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Ce qui appartient à l'histoire est-il par là-même inactuel ?

Publié le 27/01/2004

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histoire
. Oui, que de changements !Tous les symboles sociaux, ou presque tous - et certains pour lesquels nous serions morts hier sans trop discuter - se sont vidés de leur contenu. La question est de savoir s'il nous sera possible, non pas de vivre, mais de vivre et de penser paisiblement sans leurs repères et la lumière de leur phare. » (Fernand Braudel, Écrits sur l'histoire). Le passé dans lequel tomberaient pour s'y perdre nos certitudes et nos morts consenties d'aujourd'hui ne jette-t-il pas un doute sur notre capacité à pouvoir organiser un monde autour de valeurs définitives ? La recherche de l'historien procède d'une inquiétude doublement morale et philosophique. Mais pour quelle raison une telle inquiétude se trouve-t-elle relayés aussi par l'histoire, que gagne-t-elle de plus à être intéressée au passé ? B. Idéologie et histoire1. « L'expérience du Front populaire, écrivait Raymond Aron, vers 1938, dans Introduction à la philosophie de l'histoire, révélera progressivement sa véritable portée aux historiens à venir, selon qu'elle mènera à un régime nouveau ou à la réaction [...].

Comment définir l’objet de l’histoire en tant qu’elle est science du passé en tant que tel ? L’objet de l’histoire a-t-il une valeur opérante pour comprendre le présent ou s’est-il périmé et évanoui en même temps que la période qui l’a vue naître ? On s’aperçoit dès lors que c’est l’effectivité de l’histoire en tant qu’elle peut jouer un rôle dans le présent qui est ici mise à la question. Peut-elle avoir prétention à aider l’humanité à ne pas recommencer les mêmes erreurs passées ainsi découvertes et expliciter par la discipline ? Le présent n’est-il pas toujours le résultat de faits passés qui le constituent comme tel et qui du même coup le conditionne directement ? C’est donc aussi le travail de la mémoire qui est ainsi interroger.

histoire

« ou l'irrégularité foncière de l'ordre prétendu de ses événements, par suite elle dénonce partout les tentativessystématisantes et réductrices pour intégrer dans une quelconque cohérence des périodes distinctes.

Elle ne peut àla rigueur procéder que par voie analogique jamais explicative, et moins encore causale.

Le monde de l'historien estaléatoire, traversé de temporalités distinctes et de rythmes différents.

Les guerres par exemple ont figured'accélérateur de l'histoire et par elles-mêmes sont imprévisibles. 3.

Il y a une ambiguïté manifeste. L'histoire, n'ayant rien de nécessaire, ne referme aucun épisode sur sa prétendue nécessité.

N'étant pas nécessaire,cet épisode est coupé de tout prolongement dans le temps.

Il est dépassé.

Mais d'un autre côté, unique, il obtientune singularité inaliénable, il est donc irréductible à toute compréhension, et reste perpétuellement actuel à l'étudede l'historien.

Aucun discours sur un passé unique n'est définitivement achevé. II.

LA POLÉMIQUE HISTORIQUE A.

Les deux sens du mot histoire 1.

L'histoire peut être prise au sens de l'ensemble des événements passés.

La polémique à ce niveau existe, et elleconfirmerait l'actualité des considérations historiographiques.

Mais la question touchant à la vérification historiquedes faits, à la comparaison et l'analyse des documents, aux conjectures diverses est un débat interne àl'épistémologie de l'historien. 2.

L'enjeu philosophique de l'histoire n'est autre que celui de la parole et de l'axiologie qu'elle innove dans sonrapport au temps.

« La réalité du social, la réalité foncière de l'homme se découvre nouvelle à nos yeux et, qu'on leveuille ou non, notre vieux métier d'historien ne cesse de bourgeonner et de refleurir dans nos mains...

Oui, que dechangements !Tous les symboles sociaux, ou presque tous - et certains pour lesquels nous serions morts hier sanstrop discuter - se sont vidés de leur contenu.

La question est de savoir s'il nous sera possible, non pas de vivre,mais de vivre et de penser paisiblement sans leurs repères et la lumière de leur phare.

» (Fernand Braudel, Écrits surl'histoire).

Le passé dans lequel tomberaient pour s'y perdre nos certitudes et nos morts consenties d'aujourd'hui nejette-t-il pas un doute sur notre capacité à pouvoir organiser un monde autour de valeurs définitives ? La recherchede l'historien procède d'une inquiétude doublement morale et philosophique.

Mais pour quelle raison une telleinquiétude se trouve-t-elle relayés aussi par l'histoire, que gagne-t-elle de plus à être intéressée au passé ? B.

Idéologie et histoire 1.

« L'expérience du Front populaire, écrivait Raymond Aron, vers 1938, dans Introduction à la philosophie del'histoire, révélera progressivement sa véritable portée aux historiens à venir, selon qu'elle mènera à un régimenouveau ou à la réaction [...].

Les contemporains sont partisans et aveugles, comme les acteurs et les victimes.

»La polémique est contemporaine.

Il faut attendre pour se prononcer sur la signification exacte d'une période.

Mais leproblème est là.

Attendre jusqu'où ? Quel historien, et quand, nous fournira jamais la clé de ce qui réellement fut,bien qu'invisible sur le moment ? Car ce régime nouveau ou la réaction qu'il appelle, et à partir desquels nous serionstentés de juger ce qui a été, ne sont pour eux-mêmes nullement assurés de durer toujours.

L'idéologie, seule, peutse permettre de refermer l'histoire sur une lecture linéaire du passé.

Seul le discours idéologique est en mesure deproposer l'illusion d'une objectivité historique, à savoir le mirage d'acquisitions historiquement définitives.

L'historienne peut être un idéologue (notez en quels termes dans sa préface de Le Passé d'une illusion, l'historien récemmentdisparu François Furet révise à la baisse son catéchisme marxiste des années militantes).

Le sens de l'enquêtehistorique, dira ce même F.

Furet, sera de replacer l'événement dans son polymorphisme de significations et de lerestituer tout entier à ses autres voies possibles, autant qu'à son incertitude de sens, mieux à son indécidabilité ouson « irrésolution ».

L'oeuvre de l'historien est tout à l'inverse de celle de l'idéologue.

Il s'agit de rendre une périodeà son présent, de la restituer à son incertitude du moment, d'élever ce même présent à ses polémiques inévitables. 2.

Les contemporains sont volontiers aveugles et partisans, disait Raymond Aron.

Au présent, les paroles des diverscamps se croient chacunes et dénoncent les autres.

La multiplicité et la diversité sont la règle.

Une fois passées,ces voix se sont éteintes, avec le temps elles se sont essoufflées, mais leur discordance n'a pas pour autantdisparu, la fracture et l'incompréhension demeurent, non plus, il est vrai, portées en des discours rivaux puisqueceux qui les tenaient ne sont plus, il semble seulement que la diversité des propos et des points de vue, avec lerecul, ait gagné en essentialité.

Le vrai motif des polémiques actuelles renvoie aux contradictions véritables etinsolubles dont elles ne sont que les expressions.

Il n'y a pas eu un passé puis un présent, comme si entretemps lapaix s'était faite, et les hommes s'étaient réconciliés.

Il y a eu un passé de polémique qui a pris fin avec ces corpscharnels et mortels, mais qui se continue au-delà d'eux, dans ce que les mots gardent d'ambivalence et d'ambiguïtéet, par extension, dans ce qu'ils ont de si facilement incompatibles entre eux.

Il reste toujours le scandale d'uneparole divisée, de part et d'autre fondée à faire taire et à se taire.

Reconduite au passé, alors même qu'il ne s'agitplus de défendre, dans une cause ou dans un parti, sa vie, la parole se fait la moins définitive, elle peut, sans risqued'être déjugée, se vouloir la moins assurée, en un mot la moins nécessaire.

La parole, rapportée au passé, à sonpassé, prend toute la mesure de sa contingence et de son inquiétante précarité.

Plus qu'au présent, c'est au passéque sans cesse elle se réactualise, sondant, au-delà des mots d'ordre et des slogans, toute la profondeur de sespolémiques et de ses propres contradictions.

Il n'existe pas de lieu transcendant d'où aucun commentaire d'hommepourrait quitter le temps et l'histoire et s'établir en juge de ceux-ci.

Il n'existe pas de repère ou de norme à quoil'historien se référerait.

C'est en ce sens que Furet entendait replacer le passé dans l'indécidabilité du moment, ence sens également que Braudel acquérait le sentiment d'un renversement sceptique des représentations axiologiquesdans et par l'histoire.

Sommes-nous invités à ne plus croire en nos mots ? L'historien nous y engage-t-il ?. »

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