De l'origine de la société; par quels arguments peut-on démontrer que l'origine de la société est un fait naturel et nécessaire, non un fait arbitraire et accidentel, comme on l'a quelquefois prétendu ?

Exorde. — On ne trouve, pas d'homme vivant à l'état sauvage, c'est-à-dire seul et séparé de ses semblables; les hommes que l'on appelle les sauvages ne vivent pas isolés, mais réunis en tribus. Cela seul suffirait à prouver que la société n'est pas un fait arbitraire et accidentel, mais bien un fait naturel et nécessaire; cela prouverait qu'Aristote a eu raison de dire : « Tout homme est ami de l'homme. « Cependant deux écrivains célèbres, Rousseau et Hobbes, ont prétendu le contraire. L'un, entraîné par une imagination ardente et par un esprit paradoxal, trouvait un plaisir singulier à rompre ainsi en visière à une société qui n'aimait que la' vie de salon et dont les abus avaient infligé à son amour-propre de cruelles souffrances; il trouvait que la société était une invention malheureuse des législateurs, que l'homme, né bon, avait été corrompu par elle; en un mot, pour lui, « l'homme est un animal sauvage dépravé par la société. «