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Alain et les fanatiques

Publié le 13/05/2005

Extrait du document

alain
On a vu des fanatiques en en tous temps, et sans doute honorables à leurs propres yeux. Ces crimes sont la suite d'une idée, religion, justice, liberté. Il y a un fond d'estime, et même quelquefois une secrète admiration, pour des hommes qui mettent en jeu leur propre vie, et sans espérer aucun avantage ; car nous ne sommes point fiers de faire si peu et de risquer si peu pour ce que nous croyons juste ou vrai. Certes je découvre ici des vertus rares, qui veulent respect, et une partie au moins de la volonté. Mais c'est à la pensée qu'il faut regarder. Cette pensée raidie, qui se limite, qui ne voit qu'un côté, qui ne comprend point la pensée des autres, ce n'est point la pensée. (.) Il y a quelque chose de mécanique dans une pensée fanatique, car elle revient toujours par les mêmes chemins. Elle ne cherche plus, elle n'invente plus. Le dogmatisme est comme un délire récitant. Il y manque cette pointe de diamant, le doute, qui se creuse toujours. Ces pensées fanatiques gouvernent admirablement les peurs et les désirs, mais elles ne se gouvernent pas elles-mêmes. Elles ne cherchent pas ces vues de plusieurs points, ces perspectives sur l'adversaire, enfin cette libre réflexion qui ouvre les chemins de persuader, et qui détourne en même temps de forcer. Bref il y a un emportement de pensée, et une passion de penser qui ressemble aux autres passions. Alain

Dans une première partie (lignes 1-3), Alain expose le sujet dont il va  traiter: le fanatisme; il en souligne quelques caractéristiques en précisant  comment le fanatisme s'est toujours manifesté et comment il a toujours été  considéré par les fanatiques eux-mêmes.    L'auteur commence par un constat: le fanatisme est un phénomène qui ne date pas d'aujourd'hui, il est presque aussi vieux que l'humanité et il s'est  traduit tout au long de l'histoire, « en tous les temps «, par des crimes.  Loin d'être condamnables aux yeux des fanatiques, ces crimes sont considérés  par ceux-ci comme des moyens légitimes pour faire triompher leur « idée,  religion «, leur conception de la « justice« ou de la « liberté «. Ces crimes sont donc motivés par des valeurs et des idéaux dont la dignité et la noblesse justifient l'attitude de leurs auteurs et les remplissent de  fierté. C'est pourquoi les fanatiques se considèrent comme honorables.  Toutefois, s'ils sont « honorables à leurs propres yeux «, le sont-ils aux  yeux des autres? Sont-ils réellement, objectivement honorables? Sont-ils  dignes d'estime et d'admiration?  

alain

« cette pensée malade, pitoyable que résident la combativité et l'attitude jusqu'au-boutiste du fanatique. Alain s'attache à justifier en quoi la pensée méprisable mise en ouvre par le fanatisme ne mérite pas le nom depensée.

Il commence par en souligner la nature limitée (9-10): partielle, unilatérale, égocentrique car incapable dese décentrer pour envisager et comprendre d'autres points de vue possibles, fermée à toute altérité, elle nesupporte pas la différence.

De ceci découle son caractère répétitif, mécanique (I 11-12).

Incapable d'ouverture,incapable de se déplacer, elle est condamnée à la répétition, telle une machine bien huilée qui produit toujours lesmêmes résultats.

Conséquence:c'est une pensée stérile que toute possibilité d'innovation, de création a désertée.

Elle n'invente plus car elle necherche plus, elle ne cherche plus car elle est certaine d'avoir trouvé les réponses dont le bien-fondé n'est plusremis en cause.

Derrière et à l'origine de tout fanatisme, souligne Alain, il y a un dogmatisme, attitude de rigiditéintellectuelle qui consiste à croire et à soutenir de façon péremptoire des affirmations sans preuve sans en admettrela discussion et la critique.

Le dogmatique transforme une certitude subjective en une vérité universelle etincontestable.

Le dogmatique que cache tout fanatique est en quelque sorte un malade mental qui n'a plus toute saraison et qui délire, qui ne fait que répéter une leçon bien apprise dont il ne discute plus ni le sens ni la valeur.

Lacause de ce raidissement et de cette mort de la pensée: l'absence de doute qui permet la remise en question etpermet d'envisager des perspectives nouvelles et différentes. Pensée raidie, mécanique, pensée morte (8-14), par opposition à la véritable pensée, vivante, ouverte et libre, lapensée du fanatique est une pensée incapable de s'auto-analyser, de se maîtriser et qui ne tolère pas tout ce quivient s'opposer à elle.

C'est ce dernier point qu'envisage la suite du texte (l.14-19).C'est dans l'affectivité ques'enracine la pensée du fanatique; c'est pourquoi elle n'est pas libre.

Ses croyances inébranlables, en même tempsqu'elles lui donnent des réponses à tous ses désirs et ses angoisses, apportent au fanatique la certitude d'avoirraison et le bien-être procuré par l'absence de doute.

Conséquence: cette pensée dépossédée de tout pouvoir decritique et de maîtrise sur elle-même ne peut qu'aboutir à l'intolérance et à la violence.

Sûre de posséder la vérité,inapte à toute discussion, elle refuse toute contradiction et veut supprimer toute opposition.

Plutôt que de chercherà comprendre d'autres points de vue et à obtenir l'approbation, la reconnaissance d'autres pensées libres etcritiques, soumises à la seule autorité de la raison, elle cherche à contraindre, à forcer au lieu de convaincre. La mise en relief de toutes ces caractéristiques de la pensée fanatique conduit progressivement Alain à conclure àla reconnaissance du caractère passionnel de cette pensée (18-20).

Par l'adverbe "Bref', il met un terme à cettedescription qui fait émerger avec une certaine évidence la comparaison de la pensée fanatique et celle de n'importequel passionné.

Le passionné est habité par un désir excessif et exclusif, désir qui prend donc une ampleurdémesurée et va monopoliser la vie psychique, la polarisant sur un seul objet.

Cette polarisation fait que l'individuest obnubilé par l'objet de sa passion.

Il va avoir tendance à y consacrer toutes ses pensées, toutes ses forces etfinalement (presque ou totalement) sa vie.

Bien sûr cette canalisation de la pensée va permettre au passionné dedéployer une énergie incroyable (que seule sa motivation peut produire) et de mettre en ouvre des moyens d'actionsextraordinaires mais d'un autre côté, elle rend le passionné sourd et aveugle à tout ce qui pourrait le contredire oule freiner.

C'est bien ce qui se passe chez le fanatique et les crimes qu'il commet sont finalement comparables àn'importe quel crime passionnel.

Le fanatique n'est ni plus ni moins qu'un passionné dont l'objet de la passion est uneidée, un idéal.

Ses croyances en une vérité, en une valeur sacrée manipulent le fanatique comme n'importe quelhomme qu'une passion incontrôlée dirigerait aveuglément, telle une force inéluctable, insensible à toute limiterationnelle et raisonnable. A la lecture de cette seconde partie du texte, il apparaît qu'au finale, le courage, la force de l'engagement dufanatique (soulignés en 3-8) s'enracinent dans son aveuglement.

Sa force d'action provient de la faiblesse de sapensée.

Son incapacité ou son refus de toute critique et d'ouverture lui assurent le confort et le réconfort procuréspar les certitudes qui permettent de tout justifier, y compris l'injustifiable des fins visées et des moyens employés. COMMENTAIRE : Deux points essentiels sont à prendre en compte: - l'engagement du fanatique poussé par sa conviction,- la « pensée» du fanatique et sa comparaison avec la pensée du passionné. Questions soulevées par le texte:Le fanatique ne pense-t-il pas? Alors qu'est-ce que penser? D'autre part, ne faut-il pas voir dans la pensée dufanatique, ou son « absence» de pensée la raison même de la force de son engagement? Ceci doit nous inciter àréfléchir sur les rapports entre penser et avoir des convictions et à nous demander si celles-ci ne sont pas lesconditions de tout engagement et de toute action.

Mais alors, quelles sont les limites que l'on n'a pas légitimementle droit de franchir? Car il est bien évident que l'on ne peut pas, intellectuellement et moralement, tolérer et admirerle fanatique qui ne recule devant rien. Toutefois, on peut aussi se demander si tout homme qui sacrifie sa vie pour ses idées, ou / et qui a recours à desmoyens violents pour défendre son camp peut pour autant être considéré comme un fanatique, et comme quelqu'unqui ne pense pas; si ce n'est pas le cas, qu'est-ce qui fait la différence?Dans quelle mesure vaut la comparaison entre fanatisme et passion, qu'Alain, dans une perspective rationaliste,. »

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