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Bergson, L'Évolution créatrice, chap. II, PUF, Éd. du Centenaire, p. 650. Commentaire

Publié le 22/03/2015

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bergson

« C'est un fait digne de remarque que l'extraordinaire disproportion des conséquences d'une invention à l'invention elle-même. Nous disions que l'intelligence est modelée sur la matière et qu'elle vise d'abord à la fabrication. Mais fabrique-t-elle pour fabriquer, ou ne poursuivrait-elle pas, involontairement et même inconsciemment, tout autre chose ? Fabriquer consiste à informer la matière, à l'assouplir et à la plier, à la convertir en instrument afin de s'en rendre maître. C'est cette maîtrise qui profite à l'humanité, bien plus encore que le résultat matériel de l'invention même. Si nous retirons un avantage immédiat de l'objet fabriqué, comme pourrait le faire un animal intelligent, si même cet avantage est tout ce que l'inventeur recherchait, il est peu de choses en comparaison des idées nouvelles, des sentiments nouveaux que l'invention peut faire surgir de tous côtés, comme si elle avait pour effet essentiel de nous hausser au-dessus de nous-mêmes et, par là, d'élargir notre horizon. Entre l'effet et la cause la disproportion, ici, est si grande qu'il est difficile de tenir la cause pour productrice de son effet. Elle le déclenche, en lui assignant, il est vrai, sa direction. Tout se passe enfin comme si la mainmise de l'intelligence sur la matière avait pour principal objet de laisser passer quelque chose que la matière arrête. «

Bergson, L'Évolution créatrice, chap. II, PUF, Éd. du Centenaire, p. 650.

bergson

« Textes commentés 43 a) Situation du texte.

On peut classer en séries les ternws utilisés par Bergson pour valoriser les « effets » de l'invention.

D'une part, il y a ce qui regarde la« fabrication».

Elle est produit de l'intelligence, c'est-à­ dire de l'aptitude à comprendre la « matière » et à la « maîtriser ».

Science et technique la tournent à « l'avantage de l'homme ».

D'autre part, il y a « l'invention ».

Elle provoque des « id~es nouvelles, sentiments nouveaux ».

Elle «hausse» l'humanité.

Surtout, elle n'est pas réduite à du rationnel.

Par ses conséquences, elle intègre «l'involontaire et l'inconscient».

Enfin, Bergson oppose la cause qui « déclenche », ponctuelle, aux effets, virtuels et multiples.

Les verbes sont d'un registre du mouvement en éclatement (viser -surgir - hausser- déclencher).

b) Mouvement du texte.

• 1er moment ( ~ « [ ...

] invention même») : l'opposition intelligence et involontaire.

L'intelligence est rationnelle, c'est-à-dire proche du réel, du présent.

Elle est utile, pragmatique puisqu'elle vise l'application c'est-à-dire l'objet fabriqué.

Or la technique relève du mort, de l'obstacle à la vie (la matière arrête).

Bergson ne la condamne pas.

Mais elle cache l'essentiel, même si elle est l'originalité de l'homme.

Elle ne peut retenir ce qui est vie, c'est-à-dire virtualité d'intuition, involontaire dans les effets de l'action, mélange de conscient et d'inconscient.

Derrière le pouvoir de l'intelligence, se cache l'élan de l'évolution de la vie.

• 2e moment (de« Si nous retirons un avantage immédiat[ ...

] »jusqu'à la fin) : évolution et liberté.

En rester à l'intelligence, c'est se clore dans le déterminisme de la cause et de l'effet.

Or la vie « élargit notre horizon», «hausse» ce que nous sommes aujourd'hui pour déclencher le futur.

La liberté est à la fois dans l'acte de fabrication guidé par l'intelligence (lui assignant sa direction) mais elle est choix également dans la mesure où il y a pluralité de changement (nouvelles, nouveaux, de tous côtés).

c) Conclusion.

La marge de responsabilité de l'homme qui réclame de sa part «un supplément d'âme» (chap.

IV des Deux sources de la morale et de la religion) est dans la sélection des effets pour hausser l'humanité.. »

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