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DESCARTES: Ignorance et Enfance

Publié le 17/04/2005

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descartes
Il y a déjà quelque temps que je me suis aperçu, que dès mes premières années j'avais reçu quantité de fausses opinions pour véritables, et que ce que j'ai depuis fondé sur des principes si mal assurés, ne pouvait être que fort douteux et incertain ; de façon qu'il me fallait entreprendre sérieusement une fois en ma vie, de me défaire de toutes les opinions que j'avais reçues jusques alors en ma créance, et commencer tout de nouveau dès les fondements, si je voulais établir quelque chose de ferme, et de constant dans les sciences. Mais cette entreprise me semblant être fort grande, j'ai attendu que j'eusse atteint un âge qui fût si mûr, que je n'en pusse espérer d'autre après lui auquel je fusse plus propre à l'exécuter : ce qui m'a fait différer si longtemps, que désormais je croirais commettre une faute, si j'employais encore à délibérer le temps qui me reste pour agir. Maintenant donc que mon esprit est libre de tous soins, et que je me suis procuré un repos assuré dans une paisible solitude, je m'appliquerai sérieusement et avec liberté à détruire généralement toutes mes anciennes opinions. Or il ne sera pas nécessaire pour arriver à ce dessein de prouver qu'elles sont toutes fausses, de quoi peut-être je ne viendrais jamais à bout... Mais parce que la ruine des fondements entraîne nécessairement avec soi tout le reste de l'édifice, je m'attaquerai d'abord aux principes sur lesquels toutes mes anciennes opinions étaient appuyées. DESCARTES

• Quelle est l'idée générale de ce texte, qui se trouve tout au début de la Première Méditation ? Le doute est nécessaire pour se défaire des anciennes opinions fausses reçues durant l'enfance et acquérir ainsi une connaissance solide et vraie. Le doute  portera essentiellement sur les fondements et les principes de la connaissance.  • Le problème posé par le texte est celui de la méthode, de la voie à suivre pour établir la vérité. Le doute est-il réellement constitutif de la méthode, de l'ensemble des procédés rationnels mis en oeuvre en vue de la constitution de la vérité ?  • Le texte se divise en deux grandes parties correspondant respectivement aux deux paragraphes.

descartes

« fermes.

La méthode est définie : il faut tout reconstruire en mettant systématiquement en doute et mêmeen ruinant («me défaire») toutes lés opinions.

Le but est posé : une connaissance solide. b.

Seconde sous-partie : «Mais...

pour agir.»La seconde sous-partie marque l'urgence de la tâche.

La méthode et le but étant maintenant délimités, ilfaut, dès lors, rapidement agir.En effet, la mise à exécution du dessein ayant été jugée considérable (ce qui montre bien, dès l'abord, queréaliser le doute total est d'une immense difficulté), Descartes a, pendant longtemps, retardé ce projet.

Il aatteint la période précise où il ne saurait plus se donner aucun délai supplémentaire : Descartes est saisi parl'urgence, car le temps est maintenant compté.Dans tout ce passage, Descartes nous apparaît ici en tant qu'homme d'action, comme ce «cavalier qui partitd'un si bon pas» (Péguy).

L'urgence, d'ailleurs, est telle que tout retard serait maintenant une faute, c'est-à-dire le fait de manquer à ce qu'on doit.

Il ne s'agit plus de délibérer, de soupeser les motifs pour savoir s'ilfaut ou non mettre en oeuvre le doute, mais d'exécuter le projet, d'entrer dans le doute lui-même : le doutese donne comme travail immédiat et comme tâche actuelle. B.

Seconde grande partie : «Maintenant...

appuyées.»Dans cette seconde grande partie, Descartes explicite la manière dont il va réaliser son projet.

La premièresous-partie («Maintenant...

opinions») souligne la purification et la délivrance opérée pour ce faire.

Laseconde sous-partie («Or...

bout») nous indique que la destruction de chaque opinion est irréalisable.

Latroisième sous-partie («Mais...

appuyées»)signale, enfin, l'essence du doute radical : il s'agit de s'attaqueraux principes, de détruire bases et assises, pour bien répartir.

Examinons ces trois sous-parties. a.

Première sous-partie : «Maintenant...

opinions.»Agissons donc, au lieu de délibérer.

C'est «maintenant» qu'il nous faut entrer dans le doute.

Descartes,après avoir indiqué le but de sa tâche (une science certaine), sa difficulté et son importance (il s'agit detout révoquer en doute), mais aussi l'urgence de cette entreprise, va nous décrire toute la «purification»menée à bien pour que le succès soit possible : il a délivré son esprit de toutes sortes de préoccupations(«soins»).

Seul en Hollande («dans une paisible solitude»), Descartes s'est ainsi prémuni contre touteagitation.

On notera le soin extrême que Descartes prend à s'isoler, soin qui souligne la difficulté de la tâche.Dès lors, son âme n'est plus troublée par des mouvements divers et, en cet état de quiétude, de stabilité,de repos affectif et intellectuel («un repos assuré»), l'entreprise va pouvoir être menée à bien.

Je porterai,dit Descartes, une attention soutenue («je m'appliquerai») à ce projet, avec réflexion et selon un choixdélibéré et réfléchi, sans nulles contraintes («avec liberté»).

Ce sérieux, cette attention et cette applicationauront pour but de se défaire entièrement (de «détruire») de toutes les anciennes opinions, à savoir cesjugements incertains acquis durant l'enfance, lieu d'engendrement de l'erreur.Durant tout ce cheminement, Descartes souligne donc la maîtrise totale qu'il a acquise de la situation.

Ilpeut, maintenant.

en toute sécurité et liberté, douter de tout ce qui pourrait paralyser sa liberté dejugement et sa quête de la vérité.

On notera le ton très assuré de Descartes, sa certitude d'avoir mistoutes les chances de son côté pour parvenir au vrai et sortir des chemins fangeux du faux et du douteux. b.

Seconde sous-partie : «Or...

bout.»Comment, maintenant, réaliser cette immense tâche, cet héroïque projet ? L'esprit de Descartes est libre,tranquille, délivré des passions qui l'agitaient.

Que va-t-il, dès lors, faire, puisque le projet doit être,aujourd'hui même, mené jusqu'à son terme ? La première solution consisterait, puisqu'il s'agit de mettre en doute toutes les anciennes opinions, às'attacher à chacune d'entre elles et à montrer qu'elles sont toutes fausses.

Il est, en effet, a priori possiblede prendre, un à un, les jugements douteux ou incertains, une à une, les opinions qui ne sont pas certainesd'une certitude absolue, et de les traiter, les uns et les autres, comme trompeurs, d'en montrer la fausseté,le caractère non conforme à la vérité et à l'évidence.

Mais nous savons, d'emblée, que Descartes ne va pasretenir ce procédé ; depuis le début de cette Méditation première, il nous parle des principes ou desfondements de la connaissance.

Sa mise en doute, effectivement, ne portera pas sur chaque opinion et ilnous dit maintenant pourquoi.Et, en effet, prendre chaque opinion l'une après l'autre représente un projet irréalisable : Descartes notel'aspect absurde de ce dessein.

D'autre part, le doute de Descartes constitue une entreprise spirituelletotale, qui doit unifier l'existence.

Dès lors, mener le doute à bien consiste à déblayer le terrain de façonunitaire.

La destruction de chaque opinion est irréalisable, utopique et ne s'intègre pas dans un projetspirituel global.

La voie est donc de plus en plus claire. c.

Troisième sous-partie : «Mais...

appuyées.»Dans cette troisième sous-partie, Descartes nous indique de quelle manière il va rejeter toutes sesanciennes opinions : en anéantissant et en détruisant les bases et assises, c'est-à-dire les points de départd'où l'on déduit le reste, on entraîne ce qui subsiste de la.

construction ; aussi faut-il manifestement mettreà mal les propositions de base sur lesquelles reposent les connaissances non justifiées ni fondées en raison,les types de connaissance douteux ou manifestement faux, issus de l'enfance, de notre crédulité et de lasujétion à nos maîtres.Ainsi Descartes a-t-il déterminé son but — une connaissance solide — et une méthode — le doute —destinée à construire une véritable science sur des fondements incontestables, et non plus incertains ou. »

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