Claude BERNARD et la technique: « Mais ces théories n'étant pas la vérité immuables, il faut toujours être prêt à les abandonner, […] dès qu'elles ne nous représentent plus la réalité. »
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Quoi qu'il en soit, il semble que Claude Bernard présente une vue quelque peu archaïque de la science. La naissance de la mécanique quantique, l'étude du mouvement des atomes, la notion de réalité naturelle comme unique critère de validation des sciences a perdu beaucoup de crédit. Depuis que l'objet scientifique n'est plus observable par l'œil humain, depuis qu'il est davantage un objet de part en part construit par la théorie, c'est plutôt du côté de la cohérence logique d'une science que l'on se tourne pour l'apprécier. Comme l'a montré Bachelard, les théories scientifiques sont devenues elles-mêmes des instruments pour construire des objets et d'autres théories. Nous perdons ainsi de vue le critère classique d'adéquation à la réalité naturelle. Il paraît donc difficile de souscrire pleinement à la conclusion de Claude Bernard, selon laquelle « En un mot, il faut modifier la théorie pour l'adapter à la nature et non la nature pour l'adapter à la théorie «. Les avancées technologiques et scientifiques actuelles peuvent tout à fait contredire et conduire à réformer cette vérité énoncée par l'épistémologue et scientifique de renom. Nous sommes donc en droit, conformément à la compréhension de la pensée de Bernard, de considérer cette proposition comme partielle et provisoire, vraie au moment où elle a été énoncée, donc «fausse absolument parlant «. Certes, il est évident qu'une théorie qui se moquerait de toute implication pratique risquerait de conduire à l'erreur certainement. Mais une théorie peut légitimement avoir pour but de modifier la nature, même si ce but exige une connaissance vraie de la nature, celle-ci peut parfois passer par des détours théoriques, éloignés de la réalité naturelle, et dont il faut accepter le principe.)
« scientifique est certes liée au principe du déterminisme, aux semblants rigides et immuables, mais la « recherche de la vérité » est un mouvement vers l'avant, et cemouvement n'est possible qu'à condition de pouvoir se mouvoir, d'avoir une pensée mobile. Tout ce qui contraint à l'immobilité doit donc être esquivé, c'est pourquoiles vérités doivent être reconnues comme temporelles. De surcroît, les « théories », qui représentent ces vérités, son essentielles en tant que synthèse des connaissancesacquises d'une part. Elles doivent également servir de base, de référence, aux recherches nouvelles, à l'élaboration de « théories » cohérentes avec la réalité, et nonune réalité conformée à celles-ci, d'autre part.Il est toutefois possible d'objecter à Claude Bernard, qui fait pourtant figure de précurseur de l'épistémologie contemporaine dans cet extrait, que les avancéesscientifiques et technologiques contemporaines remettent en question son critère de conformité et d'adéquation des « théories » à la réalité naturelle. En effet,désormais, bon nombre de recherches sont conduites sur des objets scientifiques non accessibles à l'œil humain, et la plupart d'entre elles font davantage appel à lalogique ou à la rationalité qu'à une adéquation immédiate avec l'observation expérimentale.Sa thèse peut donc, et doit donc, au vu de ces nouvelles données, être rediscutée, et ce, conformément à sa propre pensée, et laisser place à une nouvelle théorie. »
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