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En quoi le langage est-il spécifiquement humain ?

Publié le 17/01/2022

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Critiquant les vues de Montaigne et de Charron qui avançaient « qu'il y a plus de différences d'homme à homme, que d'homme à bête «, Descartes observait : « il est fort remarquable que la parole ne convient qu'à l'homme seul « (Lettre au marquis de Newcastle, Lettres, P.U.F., p. 161). Le langage serait le propre de l'homme et un critère objectif de différenciation de ce dernier d'avec l'animal. Mais ne constatons-nous pas que les animaux eux aussi communiquent entre eux, qu'ils possèdent donc également un certain langage ? En quoi donc le langage est-il spécifiquement humain ?

1) Langage et communication

2) Analyse de la communication animale.

3) Spécificité du langage humain.

 

« ii.

Une goutte de philosophie. On affrontera la difficulté en reprenant les enjeux philosophiques engagés dans ce débat de Montaigne avecDescartes à propos de la question qui nous intéresse.

Dans « L'apologie de Raimond Sebond », le premier propose unnaturalisme qui le conduit à rapprocher l'homme de l'animal.

Le second a , au contraire, défendu l'idée qu'il existeune différence de nature entre eux.

Il n'est pas surprenant que cette opposition se traduise au niveau de leurréflexion sur le langage.La tactique de Montaigne consiste à assouplir autant que possible la notion de langage, afin qu'elle se prête àtoutes les extensions possibles et ne puisse plus servir de critère de distinction entre l'homme et l'animal.

On le voitau moins sur deux plans : d'un côté, il nie la spécificité du langage verbal par rapport à la communication par gestes; de l'autre, il donne à la communication animale pleine valeur de langage.

Les yeux, les mains, la tête les sourcils ,le corps tout entier signifient : il faut plus de quinze lignes pour énumérer tout ce que nous exprimons par desgestes.

« Il n'est mouvement qui ne parle et un langage intelligible sans discipline et un langage public ».Ayant, de même dans le cas de l'homme, ramené le langage à la naturalité, Montaigne est à l'aise pour le prêter auxanimaux : « Qu'est-ce autre chose que parler, cette faculté que nous leur voyons de se plaindre, de se réjouir, des'entr'appeler au secours, se convier à l'amour, comme ils font par l'usage de leur voix ? » (II, XII).

Le naturalismepeut alors s'épanouir : à force d'exemples, tout montre selon Montaigne que les animaux parlent et pensent commenous. Ce ne sont pas les faits que Descartes conteste, c'est l'interprétation qu'endonne Montaigne en en tirant argument pour rapprocher l'animal et l'hommeau point de passer sous silence ce qui les oppose, l'absence ou la présencede la pensée.

L ‘objectif de Descartes est de déterminer quelles capacités ilfaut prêter à l'animal pour rendre compte de ses performances, et de montrerqu'aucune d'entre elles n'exige qu'on lui accorde la capacité de penser.D'accord, l'animal peut déployer « des ruses naturelles, capables de tromperles hommes les plus fins »et les chiens & les renards ont des « finesses » queDescartes reconnaît même s'il ne s'y attarde pas.

D'accord, les animaux sontsouvent susceptibles d'être éduqués, et même ressemblent aux hommes ence que, à l'intérieur d'une même espèce, « les uns apprennent beaucoup plusaisément que d'autres ce qu'on leur enseigne » ; ils peuvent même apprendreà proférer des paroles qui soient adaptées à des situations, comme la pie quiapprend « à dire bonjour à sa maîtresse lorsqu'elle la voit arriver » alors que leparler du perroquet manque, lui, d'à-propos.

D'accord, enfin, les animaux sontcapables de faire entendre à d'autres animaux ou de signifier très facilementaux hommes leurs impulsions naturelles.

Mais rien de tout cela n'exige qu'onleur reconnaissance la pensée ; pour expliquer toutes ces performances, lespassions sont suffisantes.

Les ruses dépendent des finalités biologiquespropres à l'animal : recherche de la nourriture, besoin sexuel, crainte.

Lesapprentissages consistent simplement à associer certains comportements :ainsi la pie salue-t-elle sa maîtresse « si l'on a toujours accoutumé de lui donner quelque friandise » quand elle l'a fait.

La communication ? Mais on n'a jamais vu d'animal user de signes, qu'ils'agisse de parole ou de geste, pour exprimer quelque chose qui n'aurait point de rapport à ses passions et qui pût «se rapprocher à la seule pensée ».Selon Montaigne, puisque les animaux ressemblent aux hommes et que les hommes pensent, les animaux pensentaussi et leurs systèmes de communication sont des langages.

A cette tactique globalisante, Descartes oppose latactique du criblage.

Il isole progressivement les caractéristiques du langage humain au sein des systèmes decommunication et montre qu'elles se ramènent à l'expression des pensées, ce qui le conduit à faire du langage « leseul signe certain d'une pensée latente dans le corps » et « la vraie différence entre les hommes et les bêtes ».

Del'analyse qui sous-tend ces conclusions, nous retiendrons deux composantes que Descartes a mises en avant àplusieurs reprises.• En ce qui concerne d'abord les modalités sous lesquelles se réalise la fonction linguistique, il refuse de les limiter auseul langage de la voix.

Ce refus joue selon deux directions : il joue du côté de l'animal puisque les pies et lesperroquets imitent la voix humaine sans que rien n'autorise à croire qu'ils peuvent « parler ainsi que nous , c'est-à-dire en témoignant qu'ils pensent ce qu'ils disent » ; il joue aussi du côté de l'homme puisque les sourds-muets denaissance qui ne peuvent s'exprimer par la voix inventent « quelques signes par lesquels ils se font entendre » et «expriment leurs pensées ».

Peut-être Descartes passe-t-il ici trop vite sur la dimension verbale du langage humainet tend-il à confondre fonction linguistique et fonction symbolique, mais son intention n'en est pas moins claire :souligner que notre langage ne dépend pas d'un mécanisme corporel déterminé.• La seconde composante concerne la fonction propre du langage humain.

S'il s'agit simplement d'exprimer desaffects ou de poursuivre des fins biologiques , la machinerie du corps mise en branle par le jeu des passions suffit àen rendre raison.

Mais il il y a dans notre langage un second niveau qui échappe à ces déterminations et relève d'unprincipe tout différent : c'est l'usage que nous faisons du langage quand nous l'employons pour déclarer nospensées.

Nous sortons alors de ce qu'on peut appeler, en risquant l'anachronisme, l'ordre du programmable : à ceniveau, le langage ne peut plus s'expliquer comme le résultat d'un montage mécanique qui provoque une émissionverbale déterminée quand il se produit un changement déterminé dans le corps, parce qu'il manifeste une capacitéde réponse dont l'universalité témoigne qu'elle ne dépend pas d'une programmation préalable.

Ce n'est pasl'ajustement de la réponse à la situation qui fait la différence : l'animal (et la machine) en est aussi capable.

Mais cequi singularise l'homme, c'est d'avoir un langage qui lui permet de s'ajuster à n'importe quelle situation, « de. »

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