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Doit-on souhaiter satisfaire tous ses désirs ?

Publié le 29/10/2009

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• Voici un beau sujet, qu'il ne faut pas traiter dans le désordre ou l'improvisation culturelle, mais au contraire en s'appuyant sur une certaine tradition philosophique. Devant l'intitulé du sujet, interrogez-vous évidemment sur le sens précis et concret de la phrase, mais tentez aussi de rassembler des connaissances philosophiques sur ce thème. Or; le sujet peut évoquer à votre esprit des thèses de Platon, d'Epicure aussi. Jetez vos éléments de réflexion sur le papier. • D'autre part, notez bien que le libellé du sujet est le suivant : « Doit-on souhaiter satisfaire tous nos désirs? « Le verbe indique bien que nous sommes dans l'ordre de l'aspiration, de la norme, et non point dans le domaine du fait. Il s'agit de savoir si la satisfaction de désirs infinis constitue ou non une recherche possible, un idéal moral, etc. L'intitulé du sujet n'est donc pas brutal, mais nuancé. Il nous dirige vers un projet possible, éventuel. • Si la notion de souhait est ici importante, le verbe devoir ne l'est pas moins. Qu'est-ce que devoir? C'est être dans l'obligation, considérer connue une norme nécessaire. Par conséquent, si vous voulez traiter le sujet de manière précise, répondez bien à la question de savon il la satisfaction de tous les désirs peut constituer un devoir, une obligation morale (Doit-on souhaiter...) • Enfin le terme de désir, mouvement vers un objet présumé source de satisfaction, devra bien évidemment faire l'objet d'une conceptualisation approfondie. • Entre « Doit-on satisfaire « qui conduit à l'extinction du désir et « tous les désirs «, en nombre illimité car sans cesse renaissants, une contradiction apparaît. C'est bien là le problème posé par le sujet : peut-on éteindre un désir illimité? • On notera que ce sujet porte à la fois sur le thème du « désir « et sur des thèmes concernant « La pratique et les fins « comme le devoir, le bonheur, etc. • Le plan dialectique est sans doute possible. Mais le plan progressif, destiné à dégager une certaine « téléologie « (étude de la finalité) du désir nous paraît ici infiniment approprié au sujet. Ainsi ce plan progressif permet-il de construire ce schéma logique : A. On doit souhaiter satisfaire tous ses désirs. B. Mais cette satisfaction ne peut être érigée en devoir (car elle conduit au néant). C. On doit satisfaire certains désirs (naturels et nécessaires). Désir = dynamisme vital authentique.

« de la tendance qui s'épanouit en direction de l'objet.

Le désir, c'est la négativité de la conscience en quête d'unobjet susceptible de répondre à ses vœux.

La première forme d'authenticité existentielle semble se situer ici, à cesimple niveau de l'immédiateté sensible, comme s'il convenait de devoir souhaiter satisfaire tous les mouvements denotre âme, toutes les virtualités de notre esprit en direction de quelque objet.

La floraison incessante de nos désirsnous communique, en effet, la beauté fulgurante des Instants et l'infini du plaisir.

Beauté de l'immédiateté sensible.Infinité des plaisirs correspondant aux désirs.

Hédonisme sans limite : voici tout ce qui semble accompagner lasatisfaction de tous les désirs et la légitimer.

Dès lors, il semble bien que le vécu, émietté en une poussièred'instants, de désirs, nous apporte ici le meilleur de la plénitude concrète de l'existence.

Le flamboiement des désirsmultiples devient alors existence authentique, multiplicité et richesse du sensible, développement complet destalents et des expériences humaines.

Il ne semble même pas concevable qu'un homme puisse vivre sansexpérimenter cette poussière indéfinie d'instants et de désirs chatoyants Car alors, si l'on souhaite satisfaire tousses désirs, si l'on érige en idéal de vie la jouissance indéfinie, on connaît l'infinie liberté, pouvoir d'agir selon tous sesdésirs et tous ses bons plaisirs, indépendamment de toutes contraintes externes ou internes.

O beauté des désirsillimités!Dès lors, il semble que le contentement de tous les désirs constitue véritablement un devoir pour l'existant.

Oui,nous devons actualiser toutes nos possibilités.

La jouissance indéfinie des désirs représente une obligation moralepour l'homme car alors il actualise toutes ses virtualités et tous ses possibles.

Or c'est un devoir pour nous dedévelopper notre puissance vitale.

Donc, comment ne pas répondre affirmativement à la question posée!La philosophie et la littérature nous ont donné magnifiquement à voir cet idéal.

Ainsi, Kierkegaard a-t-il dessiné leportrait inoubliable de Don Juan, héros du stade « esthétique 1 » au sens kierkegaardien du terme, c'est-à-dire dustade de la sensation et du désir immédiat.

Don Juan symbolise parfaitement, non seulement le vœu de satisfairetous ses désirs, mais aussi l'actualisation de toutes ces satisfactions.

Jeté dans l'instant, il poursuit indéfiniment saquête.

Le Don Juan de Mozart (et non point celui de Molière) représentait, aux yeux de Kierkegaard, cette beautéd'Eros flamboyant en une quête vertigineuse.

Existence émiettée en une poussière d'instants, la vie de l'esthèterépond parfaitement au programme existentiel : souhaiter satisfaire tous ses désirs.

Or cette vie semble la plus richede toutes.

Donc nous « devons » en faire un idéal moral.Reculons dans le temps et nous trouvons, avec le sophiste Calliclès 1 peint et imaginé par Platon dans le Gorgias,une peinture (au ive siècle grec) de ce programme et de ces exigences.

Seuls comptent la recherche de tous lesplaisirs et l'assouvissement de tous les désirs, sans exception aucune.

En effet, un homme « fort » doit se dresserauthentiquement en maître et faire briller le règne des désirs illimités.

Ce qui importe, c'est l'élan dans le pleindéploiement de nos désirs et de nos passions (les deux termes sont très voisins chez Calliclès), c'est le ruissellementde désirs et de plaisirs.

Ce sont les faibles qui se satisfont de quelques désirs.

Au contraire, les forts, animés d'unevraie « volonté de puissance» sont d'une avidité insatiable! L'homme vraiment conforme à l'ordre de la nature estcelui qui a le plus de désirs et de passions, qui est capable de les entretenir et de leur donner satisfaction.

« Lavérité, Socrate, que tu prétends chercher, la voici : la vie facile, l'intempérance, la licence, quand elles sontfavorisées, font la vertu et le bonheur; le reste, toutes ces fantasmagories qui reposent sur des conventionshumaines contraires à la nature, n'est que sottise et néant » (Gorgias, 492 c, Belles-Lettres).Ainsi le projet et le souhait de satisfaire la totalité de nos désirs semble le gage d'une vie belle et harmonieuse.Calliclès et Don Juan paraissent aspirer à l'existence la plus conforme à l'idéal de totalisation et de quête indéfinie desoi.

Le désir est constitutif de l'être même de l'homme et le révèle à lui-même.

Donc tous les désirs doivent êtresatisfaits puisqu'ils permettent d'actualiser toutes nos virtualités.

Par conséquent, en toute première analyse, ilsemblerait que le souhait de contentement de tous les désirs puisse être érigé en un véritable impératif moral.L'homme est cet être qui doit développer ses exigences vitales.

Or chaque désir est précisément développement dela puissance vitale.

Donc nous devons ériger en idéal la satisfaction complète de tout désir. B) Mais cette satisfaction ne peut être érigée en devoir puisqu'elle conduit au néant, au désordre et audésespoir. Si le souhait de satisfaire tous nos désirs apparaît comme un projet totalisant l'existence vers l'épuisement duchamp des possibles, si cette aspiration est particulièrement exaltante pour qui veut participer à l'existenceconcrète dans sa plénitude, et si elle semble se présenter comme un devoir, néanmoins les difficultés de cet idéal etde cette conception surgissent bien vite à l'examen.

Aussi cette vision peut-elle être objet de débat et de critique.Le ruissellement de désirs et de plaisirs ne serait-il pas comparable au supplice des Danaïdes, condamnées à emplirsans discontinuer un tonneau percé? Quel vain souhait que celui de la satisfaction de tout désir! Si les tonneauxsont en mauvais état et fuient - comme le remarque judicieusement Socrate dans le Gorgias - alors ne faut-il pastravailler nuit et jour à les remplir? Incessamment les désirs se renouvellent et les plaisirs se meuvent ainsi dans ladouleur, en une ronde infernale.

Ce dérèglement et cette incapacité à rien garder marquent l'insuffisance des vuesde Calliclès.

Dérèglement, désordre et dysharmonie caractérisent donc la vie de l'homme aux tonneaux percés, auxdésirs insatiables.

On ne saurait devoir satisfaire tous ses désirs parce que, de même que l'ordre, la proportion etl'harmonie font la bonne qualité d'une maison, de même une âme vaut par ces qualités.

« Dans l'âme, l'ordre etl'harmonie s'appellent la discipline et la loi » (Gorgias, 504 d).

L'homme fort de Calliclès a son âme détruite par ledésordre, qui est laideur.

Ainsi, nous pouvons maintenant répondre au problème soulevé par la question : nousnotions la contradiction entre les deux parties de la phrase.

Cette contradiction est réelle; elle vient de ladysharmonie et du désordre de l'âme qui erre de désirs en désirs.

Elle ne saurait parvenir à nulle satisfaction.Condamnée à l'errance, elle ne peut que se détruire, puisqu'il lui manque la soumission à la loi, qui est la santé del'âme.

Par conséquent, nous ne pouvons ériger en devoir le souhait de satisfaire tous nos désirs puisqu'il aboutit à lacontradiction et à la mort.Kierkegaard montrera aussi que la vie esthétique, le souhait de satisfaire tous ses désirs, ne mènent qu'audésespoir, au néant et à la mort.

La vie dans la jouissance de l'instant, l'infinité des désirs et des plaisirs, ne. »

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