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Alain

Publié le 01/11/2013

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Alain Définitions Dans Les Dieux, 1953, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade «. N.B. On trouvera ici quarante-cinq définitions regroupées en fonction des notions du programme de philosophie en classe de terminale. LA CONSCIENCE CONSCIENCE. - C'est le savoir revenant sur lui-même et prenant pour centre la personne humaine elle-même, qui se met en demeure de décider et de se juger. Ce mouvement intérieur est dans toute pensée ; car celui qui ne se dit pas finalement : « Que dois-je penser ? « ne peut pas être dit penser. La conscience est toujours implicitement morale ; et l'immoralité consiste toujours à ne point vouloir penser qu'on pense, et à ajourner le jugement intérieur. On nomme bien inconscients ceux qui ne se posent aucune question d'eux-mêmes à eux-mêmes. Ce qui n'exclut pas les opinions sur les opinions et tous les savoir-faire, auxquels il manque la réflexion, c'est-à-dire le recul en soi-même qui permet de se connaître et de se juger ; et cela est proprement la conscience. Rousseau disait bien que la conscience ne se trompe jamais, pourvu qu'on l'interroge. Exemple : ai-je été lâche en telle circonstance ? Je le saurai si je veux y regarder. Ai-je été juste en tel arrangement ? Je n'ai qu'à m'interroger ; mais j'aime bien mieux m'en rapporter à d'autres. En général l'état d'esclavage intime est très finement senti pourvu qu'on ne s'étourdisse point de maximes empruntées. ÂME. - L'âme c'est ce qui refuse le corps. Par exemple ce qui refuse de fuir quand le corps tremble, ce qui refuse de frapper quand le corps s'irrite, ce qui refuse de boire quand le corps a soif, ce qui refuse de prendre quand le corps désire, ce qui refuse d'abandonner quand le corps a horreur. Ces refus sont des faits de l'homme. Le total refus est la sainteté ; l'examen avant de suivre est la sagesse ; et cette force de refus c'est l'âme. Le fou n'a aucune force de refus ; il n'a plus d'âme. On dit aussi qu'il n'a plus conscience et c'est vrai. Qui cède absolument à son corps soit pour frapper, soit pour fuir, soit seulement pour parler, ne sait plus ce qu'il fait ni ce qu'il dit. On ne prend conscience que par une opposition de soi à soi. Exemple : Alexandre à la traversée d'un désert reçoit un casque plein d'eau ; il remercie, et le verse par terre devant toute l'armée. Magnanimité ; âme, c'est-à-dire grande âme. Il n'y a point d'âme vile ; mais seulement on manque d'âme. Ce beau mot ne désigne nullement un être, mais toujours une action. LES PASSIONS PASSION. - C'est le degré le plus commun de l'affection dans l'homme. Il n'y a point de passion sans émotion ; seulement l'émotion toute seule consiste en des mouvements, et se résout par l'action. J'ai peur et je fuis. Je convoite et je prends. Je suis en colère et je déchire. On convient que les animaux n'ont que des émotions. L'homme se souvient des émotions, il les désire, et il les craint ; il en prévoit le retour, il se plaît à les provoquer ; il essaie de s'en délivrer, et par toutes ces pensées il les redouble. D'où il vient à une sorte de superstition qui lui fait croire qu'il n'y peut rien, ce qui étend l'attrait et l'aversion à toutes les choses ou à toutes les personnes qui réveillent l'émotion habituelle. Il y a du supplice dans la passion, et le mot l'indique. Exemples célèbres : l'amour, l'ambition, l'avarice, qui correspondent aux émotions d'allégresse, de colère et de peur. SENTIMENT. - C'est le plus haut degré de l'affection. Le plus bas est l'émotion, qui nous envahit à l'improviste et malgré nous, d'après une excitation extérieure et la réaction d'instinct qu'elle provoque (trembler, pleurer, rougir). Le degré intermédiaire est la passion, qui est une réflexion sur l'émotion, une peur de l'émotion, un désir de l'émotion, une prédiction, une malédiction. Par exemple la peur est une émotion ; la lâcheté est une passion. Le sentiment correspondant est le courage. Tout sentiment se forme par une reprise de volonté (ainsi l'amour jure d'aimer). Et le sentiment fondamental, est celui du libre arbitre (ou de la dignité, ou de la générosité, comme dit Descartes). Ce sentiment a quelque chose de sublime qui se retrouve dans les sentiments particuliers. Au niveau du sentiment, on prétend sentir comme on veut, et certes on n'y arrive jamais. Ce qui reste, dans le sentiment, d'émotion et de passion, surmontées mais frémissantes, est la matière du sentiment. Exemples : la peur dans le courage, le désir dans l'amour, l'horreur des plaies dans la charité. On aperçoit que le sentiment est la source des plus profondes certitudes. AMOUR. - Ce mot désigne à la fois une passion et un sentiment. Le départ de l'amour, et à chaque fois qu'on l'éprouve, est toujours un genre d'allégresse lié à la présence ou au souvenir d'une personne. On peut craindre cette allégresse et on la craint toujours un peu, puisqu'elle dépend d'autrui. La moindre réflexion développe cette terreur, qui vient de ce qu'une personne peut à son gré nous inonder de bonheur et nous retirer tout bonheur. D'où de folles entreprises par lesquelles nous cherchons à prendre pouvoir à notre tour sur cette personne ; et les mouvements de passion qu'elle éprouve elle-même ne manquant pas de rendre encore plus incertaine la situation de l'autre. Les échanges de signes arrivent à une sorte de folie, où il entre de la haine, un regret de cette haine, un regret de l'amour, enfin mille extravagances de pensée et d'action. Le mariage et les enfants terminent cette effervescence. De toute façon le courage d'aimer (sentiment du libre arbitre) nous tire de cet état de passion, qui est misérable, par le serment plus ou moins explicite d'être fidèle, c'est-à-dire de juger favorablement dans le doute, de découvrir en l'objet aimé de nouvelles perfections, et de se rendre soi-même digne de cet objet. Cet amour, qui est la vérité de l'amour, s'élève comme on voit du corps à l'âme, et même fait naître l'âme, et la rend immortelle par sa propre magie. LÂCHETÉ. - C'est la passion qui développe la peur d'après la peur de la peur, et toutes les prévisions auxquelles cette affection donne lieu. La crainte est déjà plus raisonnable que la peur, en ce qu'elle rassemble les peurs seulement possibles, leurs causes, et les remèdes qu'on y peut trouver. Mais la lâcheté développe la crainte en système, d'après un profond mépris de soi et un fatalisme total ; en sorte que la lâcheté est presque toute imaginaire, et se déshonore à plaisir. Une des couleurs de la lâcheté est la certitude qu'on a d'avance de la capitulation ; cette certitude est un comble de crainte de soi ; aussi elle se connaît par les mêmes signes que la lâcheté elle-même. LE JUGEMENT, L'IDÉE
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« Alain, Définitions craindre cette allégresse et on la craint toujours un peu, puisqu’elle dépend d’autrui.

La moindre réflexion développe cette terreur, qui vient de ce qu’une personne peut à son gré nous inonder de bonheur et nous retirer tout bonheur.

D’où de folles entreprises par lesquelles nous cherchons à prendre pouvoir à notre tour sur cette personne ; et les mouvements de passion qu’elle éprouve elle - même ne manquant pas de rendre encore plus incertaine la situation de l’autre.

Les échanges de signes arrivent à une sorte de folie, où il entre de la haine, un regret de cette haine, un regret de l’amour, enfin mille extravagances de pensée et d’action.

Le mariage et les enfants terminent cette effervescence.

De toute façon le courage d’aimer (sentiment du libre arbitre) nous tire de cet état de passion, qui est misérable, par le serment plus ou moins explicite d’être fidèle, c’est - à - dire de juger favorablement dans le doute, de découvrir en l’objet aimé de nouvelles perfections, et de se rendre soi-même digne de cet objet.

Cet amour, qui est la vérité de l’amour, s’élève comme on voit du corps à l’âme, et même fait naître l’âme, et la rend immortelle par sa propre magie. LÂCHETÉ.

— C’est la passion qui développe la peur d’après la peur de la peur, et toutes les prévisions auxquelles cette affection donne lieu.

La crainte est déjà plus raisonnable que la peur, en ce qu’elle rassemble les peurs seulement possibles, leurs causes, et les remèdes qu’on y peut trouver.

Mais la lâcheté développe la crainte en système, d’après un profond mépris de soi et un fatalisme total ; en sorte que la lâcheté est presque toute imaginaire, et se déshonore à plaisir.

Une des couleurs de la lâcheté est la certitude qu’on a d’avance de la capitulation ; cette certitude est un comble de crainte de soi ; aussi elle se connaît par les mêmes signes que la lâcheté elle - même. LE JUGEMENT, L’IDÉE PENSER.

— C’est peser ce qui vient à l’esprit, suspendre son jugement, se contrôler soi - même et ne pas se complaire.

Penser c’est passer d’une idée à tout ce qui s’y oppose, de façon à accorder toutes les pensées à l’actuelle pensée.

C’est donc un refus de la pensée naturelle, et, profondément, un refus de la nature, qui en effet n’est pas juge des pensées.

Penser c’est donc juger que tout n’est pas bien en nous comme il se présente : c’est un long travail et une paix préalable. ABSTRACTION.

— C’est une simplification, en présence de l’objet concret infiniment complexe et perpétuellement changeant, simplification qui nous est imposée soit par les nécessités de l’action, soit par les exigences de l’entendement, et qui consiste à considérer un élément de l’objet comme isolé, alors que rien n’est isolable, et comme constant, alors que rien n’est en repos. UNIVERSALITÉ.

— Caractère de ce qui est admis par tous les hommes, dès qu’ils ont compris et qu’ils sont sans passion.

La géométrie est un exemple d’universalité.

Il est universellement reconnu aussi qu’un contrat est annulé par l’ignorance d’un des contractants comparé à l’autre.

Universellement l’homme courageux est estimé ; courageux, c’est - à - dire tel que le danger ne le détourne point d’exécuter ce qu’il a résolu.

L’universalité s’entend du sentiment non moins que de la raison.

Le beau, dit Kant, est ce qui plaît universellement sans concept (c’est - à - dire par sentiment immédiat, non par raison). PHILOSOPHIE.

— C’est une disposition de l’âme qui d’abord se met en garde contre les déceptions et humiliations, par la considération de la vanité de presque tous les biens et de presque tous les désirs.

Le philosophe vise à n’éprouver que ce qui est naturel et sans mensonge à soi.

Son défaut est un penchant à blâmer, et une prédilection pour le doute. LA VÉRITÉ PRÉJUGÉ.

— Ce qui est jugé d’avance, c’est - à - dire avant qu’on se soit instruit.

Le préjugé fait qu’on s’instruit mal.

Le préjugé peut venir des passions ; la haine aime à préjuger mal ; il peut venir de l’orgueil, qui conseille de ne point changer d’avis ; ou bien de la coutume qui ramène toujours aux anciennes formules ; ou bien de la paresse, qui n’aime point chercher ni examiner.

Mais le principal appui du préjugé est d’idée juste d’après laquelle il n’est point de vérité qui subsiste sans serment à soi ; d’où l’on vient à considérer toute opinion nouvelle comme une manœuvre contre l’esprit.

Le préjugé ainsi appuyé sur de nobles passions, c’est le fanatisme. - 2 -. »

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