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Démonstration de la Liberté

Publié le 16/06/2011

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1. Le mot de liberté n'est pas employé constamment clans le même sens. Par liberté nous avons entendu l'affranchissement de la volonté; mais on lui fait souvent signifier la volonté elle-même , le pouvoir de vouloir, ou plus généralement encore le pouvoir d'être cause instinctivement, ce que nous avons appelé activité. Enfin, il y a encore un sens plus vulgaire, celui que nous avons attaché au mot puissance ou le pouvoir d'exécuter. Pouvoir d'être cause. Pouvoir d'être cause volontaire ou de se résoudre. Indépendance de ce pouvoir. Pouvoir d'exécuter. Voilà les quatre sens du mot liberté, sans parler (le la liberté civile et de la liberté politique qui ne sont pas de notre sujet. 2. Il est facile de faire voir qu'en prenant le mot liberté dans le sens de pouvoir d'exécuter, la liberté ainsi entendue est extrêmement limitée, et que de plus elle dépend (le certaines lois et de certaines causes extérieures. Si donc, en se renfermant dans cette acception, on demande : La liberté de l'homme dépend-elle de sa volonté ? L'homme est-il maître de sa liberté ? Évidemment il faudra répondre non. C'est ainsi que plusieurs philosophes, Hobbes entre autres, ont résolu la question. Mais le tort de ces philosophes est d'avoir ensuite appliqué cette solution à tous les sens du mot liberté, et d'avoir dit d'une manière générale que l'homme n'est- pas libre, dans quelque sens d'ailleurs qu'on prît ce mot.

« qu'étant l'origine et la force productrice des mouvements du cheval, est cependant constamment déterminée soitpar les circonstances intérieures qui résultent de la constitution du cheval, soit par les stimulants extérieurs, soitpar la combinaison des deux.

L'art de l'écuyer consiste à connaître exactement ces circonstances déterminantes,sûr que leur emploi bien ménagé aura toujours son résultat efficace et inévitable.

Et de même l'activité humaine,plus noble dans ses buts, et d'ailleurs accompagnée de l'intelligence, n'en est pas moins déterminée d'une manièrenécessaire par les motifs qui agissent sur elle, qui se combinent avec beaucoup de variété et produisent une sortede résultante unique, suivant laquelle l'action est produite.12.

Le système des déterministes ou le déterminisme peut se réduire aux propositions suivantes : 1° l'âme ne sedétermine jamais sans motif; 2° si un seul motif agit sur l'âme, elle se détermine dans le sens de ce motif ; 3° siplusieurs motifs agissent à la fois, elle se détermine dans le sens du motif le plus fort.

La conclusion générale estque l'âme est bien une force productive, mais que cette force est constamment mise en action par des forcesétrangères.13.

Avant d'examiner les trois propositions ci-dessus, il est bon de remarquer qu'au fond nier que l'âme soit unecause volontaire ou qui se détermine elle-même, c'est réellement nier que le principe de ses actes soit en elle, c'estnier qu'elle soit une véritable cause.

Ainsi la différence entre les déterministes et les fatalistes est seulementapparente.44.

On répond à la première des trois propositions, l'âme ne se détermine jamais sans motif, I.

qu'il est de la natured'une force ou d'une cause d'agir par là même qu'elle existe, sans attendre aucun motif; attendre le motif, ce seraitd'ailleurs agir d'une autre manière, ce serait retenir son action; 2° qu'en fait nous agissons souvent sans motif, etpar la seule force de détermination qui est en nous; témoin celui qui, se mettant à marcher, avance le pied, droitavant le pied gauche sans qu'il y ait aucun motif à cette préférence; témoin les capricieux à qui l'on reprocheprécisément d'agir sans motifs, etc.

; 3° enfin que même en accordant cette proposition, il ne s'ensuivrait nullementce qu'on veut établir, et qui repose sur une assimilation erronée des motifs qui agissent sur notre intelligence et desforces qui agissent sur les corps organisés ou inorganisés; car, en interrogeant la conscience humaine, on s'assureque nous concevons l'influence d'un motif comme différant absolument de l'action d'une force, par exemple, d'unebille sur une bille, ou d'un coup de fouet sur un être doué de vie.15.

La seconde proposition étant la conséquence immédiate de la première, les trois réponses déjà faites à lapremière sont faites par la même à la seconde.

Il s'ensuit 1° que si un motif seul agit sur l'âme, elle peut retenir sonaction et résister à ce motif unique en vertu de la seule force qui est en elle et sans lui opposer d'autres motifs; 2°que, lors même qu'elle se détermine dans le sens de ce motif unique , le principe de son action est en elle et nondans ce motif.16.

Enfin, cette troisième proposition, entre plusieurs motifs le plus fort remporte, est dépourvue de sens si onentend par le motif le plus fort précisément celui qui l'emporte.

Si ce n'est pas là ce qu'on entend, cette propositionsuppose qu'on a quelque moyen de mesurer et de comparer les motifs entre eux.17.

Or, en examinant attentivement les divers motifs de nos actions , on voit qu'ils forment deux classes biendistinctes : 1° les motifs instinctifs plus ou moins nobles, tels que la faim, le désir de la connaissance, etc.; 2° lesmotifs rationnels, tels que la vue d'un plus grand bien futur, la conception du devoir, etc.18.

or il est possible de concevoir une commune mesure entre les motifs instinctifs dont le propre est d'agir sur nouspar une sorte d'impulsion plus ou moins vive; on en peut concevoir aussi une entre les motifs rationnels dont lepropre est (le présenter à notre intelligence un bien plus ou moins grand; encore tout cela n'est-il pas sans degrandes difficultés; mais ce qui est impossible, c'est de trouver une commune mesure, c'est d'établir aucunecomparaison entre les motifs qui agissent par impulsion aveugle et ceux qui consistent dans les idées del'intelligence.19.

Cette distinction entre les deux espèces de motifs, distinction sur laquelle nous reviendrons plus amplement enmorale , donne lieu de reconnaître quels sont ceux de ces motifs dont l'influence est contraire ou favorable à laliberté, entendue comme affranchissement de la volonté.

Il est clair, en effet , que les motifs instinctifs nousapparaissent avec le caractère d'action aveugle et d'impulsion contre laquelle nous avons néanmoins le pouvoird'une résistance indéfinie; que nous concevons les seconds au contraire comme de simples actes intellectuels quinous découvrent l'utilité ou la bonté des actions, mais sans solliciter notre activité; et que par conséquent celui quiagit sous l'influence des premiers, se dépouille de la liberté, quoiqu'il ne cesse point d'être cause de ses actes;tandis que celui qui leur résiste et qui agit sous l'influence des seconds, conserve et développe toute sa liberté :ainsi, causes volontaires dans les deux cas, nous ne sommes libres, dans le sens où nous avons pris ce mot, quedans le second; ainsi , l'indépendance de la volonté, la liberté morale est en proportion de l'influence que la raison asur nos déterminations et du peu d'influence que les purs instincts exercent sur ces mêmes déterminations.. »

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