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Analyse psychologique du souci. ?

Publié le 02/01/2010

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Dans l'arc-en-ciel de notre vie affective, nous observons des tonalités et des nuances multiples. Le plaisir calme est satisfaction ou contentement. Intense, il devient joie. S'ii envahit toute l'âme et dure longtemps, c'est le bonheur. Quand il se manifeste sous forme de mouvements spontanés et incoercibles des membres et de tout le corps, on parle d'allégresse, d'exultation. Avec la douleur, la distinction entre le physique et le moral, qui vaut aussi pour le plaisir, est nécessaire. La douleur physique peut n'être qu'un léger malaise; plus vive, elle prend des formes fort diverses, que l'on désigne par des images : on la compare à une piqûre, à une brûlure, à une déchirure; lorsqu'elle en arrive à l'exaspération de la sensibilité, on dit que c'est une torture, un supplice, un enfer... La douleur morale est encore plus nuancée : l'absence même de toute impression affective nous donne de l'ennui; les événements qui trompent nos espérances nous déçoivent ou nous désenchantent, parfois nous font sombrer dans le désespoir; ceux qui nous touchent dans nos affections nous donnent du chagrin; par tristesse, on peut entendre toute douleur morale; la pensée du lendemain et de ses incertitudes nous laisse inquiets, préoccupés, soucieux... C'est de ce dernier état d'âme, le souci, que nous allons tenter de faire l'analyse psychologique.

« une augmentation des responsabilités, par conséquent de soucis.

Et cependant, on ne voit guère que les hommesse désintéressent de leur passage à l'échelon supérieur.

Sans doute, ces promotions entraînent ordinairementd'appréciables avantages pécuniaires et sociaux qui suffiraient pour beaucoup à les rendre désirables; mais observe-t-on chez les fonctionnaires et les officiers que leur fortune personnelle et une illustre ascendance rendent à peuprès insensibles à ces avantages une philosophique préférence pour les fonctions médiocres n'occasionnant aucunsouci P Les sinécures (étymologiquement, ce qui n'exige aucun soin ou aucun souci) sont fort recherchées, il estvrai : c'est que la plupart des hommes trouvent, indépendamment de leur vie professionnelle, assez de soucis pourrompre la monotonie des jours.Les soucis sont comme un condiment qui assaisonne la vie en lui donnant un but : « L'ennui s'engouffre dans lesvides du souci.

» (W.

JANKÉLÉVITCH, L'alternative, 133.) Dans La bûche, d'Anatole FRANCE, la princesse Trépof,s'ennuyant à courir le monde, se rappelle avec un certain regret l'époque où, femme du très humble représentant decommerce Cocoz, elle logeait sous les toits, et elle fait cette réflexion pleine de finesse : « Autrefois, j'avais desennuis (au pluriel, ce mot est à peu près synonyme de soucis) et je ne m'ennuyais pas; les ennuis, c'est une grandedistraction.

»Le souci est donc un fait psychique complexe.

Il est une entrave à la joie parfaite, un nuage sur l'horizon de nosdésirs.

Mais il reste une condition de nos vraies joies et il n'y a pas de vie heureuse sans le stimulant de quelquessoucis.L'absence de tout souci fait tomber dans l'ennui.

« L'ennui, maladie de luxe, est la conséquence paradoxale,équivoque, contradictoire d'une situation qui devait nous apporter le bonheur, mais qui ne le peut pas, et quipourrait nous rendre malheureux, mais ne le doit pas.

Heureuse douleur ou bonheur dolent, comme vous voudrez,l'ennui est un état ambigu, presque un tiers sentiment entre deux genres extrêmes.

Un état ambigu, mais non pasun état « neutre », en ce sens qu'il ne serait ni la douleur, ni le plaisir...

L'ennui est plutôt « utrumque » que «neutrum », l'un et l'autre ensemble, l'un annulant l'autre.

» (JANKELEVITCH, L'alternative, 134-133.)Renversons les propositions, et nous aurons le souci.

Le souci est maladie de misère, de celui qui n'a pas et quicraint de ne pas obtenir.

Il devrait produire la douleur, et c'est plutôt l'effet contraire qui en résulte : sans l'aiguillondu souci, que notre vie serait inerte et insipide ! Douleur qui charme, charme qui endolorit : le souci réunit les deuxextrêmes.

Ainsi s'explique cette étrange contradiction : l'homme s'escrime à s'assurer contre l'incertitude dulendemain, à se débarrasser de tout souci; et lorsque plus rien n'est laissé au hasard et que tout marche sans saprudente vigilance, il s'ennuie et n'a de cesse qu'il se soit fait d'autres soucis. * * * Nous avons pu relever, à propos d'un état d'âme bien simple apparemment, comment tout se tient dans laconscience, au point, que les contraires arrivent à fusionner.C'est pourquoi, s'il est déjà difficile d'agir sur la matière brute, combien sera délicate l'action sur un être de lacomplexité de l'homme ! Aussi ne faut-il pas, si l'on veut se former ou se réformer, se contenter d'une rapidetraduction des mots au moyen desquels nous étiquetons nos phénomènes intérieurs.

C'est dans l'intime de laconscience qu'il faut diriger son regard pour y puiser la connaissance de ce que nous sommes vraiment,connaissance sans laquelle il n'y a pas d'action morale possible.. »

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