Art et sacré.

De nombreuses théories artistiques, notamment au XIXe siècle, ont développé le thème d'un mystérieux pouvoir de l'art qui nous révélerait le sens invisible du monde sensible. Doté de pouvoirs hors du commun, l'artiste est identifiée à un « mage », un « voleur de feu », un intercesseur, entre les hommes et le monde supra-sensible dont il livrerait, dans un langage codé, les secrets. Très répandue dans l'art poétique du Romantisme, cette fonction du poète et du créateur, en fait une sorte de demi-dieu, à la fois inquiétant et bienfaisant, savant et inadapté à la vie sociale. Platon, déjà, assimilait l'activité créatrice à une fureur divine, lointain ancêtre de l'inspiration. Au XVIe siècle, le caractère « divin » des grands artistes devient un lieu commun, et la notion de génie telle que la développe Kant, conserve l'idée de mystère. Le thème de l'artiste « divin » répercute, sous une forme laïcisée, la connivence de l'art et du sacré. Il met en relief l'idée que l'art a une fonction de dévoilement. A l'opposé du monde quotidien, il nous révèle l'envers caché des choses, leur signification secrète, ou méconnue. L'artiste prend la place du sage platonicien de la célèbre Allégorie de la caverne. Comme lui, il perçoit, au-delà des apparences, la réalité invisible de l'univers que le commun des mortels ignore, trop occupé à regarder le monde sensible.