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Doit-on excuser les actes dont-on pense qu'ils émanent de l'inconscient ?

Publié le 11/08/2004

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Empruntons à Freud un exemple simple. Un président de séance, à l'ouverture dit « Je déclare la séance fermée « au lieu de dire « Je déclare la séance ouverte «. Personne ne peut se  méprendre sur ses sentiments ; il préférerait ne pas être là. Mais ce désir (ne pas assister au colloque) ne peut s'exprimer directement, car il heurterait la politesse, les obligations sociales, professionnelles, morales du  sujet. Notre président subit donc deux forces contraires : l'une parfaitement en accord avec les obligations conscientes, l'autre qui ne l'est pas et qui ne  peut s'exprimer  directement, ouvertement. Il y a donc conflit, au sein du même homme, entre un désir conscient, conforme aux normes morales et un autre désir plus « gênant «. Or, dans notre exemple, ce second désir, malgré la volonté de politesse du président, parvient à s'exprimer, mais de façon détournée, anodine : on dira que « sa langue a fourché «. Ici, l'exemple est simple dans la mesure où le président a sans doute parfaitement conscience qu'il ne veut pas être là. Mais dans bon nombre de cas, quand ma langue fourche, je ne sais pas pourquoi, c'est-à-dire que j'ignore moi-même ce qui me pousse à dire tel mot plutôt qu'un autre. Or pour Freud le cas est exactement identique et s'interprète de même, comme le conflit entre deux désirs dont l'un est gênant et peut être ignoré par le sujet.

« ¨ De comprendre bon nombre de phénomènes comme les lapsus et les rêves ; ¨ De soigner un certain nombre de maladies, qui ne peuvent s'expliquer que par le conflit psychique qui agite lepatient. Adopter l'hypothèse de l'inconscient permet de comprendre et de guérir, c'est un gain de sens et de pouvoir.

Le butde la psychanalyse est alors de faire en sorte que l'individu, au lieu de subir les forces qu'il ignore et ne contrôle pas, puisse recouvrer sa liberté. En effet, la psychanalyse découvre que « Je est un autre » pour reprendre Rimbaud .

Il y a en moi un autre , un ensemble de forces, un inconscient qui me pousse à agir malgré moi.

Je subis un conflit dont je n'ai pas conscience,qui est souvent la trace d'un choc vécu durant l'enfance.

En ce sens je suis un être passif et agi, qui n'a ni lecontrôle de lui-même, ni de son passé, un être scindé.

Le but de la cure est de faire en sorte que je prenneconscience de ce conflit, que je reprenne la maîtrise de mon histoire.

Au lieu de subir ce que je ne connais pas, jechoisirai en toute conscience.

Au lieu de la « politique de l'autruche » de l'inconscient, il y aura le choix d'un sujet maître de lui-même. Enfin, notre passage est important en ce que Freud y explique les résistances à la psychanalyse.

« Dans le cours des siècles, la science a infligé à l'égoïsme naïf de l'humanité deux graves démentis ».

Avec Copernic , elle a montré à l'homme qu'in n'était pas au centre de l'univers.

Avec Darwin , elle est en train de montrer que l'homme est un animal comme les autres, qu'il y a en lui une origine animale. Ces deux sciences ont blessé l'orgueil humain, ont montré à l'homme que son sentiment de supériorité était naïf eterroné.

C'est pourquoi les thèses de Copernic valut un procès à Galilée , devant l'Inquisition en 1633.

C'est pourquoi les thèses de Darwin sont jugées à l'époque scandaleuse.

Les hommes refusent ce qui les blesse et y opposent une farouche résistance.

Or, continue Freud : « Un troisième démenti sera infligé à la mégalomanie humaine par la recherche psychologique de nos jours qui se propose de montrer au moi qu'il n'est seulement pasmaître dans sa propre maison. » L'individu est pluriel : il n'est pas seulement une conscience maîtresse d'elle-même ; il subit un inconscient qui lepousse à agir malgré lui.

Redécouvrir et explorer cette zone d'ombre en nous, cette force qui nous rend passif, cedéchirement de l'homme reste le principal acquis de la psychanalyse. 2.

Même à admettre l'hypothèse, l'inconscient ne fait pas pour autant destin. Lier systématiquement l'hypothèse d'un inconscient à l'abandon possible de nos responsabilités, ce n'est finalementrien d'autre que dévoyer l'esprit de la théorie de l'inconscient.

D'abord parce qu'on n'y peut recourir que pour savoir,pour se connaître, non pour l'instrumentaliser ; ensuite parce que sa valeur tient aussi à ce qu'elle peut nouspermettre de reconquérir notre inconscient, et de guérir peut-être de ce dont nous souffrons. Là où « ça » était, « Je » dois devenir (Freud). Dans la trente et unième des « Nouvelles conférences d'introduction à la psychanalyse » (1932), intitulé « Ladécomposition de la personnalité psychique », Freud décrit le but du traitement psychanalytique par cette formule :« Là où « çà » était, « je » dois devenir », où le « ça » représente l'inconscient.

Il est remarquable que la traductionde la phrase allemande ait prêté à controverses.Pour comprendre l'enjeu de cette phrase, il faut garder à l'esprit que la psychanalyse, avant d'être une discipline,voire une science, est avant tout une thérapie, une façon de guérir des patients.Dans notre texte, Freud affirme « C'est que l'être humain tombe malade en raison du conflit entre les revendicationsde la vie pulsionnelle et la résistance qui s'élève en lui contre elles ».

La maladie provient d'un conflit entre lesnormes « éthiques, esthétiques et sociales » et des désirs qui « semblent remonter d'un véritable enfer ».Or ces désirs censurés ne sont pas plus conscients que la censure elle-même.

Le malade subit donc un combatinterne dont il n'a ni la maîtrise, ni la connaissance : « La psychanalyse entreprend d'élucider ces cas morbidesinquiétants, elle organise de longues et minutieuses recherches, elle se forge des notions de secours et desconstructions scientifiques et, finalement peut dire au moi : « il n'y a rien d'étranger qui se soit introduit en toi,c'est une part de ta propre vie psychique qui s'est soustraite à ta conscience et à la maîtrise de ton vouloir.

»En quoi consiste alors le traitement ? A traduire l'inconscient en conscient : « On ne prête pas assez attention danscette affaire à un point essentiel, à savoir que le conflit pathogène des névrosés n'est pas comparable à une luttenormale que des tendances psychiques se livrent sur le même terrain [...] Il y a lutte entre des forces dontquelques-unes ont atteint la phase du [...] conscient, tandis que les autres n'ont pas dépassé la limite del'inconscient.

C'est pourquoi le conflit ne peut aboutir que lorsque les deux se retrouvent sur le même terrain.

Et jecrois que la seule tâche de la thérapeutique consiste à rendre cette rencontre possible.

» (« Introduction à lapsychanalyse »).Le but de la cure est donc de faire que le patient, au lieu de subir un conflit dont il n'a pas la maîtrise, puisseprendre conscience de celui-ci.

Un conflit qui existe mais n'est pas posé ne peut être résolu.

Seule la claireconscience des désirs qui agitent le patient, et des choix qu'il doit faire entre ses désirs et ses normes, peut amenerà la guérison. Supprimer le refoulement conduit à remplacer une censure dont je n'ai pas conscience, par un jugement et un choix. »

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