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Chacun a-t-il le droit de penser ce qu'il veut ?

Publié le 08/08/2005

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■ Un constat. Descartes, dans sa Quatrième Méditation, a souligné que nous sommes doués d'une volonté infinie qui nous donne le pouvoir de douter de tout, y compris de refuser la vérité, sans «qu'aucune force nous y contraigne«. En ce sens, chacun a bien en effet le pouvoir de penser ce qu'il veut.

■ Le problème. Cependant, ce pouvoir de penser confère-t-il à chacun le droit de penser ce qu'il veut? Et si le droit de penser était reconnu inaliénable, cela signifierait-il pour autant que chacun ait également le droit d'exprimer ce qu'il peut librement penser ? Mais si ce dernier droit était dénié, si, tout en reconnaissant qu'on ne saurait contraindre un individu à penser autrement qu'il ne pense, on l'empêche de s'exprimer, ou encore de s'informer, le pouvoir même de penser ne serait-il pas limité de fait ? Telles sont toutes les questions qu'il nous faut examiner.

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« mais dans l'état de nature chaque individu a tous les droits, il peut faire tout ce qu'il veut, ce qui revient à dire qu'iln'en a aucun, puisque nul n'est alors tenu de respecter les droits d'autrui, et chacun vivant ainsi dans la crainte del'autre en un état de guerre de tous contre tous .

Dans l'état de nature, il n'y a donc pas véritablement de droit.Celui-ci apparaît avec le contrat social, par lequel les hommes, afin de vivre dans la sécurité, abandonnent leurs«droits naturels» de faire tout ce qu'ils veulent pour se soumettre à une loi commune.

Alors cessent tous lesprétendus «droits naturels», à l'exception de ce que les individus eux-mêmes ne peuvent aliéner, ce qui est le casde leur liberté de penser et d'exercer leur raison, tandis que leur liberté de s'exprimer passe sous le pouvoir de la loi.

Ainsi, selon cette philosophie du droit, le droit d'aller contre le droit ne saurait être un droit.

Comme l'expliqueSpinoza : « Tout citoyen est non point indépendant, mais soumis à la nation, dont il est obligé d'exécuter tous lesordres.

Il n'a aucunement le droit de décider quelle action est équitable ou inique, d'inspiration excellente oudétestable.

Tant s'en faut ! L'Etat est, en même temps qu'un corps, une personnalité spirituelle ; la volonté de lanation devant passer, par suite, pour la volonté de tous, il faut admettre que les actes, déclarés justes et bons parla nation, le sont aussi de ce fait par chacun des sujets.

Dans l'hypothèse même, où l'un de ces sujets estimerait lesdécisions nationales parfaitement iniques, il n'en serait pas moins obligé d'y conformer sa conduite.

» (Traitépolitique, III, § 5) Cette obligation de se soumettre dans tous les cas aux lois, n'entraîne cependant pas une obligation dereconnaître en conscience le bien-fondé de la loi, puisque, nous l'avons vu, le droit de penser et d'exercer sa raisonest un «droit naturel» inaliénable.

La conscience humaine, c'est-à-dire le pouvoir d'exercer sa raison, reste et nepeut que rester libre : aucune loi ne saurait empêcher quiconque d'exercer sa raison.

La révolte de la raison contrece qui est déraisonnable n'est ainsi pas un droit, elle est un fait.

Mais si la révolte physique, violente, ne peut être un droit, elle est, elle aussi, comme nous le montre l'histoire, unfait.

En conséquence, le droit doit éviter de commander aucun acte susceptible de susciter la révolte d'un grandnombre de citoyens : le droit édicté par l'autorité souveraine doit être raisonnable pour éviter que cette autorité nesoit renversée et la nation affaiblie ou détruite.

C'est la raison pour laquelle, nous dit Spinoza, il est bon que la loiautorise la liberté de pensée et d'expression, afin que chaque citoyen, s'il estime certaines lois injustes ou nuisibles,ait le droit de le faire savoir, de justifier son opinion, et de tenter par les voies légales d'obtenir l'abrogation ou lamodification de ces lois, tout en restant tenu de leur obéir tant que cette abrogation ou modification n'ont pas eutlieu.

Ainsi doit s'établir une sorte de dialectique entre la loi et la liberté d'expression : la loi est à la fois ce qui autoriseet ce qui limite la liberté d'expression, tandis que la liberté d'expression est ce qui doit permettre de modifier la loi.La liberté d'expression autorise une critique du droit, mais cette critique doit se faire dans le respect du droit : onpeut exprimer sa pensée et s'efforcer de convaincre ses concitoyens de la justesse de son opinion, mais il estillégitime de vouloir l'imposer en sortant du cadre de la loi, de vouloir la faire triompher en utilisant les passions deshommes et non leur raison.

«Admettons, suggère Spinoza, qu'un sujet ait montré en quoi une loi est déraisonnableet qu'il souhaite la voir abroger.

S'il prend soin en même temps de soumettre son opinion au jugement de lasouveraine Puissance (car celle-ci est seule en position de faire et d'abroger les lois), s'il s'abstient entre-temps detoute manifestation active d'opposition à la loi en question, il est - au titre d'excellent citoyen - digne en touspoints de la reconnaissance de la communauté.

Au contraire, si son intervention ne vise qu'à accuser les pouvoirspublics d'injustice étales désigner aux passions de la foule, puis s'il s'efforce de faire abroger la loi de toute manière,ce sujet est indubitablement un perturbateur et un rebelle.» (Traité théologico-politique, XX) En vertu du pacte social contracté par les individus, ce serait au reste agir contre la raison elle-même que derefuser de se conformer à la loi, fût-elle déraisonnable.

Socrate, condamné à mort, fera observer à Criton (cf.Platon, Cr/ton50-51) venu lui proposer de s'évader que, à partir du moment où il s'est placé volontairement sousl'autorité des lois de la cité, il ne lui appartient plus de juger de ces mêmes lois mais il doit, en tous points, leurobéir, même si elles le condamnent injustement à mourir.

Refuser de se soumettre représenterait aux yeux deSocrate une violation du droit ; une manière de combattre l'injustice par l'injustice, le mal par le mal ; sa conduiteserait alors totalement irrationnelle.

Autrement dit, le droit d'exprimer ce que l'on pense n'est véritablement un droitque lorsqu'il va dans le sens de ce que prescrit la raison, et, selon Spinoza, l'on ne saurait parfaire le droit en serebellant contre lui, c'est-à-dire, en dernière analyse, contre la raison.

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