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Commentaire de l'arrêt de la 1ère Chambre civile de la Cour de Cassation du 30 mai 2006 - Régime des obligations

Publié le 24/08/2012

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cour de cassation

Cependant, la solution peut susciter certaines interrogations quant à ses répercussions sur la situation du créancier demandeur. La solution manquerait ainsi de précision quant au droit que confère au créancier la saisie du bien entre les mains de l’ayant cause. En effet, l’action paulienne a pour but originel de protéger le droit de gage du créancier. Or, le droit de gage se définit comme la possibilité pour tout créancier de procéder à l’exécution forcée de sa créance par la saisie de biens dans le patrimoine de son débiteur. Les biens, une fois saisis seront alors vendus aux enchères et le créancier pourra se payer sur le prix retiré de la vente. S’ensuit que si l’on considère que le créancier peut se servir directement dans le patrimoine de défendeur, on pourrait considérer que l’action paulienne ainsi définie offrirait un véritable droit réel au créancier et non plus un droit de gage général, simple droit personnel. Le droit de gage, relation entre un créancier et son débiteur ne trouverait plus ici à s’appliquer puisque le défendeur à l’action ne serait pas le débiteur du débiteur du créancier, comme dans l’action directe, mais un simple tiers. Cependant, cette hypothèse reste une simple interrogation, car on ne peut penser que la Cour de cassation ait eu dans l’idée de dénaturer l’action paulienne.

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« Selon la Cour de cassation « l'inopposabilité paulienne autorise le créancier poursuivant, par décision de justice et dans la limite de sa créance, à échapper aux effetsd'une aliénation opérée en fraude de ses droits, afin d'en faire éventuellement saisir l'objet entre les mains du tiers ».

Cette solution constitue un véritable revirementde jurisprudence.

En effet, la jurisprudence antérieure retenait la nécessité du retour du bien objet de la fraude dans le patrimoine du débiteur afin que le créancierpuisse exercer son droit de gage général.

La Première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 1er juillet 1975, a ainsi énoncé que la fraudepaulienne « entraîne le retour du bien aliéné dans le patrimoine du débiteur où le créancier demandeur pourra seul éventuellement le saisir ».

La troisième chambrecivile a également fait récemment application de ce principe dans un arrêt du 9 juillet 2003 dans lequel elle a affirmé que « l'admission de la fraude paulienne n'apour effet que d'entraîner le retour du bien dans le patrimoine du débiteur où le créancier demandeur pourra seul éventuellement le saisir ».En outre, on peut aisément affirmer que cette solution est tout à fait conforme avec l'adoption de l'action en inopposabilité comme nature juridique de l'actionpaulienne.

En effet, l'inopposabilité paulienne fait du créancier demandeur le seul bénéficiaire de l'action et donc la seule personne pour qui l'acte d'aliénation du bienne produira pas d'effet.

L'acte en question est réputé garder ses effets envers les tiers.

Cependant, le maintien de ces effets entre les parties à l'acte d'aliénation risqued'être limité, voire impossible, du fait du retour du bien en question dans le patrimoine du débiteur.

L'inopposabilité ne serait donc pas conciliable avec lareconstitution du patrimoine du débiteur.

Ainsi, on pourrait trouver là un intérêt fondamental à ce que le créancier demandeur à l'action puisse saisir directementl'objet entre les mains du défendeur à l'action.

D'autre part, à l'appui de cette démonstration on peut noter que la solution de la Cour de cassation est tout à faitconforme à celle que soutenaient de nombreux auteurs depuis longtemps.

On peut ainsi citer le professeur François Terré qui, dans son ouvrage « Les obligations »,consacre également l'inopposabilité de l'acte frauduleux et en déduit que « L'action paulienne n'a donc pas pour effet, comme l'action oblique, de reconstituer lepatrimoine du débiteur ».

En conséquence, la décision de la Cour de cassation du 30 mai 2006 permet une unification des positions de la jurisprudence et de ladoctrine.Enfin, on peut noter que la solution des juges dans cet arrêt semble justifiée au regard du caractère personnel de l'action paulienne posé par l'article 1167 du Codecivil.

En effet, cet article, au visa duquel la Cour a pris sa décision, explique que l'action paulienne est une action personnelle et ne concerne donc que le seulcréancier victime de la fraude.

On peut donc en déduire que le choix de l'inopposabilité comme sanction de l'action est tout à fait conforme à la lettre de l'article, maiségalement, et en conséquence, que le choix de la saisie directe entre les mains du défendeur l'est également. B] L'amélioration de la situation du créancier et du défendeur: Ainsi, on a pu constater que la solution des juges du droit paraît tout à fait en accord avec la logique de la consécration de l'inopposabilité paulienne.

Cependant,outre la volonté de logique et d'unification des opinions, on peut s'apercevoir que cette solution a de nombreux intérêts.

La décision de la Cour de cassation vanotamment avoir des répercussions positives sur les intérêts du créancier et du défendeur à l'action.On peut noter dans un premier temps que sa solution pourrait être favorable à une simplification de l'action paulienne.

En effet, dans le cas de la reconstitution dupatrimoine du débiteur, le créancier doit d'abord obtenir une décision de justice ordonnant le retour du bien au sein du patrimoine du débiteur pour pouvoir par lasuite exercer son droit de gage général.

L'adoption du principe de saisie directe du bien entre les mains du débiteur permettrait donc une simplification de l'action ducréancier qui pourrait s'adresser directement au défendeur, et n'aurait plus besoin de poursuivre également son débiteur déloyal.

D'autre part, cette simplificationpourrait également se répercuter sur la situation du défendeur.

Effectivement, celui-ci, dans le cas de la reconstitution du patrimoine du débiteur, devait restituer lebien, puis, dans le cas où il resterait un reliquat sur la vente aux enchères du bien, intenter une action contre le débiteur afin d'obtenir ce reliquat.

Dans le cas d'unesaisie directe du créancier, le défendeur obtiendrait automatiquement les sommes restantes sans avoir à les réclamer au débiteur puisqu'elles ne seront pas sorties deson patrimoine.

Le tiers débiteur reste par ailleurs titulaire d'un droit de garantie d'éviction qu'il pourra exercer par la suite si la saisie du bien a porté atteinte auxdroits qu'il avait sur ce bien.

De plus, le défendeur reste protégé des risques d'abus du créancier.

En effet, ce dernier demandant directement au tiers défendeur lasomme due, il pourrait être tenté de demander au tiers le remboursement intégral de la dette du débiteur.

Cependant, il est admis que la saisie d'un bien opérée dans lepatrimoine du défendeur ne saurait être supérieure à la somme qu'il a reçue du débiteur.

C'est d'ailleurs ce que confirme la Cour de cassation lorsqu'elle n'ordonne lerecouvrement de la créance entre les mains du fils du débiteur qu'à hauteur de 75, 25% du prix de l'appartement qu'il a acheté, pourcentage correspondant à lasomme dont il n'a pu justifier la provenance.Cependant, la solution peut susciter certaines interrogations quant à ses répercussions sur la situation du créancier demandeur.

La solution manquerait ainsi deprécision quant au droit que confère au créancier la saisie du bien entre les mains de l'ayant cause.

En effet, l'action paulienne a pour but originel de protéger le droitde gage du créancier.

Or, le droit de gage se définit comme la possibilité pour tout créancier de procéder à l'exécution forcée de sa créance par la saisie de biens dansle patrimoine de son débiteur.

Les biens, une fois saisis seront alors vendus aux enchères et le créancier pourra se payer sur le prix retiré de la vente.

S'ensuit que sil'on considère que le créancier peut se servir directement dans le patrimoine de défendeur, on pourrait considérer que l'action paulienne ainsi définie offrirait unvéritable droit réel au créancier et non plus un droit de gage général, simple droit personnel.

Le droit de gage, relation entre un créancier et son débiteur ne trouveraitplus ici à s'appliquer puisque le défendeur à l'action ne serait pas le débiteur du débiteur du créancier, comme dans l'action directe, mais un simple tiers.

Cependant,cette hypothèse reste une simple interrogation, car on ne peut penser que la Cour de cassation ait eu dans l'idée de dénaturer l'action paulienne.Enfin, on peut se demander si la Cour n'a pas voulu dans son arrêt conférer au créancier une possibilité d'option quant au recouvrement de sa créance.

En effet, elledéclare dans son attendu de principe que l'inopposabilité paulienne permet au créancier d'échapper aux effets d'une aliénation frauduleuse « afin d'en faireéventuellement saisir l'objet entre les mains du tiers ».

On peut se demander ce que la Cour a voulu sous-entendre par l'emploi du terme « éventuellement ».

Cedernier pourrait effectivement viser le cas où le créancier serait dans l'impossibilité de récupérer le bien objet de la fraude, du fait de sa disparition ou de la perte de savaleur due au mauvais entretien de l'acquéreur.

Dans cette hypothèse, le créancier pourrait prélever une somme ou un bien équivalent à la valeur du bien.Cependant, même si cet arrêt peut susciter encore certaines interrogations, sa solution reste un revirement important de l'opinion de la Cour de cassation qui nedemande qu'à être affirmée dans les années à venir.. »

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