Devoir de Philosophie

Beaux-Arts: La peinture contemporaine

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

Si l'expressionnisme, dont les origines remontent au moins à Goya et à Daumier, et à qui l'apport de Van Gogh, de Toulouse-Lautrec, d'Ensor et de MunchA095 donna une décisive impulsion, est la caricature passionnée et tragique qui définit l'art de Rouault, de Soutine, de Kokoschka, de Permeke, de Solana, de Diego Rivera, etc., mais aussi celui de Vlaminck, de Kirchner et de leurs émules, il n'est guère contestable qu'il faille voir en lui une des idées-forces les plus actives de la peinture de notre temps. D'autant que l'on n'en épuise pas par cette définition la réalité complexe, contradictoire. Expression fougueusement, frénétiquement subjective d'un artiste qui crie, qui hurle son expérience du monde ­ expérience visuelle, intellectuelle, spirituelle, viscérale, expérience de tout son être ­ l'expressionnisme n'est pas seulement cet art tourné exclusivement vers un moi égocentrique, il est aussi effort pour pénétrer la réalité cachée des idées et des choses, tentative parfois désespérée pour ne faire qu'un avec elle. Et le miracle, c'est que ce subjectivisme outrancier soit aussi prise de possession de ces secrets, de ces essences. En se disant, le peintre les dit. Parce qu'il se dit, il les dit, et parce qu'il les dit, il se dit. Cette plongée en lui lui permet de les atteindre. Le moi et le non-moi profonds coïncident dans leurs racines. En descendant à celles de l'un, le peintre rencontre celles de l'autre. D'être subjectif avec exaspération, de ne pas pouvoir ne pas l'être, son art nous explique le mystère intérieur aux choses extérieures, dans le même temps qu'il est, selon le mot de Rouault, " confession ardente ", aveu passionné par le peintre de sa vie intérieure tragique.

« bien qu'en passant à travers eux, ces voix, ces figures, qui viennent d'ailleurs, ne se laissent pas dénaturer,d'autant moins altérées qu'ils mettent plus de soin à les enregistrer avec une passivité qui est le meilleur garant deleur objectivité.

Une faille s'ouvre ainsi entre eux et leur peinture, qui n'existe pas dans l'expressionnisme.

Et c'estcette faille qui rend compte du décalage qu'on y constate entre le contenu du message et son expression, qui enrend compte partiellement du moins.

Car d'autres raisons président à l'élaboration de cette expressionvolontairement conventionnelle, traditionnelle, académique chez certains adeptes du mouvement.

C'est, d'une part,le désir d'affirmer que la plastique compte si peu pour eux, en regard de la traduction du document psychologique,métaphysique, magique, que les problèmes à proprement parler picturaux ne valent même pas la peine d'être pris enconsidération, et qu'il suffit de s'en remettre au vieux métier convenu avec ses principes et ses trucs.

D'autant queces trucs s'harmonisent bien avec cet univers où tout est truqué ! Après un demi-siècle et plus de recherchespicturales, d'efforts pour mettre au point un vocabulaire, une syntaxe, une grammaire artistiques nouveaux, pas demeilleur moyen de faire figure de novateur que d'en revenir à l'académisme le plus désuet, le plus dédaigné, le plusoublié.

Autre avantage à ce recours : ce décalage entre l'expression, l'exprimé et celui qui exprime, n'est-il pas en harmonieavec cette distance que l'on entend garder par rapport à l'autre ? Bien davantage ne la figure-t-il pas ? N'en est-ilpas le symbole, l'équivalent, l'image ? Ajoutons enfin qu'héritier de dada, le surréalisme ne répugne pas à l'ironie- cette ironie si étrangère à l'expressionnisme qu'elle lui est rigoureusement inconcevable et impossible.

Ainsis'explique que, voisins dans leurs positions fondamentales, expressionnisme et surréalisme soient si différents dansleurs résultats, j'entends par là les oeuvres auxquelles ils donnent naissance.

Moins plastique, plus poétique(d'aucuns diront plus littéraire) le surréalisme avait bien de quoi séduire artistes et public du monde entier, surtoutdans les pays attachés à l'art à idées, et de quoi aussi jeter les bases d'une poétique et d'une éthique assezaccordées à notre temps pour pouvoir survivre même au mouvement qui leur avait donné naissance.

C'est, en fait, ce qui se produisit.

Né à Paris en 1924 dans un milieu essentiellement international, il avait dès son origine une vocation universelle,et, cette vocation, il l'avait réalisée dès avant la deuxième guerre mondiale.

A ses premiers adeptes français ( Masson A1322 , Tanguy A1504 ) allemands ( Max Ernst A139 ) et espagnols ( Dalí A1129 , Miró A089 ), il en avait rapidement ajouté d'autres : en France, Coutaud, Labisse, Brauner ; en Espagne, Dominguez A1150 ; en Allemagne, Bellmer ; en Autriche, Paalen ; en Tchécoslovaquie, Toyen ; en Suisse, Seligmann ; en Belgique, Magritte A1308 et Delvaux A1142 ; aux États-Unis, Dorothée Tanning, etc.

La guerre devait lui être tout à la fois fatale et favorable.

D'une part, en effet, elle fit fuir loin de Paris bon nombrede ses champions qui, réfugiés aux États-Unis, l'y enracinèrent solidement, tandis que, dans la France désertée pareux, d'autres mouvements artistiques d'avant-garde, profitant de ce vide, se développaient et assuraient la relève.Aussi, quand il y fit sa rentrée, le surréaliste fit-il figure de revenant ; dans l'exposition présentée par la galerieMaeght, on pensait tout ensemble à ces vieux acteurs qui, après une retraite, veulent de nouveau se faireentendre, et à ces émigrés qui, de retour dans leur pays après une longue absence, n'y sont plus à leur place et nesont plus de leur temps.

D'autant que la guerre, accélérant l'histoire, avait rejeté dans le passé lointain même lesévénements du passé le plus proche.

En 1945, à peine moins que le cubisme, le surréalisme appartenait tout à coupà l'histoire.

Mais, outre une solide implantation outre-Atlantique, la guerre lui avait rendu d'autres services signalés.

Autant qu'àl'expressionnisme, elle lui avait donné raison, d'abord, en démontrant, par ses horreurs mêmes, la légitimité de sesinquiétudes, de sa révolte, de sa dérision.

Ensuite elle traînait après elle assez de séquelles sinistres pour que ceclimat fût propice à la prolifération d'une sorte de néo-surréalisme.

Celui des années 25 avait donné vie et succès àl'un, celui, analogue, des années 45 ne pouvait que favoriser l'apparition et le développement de l'autre.

Rien que detrès naturel, ainsi, si dans bon nombre de pays, et principalement en France et aux États-Unis, fructifia l'héritage dusurréalisme, qui le fit également dans la plupart des pays du monde dit occidental.

A New York, cette espèce de néo-surréalisme ne gagna pas seulement des adhésions parmi les Américains, maisaussi parmi des étrangers, enfants surtout du Nouveau Monde que de lointains atavismes exotiques prédisposaientpeut-être à sentir mieux que d'autres son message magique.

De fait, les deux champions principaux de ce néo-surréalisme furent un Cubain, Wilfredo Lam A1267 , et un Chilien, Matta A085 , dont les créations, faites d'abord aux États-Unis, puis en France et dans d'autres pays, accèdent peut-être plus et mieux au fantastique et à l'envoûtant que celles-làmêmes de leurs devanciers et modèles.

Quant à la France, les deux héritiers les plus intéressants du surréalisme et qui, tout en lui devant beaucoup, l'ont continué de la façon la plusoriginale, paraissent bien être Balthus A005 et Dubuffet A035 , celui-là plus sensible à l'érotisme, au mystérieux du quotidien (" l'extraordinaire de l'ordinaire ", disait avec bonheur Aragon L006 ) et à la représentation traditionnelle des personnages et des objets, celui-ci, fils spirituel de dada autant que du surréalisme, plus porté vers l'humour, la fantaisie grinçante, l'anti-art, et les trouvailles inédites d'un métier qui se réclameouvertement de l'avant-garde.

Mais quelles que soient les différences qui opposent ces deux peintres et celles qui existent entre eux et les autresdébiteurs du surréalisme, c'est bien dans la perspective de cet art qu'ils se placent, dont apparaissent ainsi l'influence et la fécondité.

Expressionnisme.

Surréalisme.

Aux rapports déjà marqués entre eux s'ajoute un autre dénominateur commun : leur attachement au figuratif qu'ils nese font pas scrupule toutefois de déformer.

L'attachement à une figuration également interprétée avec audace caractérise aussi l'art de trèsnombreux peintres que j'appellerai irréalistes, à la fois pour marquer le recours qu'ils ont sans cesse à la réalité et l'extrême liberté avec laquelle ilsen usent à son égard.

Mais (et voici ce qui les sépare radicalement des héritiers de l'expressionnisme et de ceux du surréalisme) les déformationsqu'ils imposent au réel sont, pour reprendre la terminologie, fort appropriée, de Gauguin A045 , des déformations objectives bien plutôt que des déformations subjectives ; et c'est moins pour traduire leur vision personnelle, leur expérience intime, leur conception individuelle de la nature et. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles