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Cours de Philosophie du Droit

Publié le 19/05/2013

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COURS DE PHILOSOPHIE DU DROIT L'expérience humaine du droit nous pousse à nous interroger sur l'existence et le sens immédiat des liens juridiques qui nous affectent; mais aussi, nous sommes conduits à nous poser des questions qui portent au-delà des préoccupations immédiates ; nous sommes tentés de nous interroger sur le sens, la signification profonde du droit, et plus particulièrement sur les fondements du droit. Ce sont là questions philosophiques. Nous nous questionnerons d'abord sur les raisons d'être d'une philosophie du droit et les principaux problèmes qu'elle devrait aborder. Ambiguïté de la notion et importance du droit dans nos vies Paul Valéry dans Regards sur le monde actuel, disait: "Nous parlons facilement du droit, de l'Etat, de la race, de la propriété. Mais qu'est-ce que le droit, l'Etat, la race, la propriété? Nous le savons et ne le savons pas." Pourtant, le droit occupe dans le monde occidental une place de premier plan, note A. Tunc: "Il est regardé comme le grand régulateur de la vie sociale." C'est que, de fait, on a l'impression que le droit envahit l'ensemble de nos rapports sociaux. Nous sommes presque toujours dans une situation de droit: par exemple, quand je prends un taxi ou le métro, quand j'achète ou loue quelque chose, il s'agit toujours d'activités qui sont réglées par le droit. Certains vont jusqu'à parler d'une inflation du droit dans nos sociétés occidentales. Plus particulièrement en ce qui concerne notre activité économique et nos rapports fiscaux avec l'Etat. Carbonnier dira même que le droit est plus grand que les sources formelles du droit en ce sens qu'il existe des rapports de droit qui n'accèdent pas à la légalité. Par exemple certaines coutumes, certaines conventions, etc. Paul Valery D'autre part, le droit est plus petit, dit-il que l'ensemble des relations entre les hommes. L'amitié, l'amour, les relations familiales etc. ne sont pas nécessairement des liens juridiques. Même qu'en certains domaines, lorsqu'on en fait une question juridique, cela enlève tout aspect humain aux rapports sociaux: par exemple, quand l'enfant exige devant les tribunaux certains droits de la part de ses parents, ou vice versa. Il n'est peut-être pas souhaitable de tout ramener à une question de droit; mais il est nécessaire de connaître ses droits et leurs fondements pour éviter l'exploitation humaine et la manipulation sociale. Par exemple, a-t-on le droit de manifester pour défendre les acquis de la Révolution Tranquille, ou les aspirations d'une nation à son indépendance politique? Il conviendrait donc d'essayer de préciser la nature des liens juridiques qui sont l'objet du droit. Ce qui nous introduit à une philosophie du droit. Tendance à philosopher et le développement des relations internationales A la même interrogation, Batiffol répond (in Qu'est-ce que la philosophie du droit? APD, 1962): "La raison d'être la plus immédiate d'une philosophie du droit paraît se trouver dans la tendance à philosopher qu'on ne peut récuser selon la formule séculaire qu'en philosophant. L'ironique et superbe dédain pour tout problème excédant l'exposé et la mise en ordre du droit positif qui était assez général dans les facultés de droit il y a encore une trentaine d'années a fait place à plus d'ouverture depuis la seconde guerre à des problèmes d'un autre ordre, conséquences peut-être des bouleversements politiques et économiques qui provoquent les esprits à remettre en cause ce qui paraît acquis. Le développement des relations internationales a pu aussi y aider, montrant que cette discipline était cultivée et enseignée dans beaucoup de pays." Le droit est à la base de tout débat sur l'homme dans nos sociétés contemporaines Brimo, pour sa part, remarque que la philosophie du droit est enseignée dans toutes les grandes facultés de droit du monde et qu'il y a lieu de s'en réjouir car: "Cette diversité est source d'enrichissement et a donné naissance à un grand nombre de systèmes de philosophie du droit. Nous entendons par là tout système de principes que l'on établit ou que l'on suppose établi pour grouper ou expliquer un certain nombre de faits ou d'idées en partant du concept de droit ou de l'existence de systèmes juridiques." (...) on ne peut rien comprendre aux grands systèmes philosophiques si l'on néglige la philosophie du droit, car le droit et les systèmes juridiques sont à la base de tout débat sur les rapports de l'homme et de la société." On peut souligner que tous les grands juristes contemporains (Ripert, Gény, - qui a renouvelé la technique d'interprétation du droit privé en partant de ses réflexions sur le donné et le construit -, etc) ont senti le besoin de compléter leur conception du droit par certaines prises de positions philosophiques. Car les deux sont liées et les changements profonds du droit viennent de la philosophie du droit. En effet, d'après Brimo, la philosophie du droit appartient au domaine du droit : " elle est le droit positif réfléchi par la pensée spéculative...toutes les grandes révolutions dans le domaine de la pensée juridique sont l'oeuvre des philosophes du droit et de l'Etat". Facteur d'universalité et de progrès du droit De plus, selon Brimo, la philosophie du droit, parce qu'elle se situe au niveau le plus élevé, appelle les esprits à la convergence, et à ce titre doit être considérée comme un facteur d'universalité et de progrès du droit. Le droit comparé nous révèle cependant une diversité étonnante des conceptions du droit et de ses rapports avec la politique, la morale et la religion. Dans d'immenses communautés humaines le droit est lié non seulement à une morale, mais à une religion. Dans le monde musulman par exemple, le droit n'est qu'une face de la religion. "Celle-ci comporte d'une part une théologie qui fixe les dogmes et précise ce que le musulman doit croire; elle comporte d'autre part une partie, le shar, qui prescrit aux croyants ce qu'ils doivent faire ou ne pas faire." (R. David, Les grands systèmes de droit contemporain) Dans la conception hindouiste et dans la conception juive, on ne voit pas les choses d'une manière différente. "Dieu est partie aux relations entre les hommes: le devoir à son égard l'emporte sur les droits de ceux-ci", note Tunc. "Si par exemple un débiteur néglige de payer sa dette, il méconnaît son devoir religieux..." Ainsi en est-il du droit africain qui est sacralisé: l'élément juridique et l'élément religieux sont indissociables. D'autre part, pouvons-nous croire que le droit puisse être indépendant de la politique? Après l'Etat gendarme, gardien des libertés de chacun, l'État providence proclame le droit de chacun à la santé, à l'éducation, au travail etc. Le droit n'est-il pas alors toujours l'instrument d'une politique? A ce sujet, Tunc note: "La politique fixe des objectifs, elle gouverne, elle "fait" de la direction. Le droit fait de l'administration quotidienne." Il convient aussi de noter les différentes attitudes des populations à l'égard du droit (cela étant lié à la culture propre à chaque milieu). Par exemple, dans nos pays occidentaux, nous sommes toujours soucieux de faire ce qui est conforme au droit, ce qui est permis. Mais dans le monde oriental, en Chine, au Japon, on a du mépris pour le droit. "Pour des Japonais honnêtes, écrit Y. Noda, le droit apparaît comme une chose indésirable, dont il est souhaitable de s'éloigner autant que possible". C'est que les obligations morales, les règles religieuses sont suffisamment puissantes, sans qu'on ait besoin de recourir aux règles juridiques pour arriver à une entente. L'amitié, l'harmonie n'est pas nécessairement le fruit des procès et des tribunaux. "La conception de ces pays (Chine, Japon,) écrit Tunc, peut paraître angélique. Il est vrai d'ailleurs que les transformations de l'époque contemporaine contraignent ces sociétés à faire une certaine place au droit. Mais si l'on constate à quel point l'idée, issue de la Déclaration de 1789, selon laquelle "tout ce qui n'est pas défendu est permis" a banni des sociétés occidentales toute considération de morale sociale, toute idée de juste prix ou de bénéfice raisonnable, et si l'on pense à toute la réglementation économique et sociale qui pallie mal cette carence, comment ne pas sentir, avec la pensée orientale, qu'une société obligée de se fonder sur le droit est une société barbare?" Par contre, ne doit-on pas admettre que le droit peut concourir à la construction d'une société nouvelle et meilleure et qu'il serait important de bien déterminer le rôle qu'il pourrait jouer pour promouvoir plus de justice dans une société constamment corrompue par l'égoïsme individuel et collectif des hommes. On peut donc se rendre compte de l'importance d'une philosophie du droit. L'importance de l'idée de "la fin" du droit que développe une philosophie du droit Une dernière raison, invoquée celle-là surtout par Villey, réside dans le manque évident d'une idée précise de la fin du droit: i.e. à quoi tend l'art du juriste relativement à la politique, la morale ou l'économie? A quoi sert le droit? Il y a tellement de spécialités en ce domaine qu'on se demande parfois ce qu'il y a de fondamental: il est alors difficile de se faire une idée spécifique du droit. On disait que l'erreur sur la fin est la pire. Le sens des mots les plus utilisés en droit (obligation, contrat, possession, propriété, droit naturel, positif, positivisme etc.) est vague, difficile à définir et des plus divers. Le sens diverge d'un pays à l'autre, et même à l'intérieur d'un même pays d'une école de pensée à l'autre. Or, cette confusion ne peut disparaître selon Villey qu'une fois connue la fin du droit. Nécessité de justifier la méthode Enfin, on peut ajouter que l'on omet toujours de justifier sa propre méthode de travail (souveraineté de la loi, jurisprudence etc.) La philosophie nous aide à le faire. Les questions philosophiques concernant le droit n'ont de véritable sens que dans la mesure où nous avons des idées précises sur la science juridique, ses principales notions et ses principes fondamentaux. C'est pourquoi, avant d'aborder l'aspect proprement philosophique du droit, nous essaierons d'esquisser un portrait d'ensemble de cette institution, de ses structures, de ses divisions et de ses principes. Ensuite nous envisagerons les principaux problèmes soulevés dans et par une réflexion philosophique sur les données les plus importantes de la science juridique. Donc, nous aborderons la question de la définition formelle du droit et de la règle de droit; ses caractères distinctifs; les grandes divisions du droit; les sources formelles du droit. Mais tout cela ne se fera qu'à la suite d'expériences juridiques qui constitueront notre point de départ pour la réflexion philosophique. Il serait intéressant d'identifier les différentes situations de droit que nous vivons; cela nous permettrait de voir plus clair dans les véritables enjeux de la philosophie du droit, i.e. la nécessité d'en rechercher la nature, les fondements réels, l'origine et le rôle. Ces quelques notes ne sont qu'un instrument d'initiation aux données fondamentales du droit et en même temps à la philosophie du droit. Dans la dernière partie de la région du site consacrée au droit, nous présentons quelques grands courants de philosophie du droit. Nous ajoutons en annexe certains textes qui nous semblent importants. Nous avons donc conçu ces réflexions sur le droit comme un modeste instrument de travail. Nous croyons que le droit n'est pas le domaine du noir et du blanc: c'est le lieu du gris, du compromis, de l'équilibre. Cela n'est-il pas encore plus vrai quand il s'agit de philosophie du droit? Sources BATIFFOL, Henri, La philosophie du droit, PUF, 1979. BRIMO, Albert, Les grands courants de la philosophie du droit et de l'État, 3è éd. A. Pedone, Paris, 1978 TUNC, A., in Encyclopaedia Universalis. VILLEY, Michel, Philosophie du droit, Dalloz, Paris, 1979. DEFINIR LE DROIT Comment définir le droit? Pour répondre à cette question, il faut envisager le droit sous deux aspects: En tant que phénomène juridique; c'est le point de vue du juriste. On se demande qu'est-ce que la règle de droit? Quelles sont ses caractéristiques? En tant que phénomène humain social; c'est le point de vue du philosophe. On se demande quel est son rapport avec la justice, la politique, l'économique et comment se distingue-t-il de ces phénomènes ? Enfin, dans une 3è partie nous abordons la question philosophique des fondements du caractère coercitif du droit. Sources: Aubert, J.L., Introduction au droit, Que sais-je?, PUF, Paris 1981. MURE, Georges, Le droit phénomène social, (1979) R.D.U.S. DABIN, J., Encyclopaedia Universalis, vol.5 VILLEY, Michel, Philosophie du droit, Dalloz, Paris 1978                    Kant dans ses "Principes métaphysiques de la doctrine du droit", établit une distinction que suivra plus tard Hegel                  On peut se poser deux sortes de questions au sujet du droit: quid juris? i.e. quelle est dans tel ou tel procès la solution de droit? quelle règle, quelle loi s'applique dans ce cas précis? Qu'est-ce qui est de droit? quid jus? i.e. qu'est-ce que le droit? Selon Kant, c'est la science juridique qui permet de répondre à la première question. On se demande quelle loi s'applique. La seconde relève de la philosophie. Que signifie le terme droit, comment le définir, qu'est la justice, l'idée de droit, etc. Cette distinction est d'autant plus utile que le terme droit est employé dans plusieurs acceptions dont voici les principales: a.avoir un droit: ce qui est exigible; je travaille j'ai droit à un salaire; b.avoir le droit de: la permission de faire ou de ne pas faire; avoir eu droit à: avoir subi: v.g. j'ai eu droit à un mauvais traitement, ou à un traitement de faveur; de quel droit? : en vertu de quelle autorité? payer des droits: des redevances, sommes perçues; à bon droit: de façon juste et légitime; droits acquis: l'état de fait (convention coll). On peut aussi prendre le mot droit dans un sens subjectif: il signifie alors les prérogatives personnelles conférées aux citoyens qui peuvent en vertu de cela faire quelque chose ou exiger des autres...v.g. qu'on respecte ma dignité, mon honneur, ma renommée... Dans un sens objectif il est l'ensemble des règles qui permettent le fonctionnement normal correct de l'état social. Dans ce sens, il existe deux positions relevant de l'étymologie du terme droit: les uns (penseurs, philosophes) font dériver la racine latine "jus" de justitia; ils ont tendance à rapprocher le droit de la morale et à parler de droit naturel. D'autres prennent comme racine de droit "directum", dérivé de dirigere (diriger) et "jus" dérivé de "jussus", "jubere", ordonner. On met ici l'accent sur l'autorité et l'aspect social du droit. "Entre ces acceptions diverses, écrit Dabin, existent évidemment des liens, ce qui explique les chevauchements de terminologie. C'est ainsi que le droit subjectif, en tant que dérivé du droit objectif, se situe logiquement dans le prolongement de celui-ci; que le droit positif ne peut être envisagé en dehors de toute référence à la justice; que le juriste doit prendre attitude devant le problème du droit naturel... Il n'en est pas moins vrai que le domaine de la "juridicité", et, par conséquent le champ d'investigation propre au juriste, est le droit positif (existant ou considéré dans son essence) et que, pour la science juridique, le droit, sans autre qualificatif, est d'abord le droit positif." A- Première partie: Le droit selon les juristes Les juristes, de façon générale, définissent le droit en définissant la règle de droit: La règle de droit est une règle sociale, établie par l'autorité publique, permanente et générale dans son application, et dont l'observation est sanctionnée par la force. Caractère social Le droit vise l'organisation correcte de la société. Ne pas confondre le droit avec d'autres règles sociales relevant par exemple de l'usage (qui n'est pas imposé mais spontané), de la morale ou de l'éthique. Le droit ne vise pas le perfectionnement de la personne, de l'individu. C'est un lien qui vient du fait qu'on est "sociétaire", membre de la société. La règle de droit cherche des solutions justes dans l'organisation de la société. Elle cherche des solutions pratiques. Donc fait des compromis. (Summa justitia pessima injustitia, la plus grande justice est la pire injustice). On peut suivre une règle de droit sans suivre la morale. On peut arriver à du droit injuste. (C'était légal mais illégitime) v.g. le rapatriement de la Constitution Canadienne en 1982 était légal (parce que non prévu par la loi, donc permis) mais non légitime. v.g. une opinion juridique... genre: "t'as le droit mais..." Caractère obligatoire Les citoyens reconnaissent à la règle de droit un caractère obligatoire, comme nécessaire au maintien de la vie sociétaire. En fait, l'impératif du droit est catégorique comme la morale. Il n'est pas conditionnel, même s'il dépend des conditions reconnues et déterminées par la loi. Une fois ces conditions posées, il est obligatoire. v.g. Si le contrat existe, il doit être respecté. Il indique aux membres du groupe (gouvernés et gouvernants) ce qui est à faire ou à ne pas faire, ce qui est permis ou licite, ce qui est attribué comme pouvoir aux uns et aux autres. Cet impératif qui lie au for externe (devant l'Etat et ses tribunaux) lie-t-il aussi au for interne? (devant la conscience) Il est clair qu'il faut répondre affirmativement si la loi coïncide avec la loi morale. Sinon ? "Mais il faut aller plus loin et admettre, en principe, écrit Dabin, l'obligation de conscience même vis-à-vis de règles portées par la seule loi civile, en vertu de cette considération qu'il est dans la nature de l'homme de faire partie de la société politique et, par conséquent, d'observer les règles édictées par elle en accomplissement de sa fin humaine de bien public." Caractère étatique La règle doit être formulée par l'organe étatique compétent. L'organisme qui en a le pouvoir à l'intérieur de la dite société (profane, religieuse, etc.). Caractère permanent Elle demeure jusqu'à son abrogation ou son remplacement. Caractère général Cela ne signifie pas un droit en tous points uniforme, ce qui serai absurde. La règle s'applique à une catégorie ouverte de personnes; non à un individu ou des individus déterminés in concreto. (L'exception serait l'adoption d'un bill privé). La règle de droit lie tout le monde. Caractère sanctionnable Son observation est sanctionnée par la force (on ne peut en dire autant de la politesse ou de la morale) Ce caractère fait partie de l'essence du droit. La force, mise au service du droit, c'est la force publique (c'est la police, le huissier): nul ne peut se faire justice soi-même eut-il pour lui le bon droit. (Par contre le policier ne peut battre, corriger, venger etc) D'autre part, si l'obéissance à la loi dépendait du bon vouloir des citoyens, l'ordre sociétaire serait mis en péril. Donc, le droit est un ordre de contrainte; mais ce n'est pas la force qui fait le droit: "De ce point de vue, écrit Dabin, ce qui fait le droit, c'est l'ordre du souverain, auquel la force prête seulement son appui." La contrainte publique revêt un caractère matériel frappant le récalcitrant dans sa personne ou ses biens. Ceci ne doit pas être laissé à l'opinion publique, car alors la règle serait désarmée et sans aucune force. Au-delà de ces caractéristiques du droit que reconnaissent aisément les juristes, il faudrait ajouter qu'un esprit anime l'ensemble de ces règles (les règles sont systématiques): c'est encore Dabin qui écrit: "(...) Or, ces problèmes donnent naissance à un ensemble de dispositions agencées suivant un "esprit" qui est le principe animateur et fédérateur de l'institution envisagée. Par exemple les règles du mariage sont déduites de la conception philosophico-juridique que le législateur se fait du mariage au regard des époux, des enfants à naître et de la société tout entière. Entre les règles ainsi articulées existe une gradation dont la clé est fournie par la finalité de l'institution...etc." B- Seconde partie Droit-morale-justice Comparaison entre le droit, la morale et les moeurs Dabin indique une série de traits qui distinguent le droit de la morale: La morale dépasse le cadre sociétaire. L'homme a des devoirs à l'égard de Dieu, à l'égard de sa propre personne et à l'égard des autres hommes pris individuellement auxquels il doit la justice et l'entraide. Or, le droit n'a pas la charge de ces devoirs à moins qu'ils aient une incidence défavorable pour la société. (v.g. certaines obligations naturelles) La morale gouverne aussi les intentions et les vouloirs: ce que le droit ne peut connaître à moins qu'ils ne soient extériorisés dans des actes ou des omissions observables. Le domaine du droit est donc beaucoup moins étendu que celui de la morale. D'autre part, contrairement à la morale, sont assujettis à la règle de droit les groupements, personnes morales. Le principe inspirateur de la morale se trouve dans la conscience humaine guidée par la vertu morale de prudence. Au contraire le droit est du dehors, imposé par l'autorité compétente. Si la morale a ses sanctions, elle n'a pas de moyens de contrainte. L'exécution forcée d'un précepte moral lui enlèverait toute valeur. D'autre part, les m?urs considérées comme des convenances en usage dans une société donnée, sont différentes car elles n'entraînent pas d'obligation à moins que la loi ou la jurisprudence ne le spécifie: il ne s'agit plus alors de simple convenance, mais de droit. La règle de droit et la justice Le point de vue d'Aristote à ce sujet (nous y reviendrons plus loin) est fort intéressant et probablement juste. La justice particulière ( non pas générale qui, elle, est synonyme de sainteté, de perfection) est la fin de la règle de droit. L'égalité recherchée par la justice est géométrique en matière de distribution, et arithmétique en matière d'échanges de biens. Elle est en plus complétée par l'équité. Au fond le rôle du droit c'est de réaliser la justice particulière: rendre à chacun selon son dû (suum cuique tribuere) tel est l'idéal de justice que tend à réaliser le droit même dans ses compromis. Tout autre est le point de vue exprimé par G. Mure qui rappelle le caractère relatif de la justice. "Presque toutes les révolutions qui ont changé la face des peuples ont été faites pour consacrer ou établir l'égalité" écrivait Tocqueville et Charles O'Connor, candidat à la présidence des E.U. en 1859, proclamait très sérieusement: "L'institution de l'esclavage est juste, bienveillante, licite et convenable". Tout dernièrement en Chine on a tiré sur la jeunesse désarmée. Ce qui signifie que la réalité sociale est interprétée différemment selon les lieux, les époques et les idéologies. La justice des uns, note Mure, est l'injustice des autres. Mais même le droit injuste est du droit et doit être étudié et compris dans son espèce logique, écrit Delvecchio cité par Mure. On comprend mieux ainsi que le droit peut varier selon les systèmes nationaux. C- Troisième partie: Les fondements du caractère coercitif du droit. L'un des problèmes fondamentaux de la philosophie du droit consiste à se demander d'où procède le caractère contraignant de la règle de droit. Certains proposent la loi naturelle et d'autre croient que cela s'explique par son aspect social. Les théories du droit naturel On définit le droit naturel comme "un corps supérieur de règles idéales qui s'imposent à l'autorité publique lorsqu'elle fixe le contenu du droit positif, i.e. les règles applicables à une société et à un moment donné". On considère que l'autorité de la règle de droit vient de cette autorité supérieure du droit naturel. Ainsi, le sujet de droit pourrait résister à la loi injuste (contraire au droit naturel) parce qu'une telle loi manquerait de fondement. C'est ce qu'exprimait Antigone de Sophocle: "...je ne croyais pas les édits, qui ne viennent que d'un mortel, assez forts pour enfreindre les lois suprêmes, les lois non écrites des dieux: ce n'est pas d'aujourd'hui ni d'hier, mais toujours qu'elles vivent et nul n'en connaît l'origine". Cette conception est celle du thomisme et du néothomisme. Pour Thomas d'Aquin(1225-1274) le droit naturel est distinct du droit divin sans lui être étranger. Il peut être découvert par la raison car il découle de la considération de la nature de l'homme et la nature des choses. D'où à la fois stabilité et souplesse. Certains accordent même un certain caractère d'universalisme et d'immutabilité au droit naturel. (École du doit naturel du XVIIe s.). Des juristes comme Gény tenant du droit naturel immuable le réduit à quelques principes sommaires; d'autres comme Stammler, admettent un droit naturel à contenu variable, une espèce d'idéal commun des peuples. Le droit et le fait social Au fond les théories suivantes récusent la théorie du droit naturel: le positivisme juridique qui présente plusieurs variantes. L'idée principale est que la règle de droit est un donné qui s'impose en tant que tel: la règle s'impose parce qu'elle est la règle. Pour les uns le droit n'est pas une idée logique, mais une idée de force. "Tout droit dans le monde a dû être acquis par le combat" (Ihéring, Le combat pour le droit) ce qui justifie que la règle de droit s'impose à tous. Selon Kelsen: la valeur du droit positif est indépendante de toute norme de justice; chaque règle doit être conforme à la règle supérieure: l'arrêté au décret, le décret à la loi et la loi à la Constitution dont l'autorité est admise par hypothèse. "C'est aussi, écrit Aubert l'État qui se trouve érigé en source première de la règle de droit: c'est l'État qui fonde son caractère contraignant." Ce qui signifie que la règle vaut par elle-même excluant tout autre valeur. Système fermé, fait social autonome. Ce positivisme juridique se distingue du positivisme sociologique (, Duguit) qui voit dans le droit un produit de la société: "Toute règle de droit -- comme toute institu...

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« conséquences peut-être des bouleversements politiques et économiques qui provoquent les esprits à remettre en cause ce qui paraît acquis.

Le développement des relations internationales a pu aussi y aider, montrant que cette discipline était cultivée et enseignée dans beaucoup de pays." Le droit est à la base de tout débat sur l'homme dans nos sociétés contemporaines Brimo , pour sa part, remarque que la philosophie du droit est enseignée dans toutes les grandes facultés de droit du monde et qu'il y a lieu de s'en réjouir car: "Cette diversité est source d'enrichissement et a donné naissance à un grand nombre de systèmes de philosophie du droit.

Nous entendons par là tout système de principes que l'on établit ou que l'on suppose établi pour grouper ou expliquer un certain nombre de faits ou d'idées en partant du concept de droit ou de l'existence de systèmes juridiques." (...) on ne peut rien comprendre aux grands systèmes philosophiques si l'on néglige la philosophie du droit, car le droit et les systèmes juridiques sont à la base de tout débat sur les rapports de l'homme et de la société.

" On peut souligner que tous les grands juristes contemporains ( Ripert , Gény , - qui a renouvelé la technique d'interprétation du droit privé en partant de ses réflexions sur le donné et le construit -, etc) ont senti le besoin de compléter leur conception du droit par certaines prises de positions philosophiques.

Car les deux sont liées et les changements profonds du droit viennent de la philosophie du droit.

En effet, d'après Brimo, la philosophie du droit appartient au domaine du droit : " elle est le droit positif réfléchi par la pensée spéculative...toutes les grandes révolutions dans le domaine de la pensée juridique sont l'oeuvre des philosophes du droit et de l'Etat".

Facteur d'universalité et de progrès du droit De plus, selon Brimo, la philosophie du droit, parce qu'elle se situe au niveau le plus élevé, appelle les esprits à la convergence, et à ce titre doit être considérée comme un facteur d'universalité et de progrès du droit.

Le droit comparé nous révèle cependant une diversité étonnante des conceptions du droit et de ses rapports avec la politique, la morale et la religion.

Dans d'immenses communautés humaines le droit est lié non seulement à une morale, mais à une religion.

Dans le monde musulman par exemple, le droit n'est qu'une face de la religion.

"Celle-ci comporte d'une part une théologie qui fixe les dogmes et précise ce que le musulman doit croire; elle comporte d'autre part une partie, le shar, qui prescrit aux croyants ce qu'ils doivent faire ou ne pas faire." ( R.

David , Les grands systèmes de droit contemporain ) Dans la conception hindouiste et dans la conception juive, on ne voit pas les choses d'une manière différente.

"Dieu est partie aux relations entre les hommes: le devoir à son égard l'emporte sur les droits de ceux-ci", note Tunc.

"Si par exemple un débiteur néglige de payer sa dette, il méconnaît son devoir religieux..." Ainsi en est-il du droit africain qui est sacralisé: l'élément juridique et l'élément religieux sont indissociables.

D'autre part, pouvons-nous croire que le droit puisse être indépendant de la politique? Après l'Etat gendarme, gardien des libertés de chacun, l'État providence proclame le droit de chacun à la santé, à l'éducation, au travail etc.

Le droit n'est-il pas alors toujours l'instrument d'une politique? A ce sujet, Tunc note: "La politique fixe des objectifs, elle gouverne, elle "fait" de la direction.

Le droit fait de l'administration quotidienne." Il convient aussi de noter les différentes attitudes des populations à l'égard du droit (cela étant lié à la culture propre à chaque milieu).

Par exemple, dans nos pays occidentaux, nous sommes toujours soucieux de faire ce qui est conforme au droit, ce qui est permis.

Mais dans le monde oriental, en Chine, au Japon, on a du mépris pour le droit.

"Pour des Japonais honnêtes, écrit Y.

Noda , le droit apparaît comme une chose indésirable, dont il est souhaitable de s'éloigner autant que possible".

C'est que les obligations morales, les règles religieuses sont suffisamment puissantes, sans qu'on ait besoin de recourir aux règles juridiques pour arriver à une entente.

L'amitié, l'harmonie n'est pas nécessairement le fruit des procès et des tribunaux.. »

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