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Désir et raison pratique de E. KANT

Publié le 05/01/2020

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Kant oppose le déterminisme des plaisirs, représenté ici par Epicure, et la morale de la raison qu'il veut faire prévaloir. Le désir n'est pas immoral, mais aucun mobile sensible ne saurait entrer dans le principe de l'action morale. Celle-ci se fonde sur le seul motif rationnel, sans aucune considération de l'agréable ou du désagréable qui pourrait se présenter à la faculté de désirer. En termes kantiens, il faut donc enlever toute « matière » (tout contenu) à la faculté de désirer pour ne s'attacher qu'à la forme » de l'action (sa conformité à la loi).

Si, avec Épicure, nous ne retenons dans la vertu, comme détermination de la volonté, que le simple plaisir qu’elle promet, nous ne pouvons ensuite lui reprocher de considérer ce plaisir comme tout à fait de même nature que les plaisirs des sens les plus gros-5 siers ; car il n’y a aucune raison de le blâmer d’avoir attribué uniquement aux sens corporels les représentations par lesquelles ce sentiment serait excité en nous. Il a recherché la source de beaucoup d’entre elles, autant qu’on peut le conjecturer, aussi bien dans l’usage de la faculté supérieure de connaître ; mais cela ne 10 l’empêchait pas et ne pouvait pas non plus l’empêcher de considérer, une fois ce principe posé, même le plaisir que nous procurent ces représentations assurément intellectuelles, et par lequel seul elles peuvent être des principes déterminants de la volonté, comme étant tout à fait de même nature que les autres plaisirs. 15 Être conséquent est l’obligation principale d’un philosophe, et c’est ce que l’on rencontre le moins souvent. [...] Le principe du bonheur personnel, quelque grand usage qu’on y fasse également de l’entendement et de la raison, ne comprendrait cependant en soi, pour la volonté, aucun principe déterminant que ceux qui sont conformes à la faculté de désirer inférieure ; et alors, ou bien il n’existe pas de faculté de désirer supérieure, ou bien la raison pure doit être pratique par elle seule, c’est-à-dire que, sans présupposition d’un sentiment quelconque, donc sans représentation de l’agréable ou du désagréable comme de la matière de la faculté de désirer, qui d’ailleurs est toujours une condition empirique des principes, elle doit pouvoir déterminer la volonté par la seule forme de la règle pratique. C’est alors seulement que la raison, et uniquement en tant qu’elle détermine par elle-même la volonté (qu’elle n’est pas au service des inclinations) est une véritable faculté de désirer supérieure, à laquelle est subordonnée celle qui est pathologiquement déterminable, et qu’elle est réellement, spécifiquement même, distincte de cette dernière ; de sorte que, si les impulsions de celle-ci se mêlent à elle le moins du monde, ce mélange porte atteinte à sa force et à sa supériorité, de même que le moindre facteur d’ordre empirique introduit comme condition d’une démonstration mathématique, en diminue et en anéantit la dignité et la vigueur. Dans une loi pratique, la raison détermine la volonté immédiatement, non par l’entremise d’un sentiment de plaisir ou de peine, fût-il suscité par cette loi ; et c’est seulement parce qu’elle peut être pratique comme raison pure qu’il lui devient possible d’être législatrice.

Emmanuel Kant, Critique de la raison pratique (1788), Éd. Gallimard, coll. « Folio », trad. L. Ferry & H. Wismann, 1985, pp. 44-45.

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« bonheur personnel, quelque grand usage qu'on y fasse également de l'entendement et de la raison, ne comprendrait cependant en soi, pour la volonté, aucun principe déterminant que ceux qui 20 sont conformes à la faculté de désirer inférieure ; et alors, ou bien il n'existe pas de faculté de désirer supérieure, ·ou bien la raison pure doit être pratique par elle seule, c'est-à-dire que, sans présupposition d'un sentiment quelconque, donc sans repré­ sentation de l'agréable ou du désagréable comme de la matière 25 de la faculté de désirer, qui d'ailleurs est toujours une condition empirique des principes, elle doit pouvoir déterminer la volonté par la seule forme de la règle pratique.

C'est alors seulement que la raison, et uniquement en tant qu'elle détermine par elle-même la volonté (qu'elle n'est pas au service des inclinations) est une 30 véritable faculté de désirer supérieure, à laquelle est subordon­ née celle qui est pathologiquement déterminable, et qu'elle est réellement, spécifiquement même, distincte de cette dernière ; de sorte que, si les impulsions de .celle-ci se mêlent à elle le moins du monde, ce mélange porte atteinte à sa force et à sa supériorité, 35 de même que le moindre facteur d'ordre empirique introduit comme condition d'une démonstration mathématique, en dimi­ nue et en anéantit la dignité et la vigueur.

Dans une loi pratique, la raison détermine la volonté immédiatement, non par l'entre­ mise d'un sentiment de plaisir ou de peine, fût-il suscité par cette 40 loi; et c'est seulement parce qu'elle peut être pratique comme raison pure qu'il lui devient possible d'être législatrice.

EMMANUEL KANT, Critique de la raison pratique (1788), Éd.

Gallimard, coll.« Folio», trad.

L.

Ferry & H.

Wismann, 1985, pp.

44-45.

POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEXTE Il faut rendre hommage à Épicure, qui a fait du plaisir sensible le signe de la vertu, d'avoir été « conséquent » (1.

15).

Puisqu'il considère que le désir se confond avec la volonté et qu'il n'y a pas d'autre moyen de faire quelque chose que de suivre nos inclinations, il a raison de faire de la sensibilité l'origine de la morale (1.

1-16).

Les philosophes inconséquents sont ceux qui affirment, pour sauver la morale des incertitudes du sensible, qu'il existe des désirs supérieurs, intellectuels, et qu'en les suivant nous accéderions à la vertu.. »

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