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Aristote, De l'âme (427b-428a), Éd. Les belles Lettres, Trad. Barbotin.

Publié le 23/03/2015

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aristote

« Puisque la pensée se distingue de la sensibilité, mais qu'elle semble être d'un côté imagination, de l'autre conviction(a), il faut d'abord traiter de l'imagination, ensuite de la conviction. Si nous disons que l'imagination est ce en vertu de quoi se produit pour nous quelque image, nous la comprenons comme un de ces états ou une de ces facultés en vertu desquelles nous jugeons et sommes soit dans le vrai, soit dans le faux et qui sont la sensibilité, l'opinion, l'intellect et la science.

Que l'imagination ne soit pas la sensibilité, c'est clair. En effet, la sensibilité est ou en puissance ou en acte (par exemple, elle est vue ou vision). Or quelque chose peut nous apparaître même en l'absence de l'une ou de l'autre : c'est le cas des images durant le sommeil. Ensuite, la sensibilité est toujours présente chez les animaux, tandis que l'imagination ne l'est pas. Si elles étaient identiques, tous les animaux seraient doués d'imagination : il ne semble pas que ce soit le cas, par exemple pour la fourmi, l'abeille, le ver. En outre les sensations sont toujours vraies, tandis que les images sont le plus souvent fallacieuses. De plus nous ne disons pas, lorsque notre activité sensorielle s'exerce précisément sur son objet sensible(b) que "cela nous paraît être un homme". C'est bien plutôt quand nos perceptions manquent de clarté. Enfin, comme nous le disions ci-dessus, des images visuelles apparaissent même les yeux fermés.

Mais l'imagination ne pourra s'identifier non plus à aucune des opérations qui sont toujours vraies, comme la science ou l'intellection : car l'imagination est aussi bien trompeuse. Reste donc à voir si elle se ramène à l'opinion, qui peut être soit vraie, soit fausse. Mais, en réalité, l'opinion entraîne la croyance (car il est impossible d'avoir une opinion sans la tenir pour vraie) ; or aucune bête n'est capable de conviction, tandis que beaucoup d'entre elles possèdent l'imagination. De plus l'opinion suppose toujours la conviction, la conviction implique qu'on a été convaincu, et être convaincu implique la raison. Or, parmi les bêtes certaines possèdent l'imagination, mais non pas la raison. Il est donc évident que l'imagination ne saurait être ni une opinion accompagnée de sensation, ni l'opinion produite par la sensation, ni une combinaison d'opinion et de sensation. «

Aristote, De l'âme (427b-428a), Éd. Les belles Lettres, Trad. Barbotin.

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« Textes commentés 39 Aristote discute ici les conceptions platoniciennes.

Dans le Théétète Platon distingue trois définitions de la science -qui sont aussi bien des caractérisations de degré dans la connaissance : la science est (1) sensation, (2) opinion vraie, (3) opinion vraie exprimée dans un discours.

La seconde définition met en jeu un état intermédiaire entre la sensation et la connaissance rationnelle (qui prend forme dans le discours) -celui de l'opinion.

Mais Platon ne distingue pas entre le côté objectif de l'opinion (l'apparence) et son côté subjectif (la 1 conviction qu'elle fait naître).

Pour Aristote, il faut dissocier, dans 1 l'opinion, ce qu'elle est proprement -un jugement - et l'apparence 1 qu'elle comporte -qui relève de l'imagination.

En effet, selon lui, 1 l'opinion trouve sa source comme conviction, dans le fait d'avoir été 1 1 convaincu, ce qui suppose un moment d'incertitude, une hésitation et 1 une délibération.

Or la délibération, où l'on pèse le pour et le contre est i soit dialogue intérieur, soit discussion avec autrui.

Dans l'un et l'autre j cas, elle implique la raison (le texte dit logos, c'est-à-dire, plus , précisément langage) qui est le propre de l'homme.

L'opinion, 1 puisqu'elle s'enracine dans ce qui distingue l'homme des autres vivants ne saurait donc appartenir à ces derniers.

Mais comme on ne peut pas i refuser à certains d'entre eux l'aptitude à se représenter les choses en 1 l'absence de sensation, il faut conclure que l'imagination est une faculté irréductible à la pensée -qu'elle soit opinion ou intellection.

1 a) La conviction (pistis), c'est le fait de tenir pour vrai (réel) ce qui se présente dans l'apparence : il s'agit donc d'une opération qui résulte du jugement.

b) Aristote renvoie ici à l'idée de sensible propre.

L'image que nous supposons être celle d'un homme est très composée ; elle peut être 1 confuse et nous incliner à la prudence : nous ne disons donc pas : L C'est un homme » mais : « Cela paraît un hom_m_e_»_.

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