Comment distinguons-nous notre corps des corps étrangers ?
Publié le 23/03/2004
Extrait du document
«
II.
La conscience de son corps dans ses limites et par son « autre »
La conscience de soi passe certes par l'épreuve d'un ensemble de sensations diverses.
Mais que ce soit laphilosophie, la psychanalyse, la neurophysiologie, la sociologie...
toutes ces démarches reconnaissent d'autresconditions fondatrices de cette prise de conscience : les catégories primordiales d'espace et de temps, laconscience comme faculté, mais également le rôle fondamental de la relation à son autre.
Concernant les catégories spatio-temporelles, l'approche neurophysiologique ne fait que confirmer ce que Kant avaitdéjà formulé.
Les catégories d'espace et de temps sont en effet considérées par l'Allemand comme les « formes a priori de notre intuition sensible » (Cf.
Critique de la raison pure , I, première partie, Esthétique transcendantale ).
La sensibilité, une des deux sources de la connaissance selon lui, est la façon dont nous sommes affectés par lesobjets de « l'intuition » (capacité d'expérimentation du divers sensible).
La sensation, qui est la matière de notreintuition sensible, est l'impression de l'objet sur notre sensibilité.
Elle est ainsi comprise comme « donné », purediversité à laquelle les « formes » d'espace et de temps (les conditions de l'expérience du monde par un « Je »)confèrent son unité.
La sensation n'est donc pas le fondement unique et suffisant d'une conscience de son existence corporelle réelleface aux objets du monde.
Kant désigne alors l'« entendement », faculté de concevoir et fonction de jugement,comme seul capable de mettre en ordre tout le donné que je reçois sensiblement et de l'unifier comme phénomènesvécus par un moi.
C'est la conscience elle-même, comme faculté humaine, qui donne donc la possibilité à touteépreuve des sens de s'unifier comme épreuve individuelle, la mienne.
Enfin autrui, véritable moteur de ma reconnaissance comme corps, est reconnu par tous les domainesprécédemment cités comme un fondement nécessaire.
Lacan s'intéressera d'ailleurs aux premiers mouvementsinfantiles d'une prise de conscience de ce moi-corporel.
« Le stade du miroir » désigne chez lui ce moment oul'enfant unifie enfin, devant le miroir, ce corps auparavant « morcelé » (vision qu'à d'abord l'enfant de son proprecorps).
Nombreux philosophes ou sociologues affirment en outre l'importance cruciale du regard d'autrui (commereconnaissance visible de mon corps), de ma reconnaissance de son corps (désir du corps de l'autre, empathie aveccet autre dont le corps souffre...) dans la lente appropriation et acceptation de ce corps comme étant le mienpropre.
C'est alors le « sentiment de soi » qui intervient, résultat de ce processus de prise de conscience etd'acceptation individuelle.
Conclusion
Contrairement aux préjugés, la distinction de mon corps comme séparé de tout autre n'est pas l'objet d'uneévidence immédiate mais bien l'oeuvre d'une lente appropriation.
Les principes abstraits et physiologiques (l'espace et le temps, la sensibilité) ne doivent pas occulter lefondement relationnel, autrui, cette donnée irrécusable pour ma conscience et en même temps cette conditionde ma propre reconnaissance.
Autrui est ce regard tourné vers mon apparence (corps) que je regarde enretour..
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