A quoi sert la beauté ?
Publié le 27/02/2008
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Nous nous interrogeons sur la beauté et son utilité. À quoi sert la beauté ? En première analyse, nous pourrions affirmer que la beauté sert en ce qu'elle nous réjouit et que notre nature nous pousse à rechercher ce qui nous réjouit. Mais cependant, cela ne semblerait pas définir une utilité de la beauté. Ne serait-ce, alors, que la beauté ne répondrait à aucune fin particulière bien qu'elle satisfasse les hommes en apparence et « sans raison « ? Sans doute. Mais alors comment comprendre cette contradiction de la beauté qui oscille entre satisfaction et désintéressement ? C'est ce que nous tenterons de comprendre pour finir.
«
Kant observe encore que l'�l�ment subjectif qui d�termine le jugement de go�t, c'est unesatisfaction.
Mais cette satisfaction est toujours d�sint�ress�e.
En effet, lorsqu'on me demande sije trouve tel objet beau, � ce que l'on veut savoir c'est seulement si la seule repr�sentation del'objet est accompagn�e en moi (le plaisir, quelle que soit mon indiff�rence pour l'existence de l'objetde cette repr�sentation (Critique du jugement, � 2).
En d'autres termes, je puis juger qu'une choseest belle sans d�sirer la poss�der ni m'en servir, et m�me en condamnant son existence : je puisdire, par exemple, qu'un palais est beau sans d�sirer aucunement y habiter ou en estimant que, saconstruction ayant co�t� beaucoup de souffrance aux hommes, il e�t mieux valu ne pas le b�tir.La satisfaction qui accompagne le jugement du go�t est donc bien � un plaisir pur etd�sint�ress� (ibid.).
Il appara�t dans ces conditions que, contrairement � la th�seexpos�e par Socrate, le beau ne peut �tre d�fini par l'utilit�, et qu'il se distingue ainsiprofond�ment du bon et de l'agr�able, lesquels sont toujours li�s � un int�r�t.
Le beau n'est pas l'agr�able ni le bon
L'agr�able, en effet, est li� � un int�r�t, celui des sens.
Car l'agr�able, remarque Kant, est� ce qui pla�t au sens dans la sensation � (ibid., � 3).
En outre, le jugement sur l'agr�able, surce qui me pla�t, est un jugement qui d�pend du d�sir individuel, et ne pr�tend donc pas avoirune valeur absolue, universelle, comme lorsque je dis d'un objet qu'il est beau : � Pour ce qui est del'agr�able, �crit Kant, chacun se r�signe � ce que son jugement, fond� sur un jugementindividuel, par lequel il affirme qu'un objet lui pla�t, soit restreint � sa seule personne.
[...] L'untrouve la couleur violette douce et aimable, un autre la trouve morne et terne ; l'un pr�f�re le sondes instruments � vent, l'autre celui des instruments � cordes.
Discuter � ce propos pour accuserd'erreur le jugement d'autrui, qui diff�re du n�tre, comme s'il s'opposait � lui logiquement, ce seraitfolie ; au point de vue de l'agr�able, il faut admettre le principe : � chacun selon son go�t (il s'agitdu go�t du sens).
Il en va tout autrement du beau � (ibid., � 7).Si l'agr�able est ce qui pla�t dans la sensation, le bon est, selon Kant, � ce qui, au moyen de laraison, pla�t par simple concept �.
Dans le bon, � il y a toujours le concept d'un but, le rapport dela raison � un vouloir (tout au moins possible) ; par suite une satisfaction caus�e par l'existence d'unobjet ou d'une action, c'est-�-dire quelque int�r�t � (ibid., � 4).
En r�sum�, � onnomme agr�able ce qui donne du plaisir ; beau ce qui pla�t simplement ; bon ce qui est estim�(approuv�), c' est-�-dire ce � quoi l'on attribue une valeur objective � (ibid., � 5).
Mais seulela satisfaction procur�e par le beau est � d�sint�ress�e et libre, car ici aucun int�r�t nides sens, ni de la raison ne nous oblige � donner notre assentiment � (ibid.).
Ainsi donc, tandis quel'agr�able et le bon ont un certain caract�re d'utilit� dans la mesure o� ils sont li�s � lafacult� de d�sirer et ont donc l'utilit� de satisfaire le d�sir, le beau, lui, n'a strictement aucuncaract�re d'utilit�, puisqu'il ne r�pond � aucun d�sir ni aucune n�cessit�.
Mais la beaut� exclut-elle l'utilit� ?
D�finir le beau ?
Nous pouvons donc donner avec Kant la d�finition suivante du beau : � Le go�t est la facult� dejuger un objet ou un mode de repr�sentation par la satisfaction ou le d�plaisir d' une fa�on touted�sint�ress�e.
On appelle beau l'objet de cette satisfaction � (ibid.).
Mais, d�s lors, ilappara�t que la satisfaction caus�e par le beau ne peut �tre qu'universelle, puisque toute utilit�,tout int�r�t, en est absent.
� Car l'objet qui donne une satisfaction dont on a conscience qu' elleest exempte d' int�r�t ne peut �tre jug� comme contenant un motif de satisfaction pour tous.En effet, celle-ci n'est pas motiv�e par quelque inclination du sujet (ni quelque int�r�tr�fl�chi), et le juge se sent enti�rement libre par rapport � la satisfaction qu'il trouve dans l'objet; aussi ne peut-il trouver comme motif � sa satisfaction des conditions personnelles auxquelles tienneson sujet seul ; il faut donc qu' il la consid�re comme motiv�e par quelque chose qu'il doit supposeraussi en tout autre ; par suite il doit penser qu'il a raison d'attribuer � chacun une satisfactionsemblable.
[...] Mais ce n'est pas de concepts que cette universalit� peut r�sulter ; car de conceptson ne peut passer au sentiment du plaisir ou de la peine (sauf dans les pures lois pratiques, mais ellescontiennent un int�r�t ; il ne s'en joint aucun au pur jugement de go�t) � (ibid., � 6).
Nouspouvons donc donner une seconde d�finition du beau : � Est beau ce qui pla�t universellementsans concept � (ibid.).
La beaut� exclut l'utilit�
En posant que la beaut� est li�e au d�sint�ressement, Kant n'�carte pas la possibilit� qu'unbel objet puisse �tre aussi utile ; simplement cet objet ne pourra �tre dit � beau � parce qu'il estutile ; l'id�e de beaut� n'enveloppant aucunement celle d'utilit�.
Mais ne pourrait-on aller plus loinet avancer que la beaut� exclut l'utilit�, que l'une et l'autre sont incompatibles ? C'est, semble-t-il,ce qu'implique l'esth�tique bergsonienne.
� la question: Qu'est-ce que l'artiste ? �, Bergsonr�pond en effet : C'est un homme qui voit mieux que les autres, car il regarde la r�alit� nue sansvoiles.
Voir avec des yeux de peindre, c'est voir mieux que le commun des mortels.
Lorsque nousregardons un objet, d'habitude, nous ne le voyons pas ; parce que ce que nous voyons, ce sont des.
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