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Ce qu'on veut et ce qui est ?

Publié le 27/02/2008

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Les stoïciens avaient coutume de suspendre leur morale à une distinction fameuse, « ce qui dépend de nous «, et « ce qui ne dépend pas de nous «. D'un côté la volonté, la paix intérieure, la liberté du jugement, de l'autre les richesses, la santé, l'opinion d'autrui, la vie même. Et ils conseillaient au sage de ne point se préoccuper des secondes, toujours fuyantes et que nous ne pouvons retenir. Ne pas espérer, ne pas regretter, accepter le monde comme il va. « Il ne faut pas désirer que les choses soient comme on les veut, il faut les vouloir comme elle sont «. Maxime puissante et qui n'a pas fini de nous instruire. Notre époque pourtant s'en scandalise volontiers. N'y a-t-il point dans cette abstention contemplative une démission, sottise et lâcheté à la fois ? Ne craignons pas de donner libre cours à ces protestations. Il n'est rien de meilleur bien souvent, pour décrasser une vérité vieillie que d'en faire d'abord la critique la plus rigoureuse qu'il se puisse.

« III.

— APPROFONDISSEMENT DE LA MAXIME STOÏCIENNE : a) Transition. Ces critiques sévères soulèvent pourtant quelques objections.

Comment parler d'inertie contemplative à propos de Marc-Aurèle l'empereur stoïcien qui passa sa vie à gouverner et à combattre ? Etcomment reprocher son insensibilité à la philanthropie stoïcienne qui la première se dit citoyenne de l'univers ethumanisa le droit romain ? N'est-il pas surprenant, par ailleurs, que Descartes joigne à la consigne de domination du monde une règle toute proche du stoïcisme : "changer mes désirs plutôt quel'ordre du monde" ? Aurions-nous dénoncé un aspect secondaire de la penséestoïcienne et méconnu au profit de ses déviations ou de ses tentations sonorientation véritable ? Sans rien abandonner de nos critiques, cherchons siplus profondément la maxime qui nous est proposée ne leur a point déjàrépondu. b) Détachement dans l'action, et non détachement de l'action. Réponse remarquable quand il s'agit de l'action.

Il est vrai, consentirait le stoïcien, queles choses ne se montrent comme elles sont qu'à celui qui force lesapparences pour buter enfin sur le réel.

Agir donc, avec toute l'obstination etl'énergie possibles.

Encore faut-il accepter le réel ainsi rencontré et l'aimer.Ne point se passionner dans l'action.

Le stoïcien réclame de l'homme l'équilibredans le mouvement, la maîtrise la plus difficile de toutes.

Vouloir de toutesses forces, ne rien négliger pour assurer le succès, et pourtant envisagerl'échec d'un cœur égal.

Sans désespoir, ni haine, ni rancœur.

Ne pointpermettre au triomphe ou à la défaite, — ces déesses chiennes disait Kipling,— de se rendre maîtresses de nous.

Privée de ce détachement intérieur,l'action crée l'esclavage le plus insidieux.

Divertissement au sens pascalien duterme.

Le stoïcien nous rappelle que l'homme qui agit pour répandre la raisondans le monde se contredit misérablement, si dans ce mouvement il laisseentrer la passion en lui. c) Aimer les choses et non s'y résigner. Le sens de l'action s'approfondit par celui de l'acceptation.

Bien des formules nous trompent ici qui décrivent une acceptation passive, un raidissement orgueilleux et insensible.

«Sustine et obstiné », durcissement du stoïcisme.

Mais comme il arrive souvent, la morale stoïcienne s'éclaire enfonction d'une métaphysique sous-jacente.

On s'aperçoit alors qu'il faut donner toute sa force au conseil : « vouloir» les choses comme elles sont.

Non pas les subir mais les aimer, car toutes, douloureuses ou agréables, sont bonnespour qui sait les accueillir.

Nommons ici le panthéisme stoïcien pour qui toutes choses sont non seulementl'expression de la volonté divine, mais le divin lui-même diffus à travers le monde dont il est l'âme.

Il n'y a donc pasd'orgueil dans l'acceptation de la souffrance, mais la conviction qu'elle nous arrache malgré nous à nous-même pournous unir au feu divin qui parcourt le monde.

Et pas davantage d'insensibilité dans le refus de s'apitoyer sur lesmalheureux, mais la volonté, au lieu de leur mentir, de les instruire en leur montrant la vanité de leurs maux.

Nousavons eu à commenter une maxime morale, c'est une maxime métaphysique qui l'expliquera finalement : « lesdestins, disait Marc-Aurèle, conduisent par la main celui qui les accepte, et traînent sur le chemin celui qui lesrefuse.

» CONCLUSION Accepterons-nous sans réserve la maxime stoïcienne ? Mieux vaut dire qu'après avoir éliminé les difficultéssecondaires, nous en avons dégagé la difficulté centrale.

Le stoïcisme n'est pas une école d'inertie, d'orgueil oud'insensibilité, mais d'optimisme.

Toute sa doctrine aboutit à nier la réalité du mal, simple apparence que le couragedu sage dissipe.

Discuter cette négation serait sur le plan métaphysique opposer au panthéisme pour qui rien nevient limiter la bonté divine, le théisme ou l'athéisme pour lesquels la liberté humaine, réelle, peut engendrer un malégalement réel.

Contentons-nous pour l'instant de comprendre pourquoi notre époque hantée par la présence du malet par un sens tragique de la vie s'oppose si spontanément à la devise stoïcienne.. »

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