Ce qui est vrai, est-ce ce qui est utile ?

« Introduction Le problème soulevé ici est : recherche-t-on la vérité pour elle-même ou pour ses applications ? Ce qui est en jeuest le caractère désintéressé ou non de la recherche de la vérité : savoir pour savoir ou savoir pour agir ? Première partie La connaissance de la vérité éclaire l'action et même permet qu'elle soit efficace.

Plusieurs exemples peuvent êtremobilisés pour illustrer cette idée.

Ainsi, dans le domaine judiciaire, les décisions concernant un prévenu doivent sefonder sur une connaissance vraie des faits et des circonstances.

En science, les vérités ont des applications etdes effets pratiques attendus.

En général, les recherches en physique ou en biologie ne sont pas désintéressées :on en attend des résultats dans divers domaines (nucléaire, aérospatiale, médecine, etc.).

Tel est le sens de laformule de Bacon (xvie siècle) : obéir à la nature pour lui commander.

C'est-à-dire : connaître ses lois pour s'enservir et agir sur elle (on ne peut par exemple faire partir une fusée vers la lune sans connaître la loi de lagravitation qui permettra de calculer la vitesse que la fusée doit atteindre pour échapper à l'attraction de la terre). Deuxième partie (elle peut servir de transition) Dire que la vérité est utile, est-ce dire que ce qui est vrai est ce qui est utile ? Il faut bien souligner la différence designification entre ces deux formulations.

Dans la première (la vérité est utile), nous nous bornons à constater unedes conséquences d'une connaissance vraie : elle éclaire, voire détermine l'action.

Dans la seconde formulation (estvrai ce qui est utile),, nous faisons plus : nous définissons la vérité par son utilité et nous faisons de l'utilité lecritère d'une idée vraie.

Telle est la position du pragmatisme de William lames (philosophe américain du tournant duxixe au xxe siècle) : la pensée est subordonnée à l'action ; une pensée est vraie quand elle concorde avec laréalité, et elle concorde avec la réalité lorsqu'elle lui permet d'avoir prise sur elle. Troisième partie Or, définir la vérité par l'utilité est une position critiquable sous deux aspects.• Il y a des pensées qui « réussissent » sans que cette réussite soit le gage de leur vérité.

La pensée magique, parexemple, a des effets réels sur ceux qui y croient, mais cela n'est pas une raison pour affirmer que ces croyancessont vraies.• Si la recherche de la vérité était subordonnée à l'utilité, des pans entiers de la recherche scientifique resteraienten friche.

Il existe un risque certain à vouloir, pour la vérité, des applications pratiques immédiates.

En ce sens,Platon a raison d'insister sur le fait que la recherche de la vérité demande d'abord de se détourner du mondesensible et de ses intérêts immédiats.

Mais on remarquera aussi que cet éloignement n'est qu'un détour : Platonsoutient qu'il faut redescendre dans la caverne.

C'est donc quand même, finalement, un savoir vrai qui nous permetd'agir efficacement sur le monde.

Mais ce n'est pas parce qu'il est efficace qu'il est vrai.. »