouvera tous les matériaux nécessaires pour une analyse de la structure interne (personnages, moments successifs de l'intrigue, formes de la pièce et de l'acte,de la scène, de l'écriture théâtrale) et dont la consultation est rendue très commode par la table analytique etl'index ; ensuite et surtout à ses Structures de «Tartuffe », mentionnées dans notre « Bibliographie ».

On n'attachera pas plus d'importance qu'il ne convient au faux problème, du reste insoluble et compliqué comme àplaisir par les discussions qu'il a suscitées ou continue à soulever, du Tartuffe en trois actes joué lors des Plaisirs de Vile enchantée, à Versailles, en mai 1664 : tout porte à croire qu'il s'agissait des trois premiers, représentés avant même que la pièce fût achevée et peu différente déjà de cc qu'ils deviendront dans laversion définitive. Les élèves méditeront certainement avec plus de fruit sur le lieu de la scène et son implantation fictive dans Paris.Molière n'utilise plus le carrefour banal d'une ville quelconque dont il s'était encore servi comme décor pour sespremières comédies (Les Précieuses ridicules exceptées, ainsi que La Critique de l'École des femmes et L'Impromptude Versailles, qui constituent des cas particuliers).

Il s'écarte ici de la tradition afin d'introduire le spectateur aucoeur même d'un intérieur cossu, dans un milieu de bourgeoisie aisée, au sein d'une famille où la présence d'unintrus, recueilli par charité, menace de semer la perturbation.

Le groupe, comparable à ceux qu'on trouve dansL'Avare, Le Bourgeois gentilhomme, Le Malade imaginaire et surtout Les Femmes savantes, mais avec des différentesnotables qui donnent à chacune de ces cellules familiales une physionomie spécifique, ne vit pas si replié sur lui-même que ne se multiplient les communications et les échanges avec le monde extérieur.Ces différentes allées et ,venues rythment l'action et impriment à la pièce une allure presque de tourbillon.

A peineMme Pernelle, venue en visite, part-elle furieuse, que son fils arrive de la campagne.

Le beau-frère se trouve là,toujours prêt pour les démarches délicates, mais négociateur inefficace.

A la première alerte surgit le fiancé deMariane.

Damis, chassé de la maison par son père, vole à son secours devant l'imminence du danger.

Orgon courtchez son notaire et rentre brandissant la donation.

Tartuffe, empêché de sortir par l'entrevue que lui demandeElmire, n'hésite pas à se rendre au Louvre, muni de la cassette compromettante, pour en dénoncer le détenteur.L'inquiétant M.

Loyal se glisse son tour, porteur d'un ordre sommant les occupants de vider les lieux.

L'exemptsurvient, providentiel, pour sauver in extremis la situation par un ultime renversement des rôles, permettant aumonarque lui-même de jouer par personne interposée le deus ex machina.Ainsi se tissent, nombreux et subtils, des liens d'opposition ou de similitude entre le microcosme que constitue lecercle de la famille et le macrocosme que représente, au-dehors et comme à l'arrière-plan, le reste de la société.L'examen de ces rapports peut conduire à des conclusions curieuses, condition d'éviter les abus où tombe parfois lacritique sociologique.

Dans l'espace intermédiaire entre la Cour, à la fois proche et lointaine, et la maison d'Orgon, serépartissent des « personnages invisibles », sur lesquels on aimerait attirer l'attention.

Le monde brillant que reçoitElmire et que déversent à sa porte des carrosses est épié par des voisines médisantes dont la dévotion feinte sertde pendant féminin à celle de Tartuffe.

Derrière le « sergent à verge », se profile, patibulaire, l'ombre de ses recors :toute une, toile d'araignée se devine, grâce aux ramifications de laquelle l'imposteur peut achever ses proies.

Cabaledes dévots — suivant l'expression de Raoul Allier, reprise par Francis Baumal —, plus ouvertement dénoncée à l'acteV de Dom Juan (scène 2, prolongement manifeste du Tartuffe) : certes ; et pourtant l'hypocrite apparaît plutôt, à lafin, comme un escroc de haute volée, dangereux récidiviste, qui travaille seul, sans guère d'autre complice queLaurent, son « garçon ».

La mise du coupable sous les verrous facilite un retour à l'ordre qui permet à l'oeuvre des'achever sur un dénouement pleinement euphorique : le réseau de connivences un instant entrevu se volatilisecomme par miracle.

Soyons assurés cependant qu'il subsiste, à l'abri des regards indiscrets, travaillant à tout ce /quipeut, dans le secret, étendre sa trame.. »

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