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Comprendre autrui, comprendre un théorème mathématique ; dans ces deux formules, le terme « comprendre » a-t-il le même sens ?

Publié le 26/03/2004

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, ce que je vois de lui, et ce que j'en devine - sa conduite, ses sentiments - ne m'étonnent pas et me paraissent naturels. J'ai l'impression que cet ensemble est cohérent, le tout s'expliquant par éléments et les éléments subissant l'influence du tout. C. Mais comment est obtenue cette impression ? Comment comprenons-nous autrui ? Voilà la question essentielle de cette partie de notre travail. Dans la compréhension des autres comme dans celle des choses intervient un certain savoir, ce que nous savons sur l'homme. Tout un savoir psychologique est consigné dans le langage à l'élaboration duquel ont contribué les expériences séculaires de nos ascendants ; il s'explicite dans maintes maximes qui font partie de la culture de base d'un pays. A ce savoir reçu du milieu s'ajoute l'acquis de l'expérience personnelle. Enfin, un enseignement de la psychologie peut mettre de l'ordre dans ces connaissances communes à tous et les approfondir.

« II.

— COMPRENDRE UN THÉORÈME A.

Etymologiquement, « théorème », comme « théorie », suggère bien quelque chose d'intuitif : le verbe grec «theaomai », d'où dérive ce mot, signifie « je contemple ».Mais, dans notre langue, « théorème » est propre au vocabulaire mathématique et désigne une proposition pouvantêtre démontrée.

Arrêtons-nous aux deux mots essentiels de cette définition.En cherchant à comprendre autrui, nous avons affaire à un être concret.

Le théorème que l'élève cherche àcomprendre, n'est qu'une proposition qui se réduit en somme à des mots et qui comporte, quant à l'essentiel, sujet,verbe et attribut.

Sans doute, ces mots ont un sens.

Mais s'ils désignent quelque chose, ils ne désignent pas cequ'on entend communément par chose : les lignes, les triangles ou les sphères du géomètre ne sont des objetsqu'au sens des philosophes, des « objets de pensée ».

Aux mots d'ailleurs se mêlent ou se substituent aussitôt quepossible des chiffres et des symboles sur lesquels on raisonne sans songer à rien de concret.

Nous sommes avertisqu'il ne s'agit pas d'une réalité donnée, mais de quelque chose que l'on se donne.

Ce quelque chose, d'autre part,est purement mental; il appartient au domaine de la haute abstraction, et reste si indéterminé qu'on le désigne pardes symboles arbitraires.La proposition dénommée théorème doit être démontrée, au sens précis de ce mot.

Sa vérité n'apparaît pas à lasimple intuition directe, comme les sentiments ou les intentions d'autrui ; elle ne se prouve pas par des processusdiscursifs fondés sur le principe de raison suffisante.

On l'établit en montrant qu'elle découle nécessairement depropositions admises comme vraies ou évidentes : processus discursifs, mais qui se fondent sur le principe d'identité. B.

Ces notions précisées, on voit en quoi consiste comprendre un théorème : c'est comprendre sa démonstration,c'est-à-dire voir comment la proposition qui l'énonce résulte nécessairement d'autres propositions déjà démontréesou admises comme postulats.

« Voir » suggère intuition.

Mais, si démontrer et comprendre un théorème se réduit àune série d'intuitions, la compréhension que l'on en a n'est pas intuitive.On démontre et on comprend un théorème par une série d'intuitions, mais qui sont bien différentes de l'intuitiongrâce à laquelle on comprend autrui.

Autrui, dont j'ai l'intuition, est un être concret, au lieu que le théorème neconsidère que des abstractions.

Sans doute, le géomètre trace des figures sur le tableau noir et ces figures sontbien concrètes ; mais on ne peut pas dire qu'il raisonne sur ces figures ; il raisonne sur des notions ou desconstructions idéales que les figures imparfaites du tableau l'aident à concevoir.

D'ailleurs il est des disciplinesmathématiques dans lesquelles on démontre sans figures : alors la démonstration procède uniquement comme enalgèbre, par substitution de signes qui ne suggèrent rien de concret.Cette série d'intuitions procure une compréhension, non pas intuitive, comme la compréhension d'autrui, maisdiscursive.Prenons un des théorèmes les plus simples de la géométrie plane : celui du carré de l'hypoténuse.

Une fois ladémonstration effectuée grâce à une construction adéquate, je sais bien que le carré de l'hypoténuse estnécessairement égal à la somme des carrés construits sur les deux autres côtés, mais cette égalité, je ne la voispas.

Ce que je vois, intuitivement, c'est que deux triangles de ma figure ont deux angles égaux compris entre deuxcôtés égaux.

C'est grâce à cette constatation que je puis établir des égalités successives qui aboutissent auC.Q.F.D.

habituel.

L'établissement de ces égalités intermédiaires constitue le « détour » qui distingue la penséediscursive et l'oppose à la pensée intuitive qui atteint directement son objet. Conclusion.

— Il s'en faut donc que nous comprenions autrui comme nous comprenons un théorème.

Au lieu que, dans le cas du théorème, la compréhension est discursive, avec autrui elle s'effectue par intuition et par l'intuitiontrès particulière de l'expérience vécue.

La première relève de l'intellectualité pure et se ramène à des processusdont la machine est devenue capable.

La seconde engage l'homme tout entier, intelligence et affectivité, et nesaurait se substituer la machine.

C'est par là que les sciences humaines se distinguent essentiellement des sciencesphysiques et ne pourront jamais se réduire à une suite de théorèmes.. »

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