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Dire de l'art qu'il n'est pas utilitaire, est-ce dire qu'il est inutile ?

Publié le 16/02/2004

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Lorsque nous parlons d’art, nous désignons en vérité deux réalités distinctes. Jusqu’au dix-huitième siècle, le terme « art « désignait l’ensemble des techniques de production d’artefacts : tel était encore le cas dans le Discours sur les sciences et les arts (1750) de Jean-Jacques Rousseau. Ainsi, l’activité de l’artiste et celle de l’artisan étaient recouvertes par le même terme. Or, il semble que ces deux activités ne soient pas entièrement réductibles l’une à l’autre, qu’elles possèdent chacune une spécificité à élucider. Par conséquent, il nous faudra au cours de ce travail préciser d’une part ce qui distingue l’art de l’horloger de celui du poète, l’activité du coutelier de celle du plasticien ; et toujours préciser à laquelle de ces deux activités singulières nous pensons lorsque nous employons le signifiant « art «. Une chose utile est une chose qui sert valablement de moyen à la réalisation d’une ou plusieurs fins. A l’inverse, une chose inutile est soit une chose qui ne sert pas efficacement de moyen à la fin qu’un agent veut lui voir accomplir, soit une chose qui ne sert à strictement aucune fin. La question qui nous est posée semble s’opposer frontalement au principe de non contradiction. Ce principe aristotélicien expose que l’on ne peut dire quelque chose d’une autre et son contraire, simultanément et sous les mêmes rapports. Analysons un instant la question : si nous disons de l’art qu’il n’est pas utile, cela signifie nécessairement qu’il est inutile. En effet, nous ne pouvons dire de l’art à la fois qu’il n’est pas utile et qu’il est son contraire, à savoir non inutile. Par conséquent, si nous voulons donner un sens à la question posée, et dépasser son caractère contraire au principe de non contradiction, nous devrons nous interroger plus profondément sur les concepts de non utile, et d’inutile, qui ne sont sans doute pas aussi synonymes qu’ils le semblent. Nous nous demanderons donc si la question qui nous est posée tombe sous le coup de la critique du principe de non contradiction, ou s’il existe bien une différence entre le non utile et l’inutile.

« En revanche, nous dirons que l'art, c'est-à-dire, l'activité distincte de l'artisanat depuis le XVIIIe siècle, n'est pasutile, et que cette dimension de non utilité est inséparable de sa définition.

En effet, les produits de l'art ne serventpas à satisfaire de fins, ils ne sont jamais des moyens : le tableau dans le musée, la sculpture dans le parc ne sontdestinés à remplir aucune sorte de fins.

Ils sont uniquement destinés à notre contemplation, mais ne peuvent êtreréifiés qu'au prix d'une négation de leur essence artistique (brûler le Picasso pour se chauffer revient à le niercomme objet artistique pour en faire une pure chose).

Par conséquent, nous dirons que l'art n'est pas utile, etqu'affirmer une telle chose est strictement indissociable du fait qu'il soit inutile. b.

La doctrine de l'art pour l'art : l'art est art à proportion de son inutilité En effet, pour tout un courant de la pensée artistique, l'art est non utile, c'est-à-dire qu'il n'est jamais destiné àremplir une fonction de moyen, mais il est également inutile, au sens où il ne remplit aucune sorte de fin.

Telle est lathéorie de l'art pour l'art énoncée par Théophile Gautier dans la Préface de Mademoiselle de Maupin : l'homme de lettre nomme une pluralité de choses utiles (par exemple, les latrines…) pour arriver à l'idée que la beauté consisteexclusivement dans le non utile.

L'utile est le laid, l'inutile est la beauté, par conséquent l'art n'a d'autre nature quel' inutilité et doit se garder d'être instrumentalisé, c'est-à-dire abaissé à des fins utiles : par exemple, l'art doit segarder de remplir des fins politiques, sociales… Par conséquent, dire de l'art qu'il 'est pas utile, c'est dire qu'il estinutile, et définir l'essence même de l'art. III. Pour une distinction entre non utile et inutile : l'art est non utile, sans être inutile a.

Quelle différence entre la non utilité et l'inutilité ? Néanmoins, nous avons fait l'économie jusqu'ici d'une distinction entre le non utile et l'inutile.

Pourtant, il y a bienlieu d'en faire une, car le non utile, c'est ce qui ne sert pas valablement de moyen à une ou plusieurs fins, tout enétant capable de servir à d'autres fins par ailleurs ; alors que l'inutile est susceptible de ne remplir aucune sorte defins, de caractériser des objets sans valeur ni destination.

De ceci il sort que le non utile est de l'inutile partiel, etl'inutile de l'inutile absolu. b.

L'art ne satisfait aucune fin pratique, mais n'est nullement dépourvu de fins Sur la base de cette distinction, nous dirons qu'il est juste de dire que l'art n'est pas utile tout en affirmant qu'iln'est pas inutile pour autant.

Malgré l'apparente contradiction d'une telle thèse, l'art est bien ce qui est incapablede satisfaire à toutes sortes de fins pratiques (l'art ne sert pas de moyen à la perpétuation de l'existence, à moinsd'une négation de sa nature artistique et de sa réduction à une dimension purement matérielle, comme dans le casdu Picasso brulé pour se chauffer).

Mais l'art n'est pas pour autant inutile : il est même un « remède contre nous-mêmes » comme l'écrit Nietzsche dans le Gai savoir : « Il est nécessaire de temps en temps de nous délasser de nous-mêmes à la faveur de l'art, qui nous permet denous considérer à distance, et de haut, de rire de nous-mêmes ou de pleurer sur nous, de déceler le héros et nonmoins le bouffon qui se cachent dans notre passion de connaître, de jouir de temps en temps de notre folie pourcontinuer à jouir de notre sagesse ». L'art a pour but ultime de donner une forme esthétique à la vie, de lui donner une forme achevée alors que nous neconnaissons d'elle que l'imperfection, l'inachèvement et le devenir. Conclusion : Si par art nous désignons l'artisanat, il est faux de dire qu'il est non utile ou inutile.

En revanche, l'art lui-même peutêtre dit utile, et inutile, de sorte que l'inutilité devienne la caractéristique majeure de son essence.

En définitive,nous pouvons dire de l'art qu'il n'est pas utile et qu'il n'est pas pour autant inutile, c'est-à-dire qu'il ne répond àaucune fin utilitaire tout en étant doté de fins auxquelles il sert valablement de moyen, comme celle de nous« guérir de nous-mêmes ».. »

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