En quoi toute forme d'esclavage est-elle contraire au droit ?
Publié le 08/02/2004
                            
                        
Extrait du document
                                
Lorsque Platon, dans son dialogue du Gorgias, met en opposition Socrate et Calliclès sur la question de la justice, ce dernier affirme un droit de nature. Ce droit est en fait celui du plus fort sur le plus faible, droit de domination naturel de l'un sur l'autre. Calliclès reproche à Socrate d'apporter la confusion entre loi des hommes et lois naturelles, selon qu'il en appelle de l'un et de l'autre dans son discours. Cette opposition entre droit naturel et droit constitutionnel reste d'actualité, les différentes formes de violences et d'esclavagismes existant encore aujourd'hui de par le monde. Les dictateurs et oppresseurs de ce monde justifient d'ailleurs leurs actes par ce droit naturel de domination des forts sur les faibles (soit pour la préservation du pouvoir, soit par l'argument du respect des lois de la nature). La question ainsi posée – en quoi toute forme d'esclavage est-elle contraire au droit ? – trouve son paradoxe dans le concept ambigu et polysémique de droit.
Reste donc, pour répondre à cette question, à déterminer philosophiquement si et en quoi un droit, autre que naturel, s'oppose à la domination des plus forts sur les plus faibles ?
Plus, nous pouvons légitimement nous demander si la liberté humaine est possible et inaliénable ?
                                «
                                                                                                                            Retrouvons cependant l'argument de Calliclès repris dans le discours nietzschéen (Cf.
                                                            
                                                                                
                                                                    	Généalogie de la morale	) : il y	a bien, naturellement, des forts (actifs  et nobles) et des faibles (réactifs et sournois).
                                                            
                                                                                
                                                                     En ce sens, il n'y a pasd'esclavagisme mais une simple adéquation aux desseins naturels.
                                                            
                                                                                
                                                                    C'est un renversement des valeurs et donc unrenversement de la logique  du droit  auquel  s'attelle  Nietzsche.
                                                            
                                                                                
                                                                     Les forts  naturels,  bien loins  de dominerconcrètement les faibles naturels, sont plutôt à la merci des procédés anti-naturels (morale, religion, lois punitives)que créés ces derniers pour se préserver de cette force légitime.
                                                            
                                                                                
                                                                    Plus, dans le combat éternel et universel de laforce vive (dont  la figure emblématique est Dionysos)  contre la faiblesse réactive (Apollon), cette  dernière tendinéluctablement à s'imposer nous dit celui qui « philosophe à coups de marteaux ».
                                                            
                                                                                
                                                                    C'est donc une nouvelle formed'esclavagisme pervers à laquelle nos générations  successives assistent impuissantes :  le droit artificiel  du plusfaible contre le plus fort.
                                                            
                                                                                
                                                                    Cet assujettissement pernicieux et illégitime tend donc à s'imposer non pas contre le droit,mais  par le biais  d'un droit  constitué contre un droit  naturel  et légitime.
                                                            
                                                                                
                                                                    Avec  cette conséquence  que le droitconstitué par les faibles est bien plutôt la forme la plus vile de toutes les formes de domination que l'histoire del'humanité est connue.
II.
                                                            
                                                                                
                                                                    Une liberté humaine inaliénable ?
Cette dévaluation philosophique et conceptuelle de la morale et de la politique humaines ne doit cependant pas nousfaire oublier les heures sombres et monstrueuses que l'humanité à connue.
                                                            
                                                                                
                                                                    Pensons à la conquête, au nom de lareligion, des « nouveaux mondes » (sous les traits de Pizarro par exemple).
                                                            
                                                                                
                                                                    Pensons à l'esclavagisme du peuple noir-américain dénoncée enfin par Abraham Lincoln et la guerre de Sécession (entre l'Union américaine et certains étatsesclavagistes du sud de l'Amérique).
                                                            
                                                                                
                                                                    Pensons à la colonisation européenne du continent africain, à l'effroyable projetfuneste  des nazis...
                                                            
                                                                                
                                                                     L'esclavagisme  est, malheureusement,  de tous  temps  présent  sur la surface  du globe.
                                                            
                                                                                
                                                                     La« Déclaration universelle des droits de l'homme » (le 10 décembre 1948 à Paris) est le symbole de reconnaissance deces violences insupportables et de volonté de cessation de cet état de faits monstrueux.
                                                            
                                                                                
                                                                    Une liberté humaine futtoujours  questionnée  par la philosophie  dès sa naissance,  mais avec  cette  déclaration  elle devient  définissablejuridiquement.
                                                            
                                                                                
                                                                    Cela met fin à toute idéologie fanatique et abusivement dominatrice.
                                                            
                                                                                
                                                                    Pas de faibles, pas de forts, rienque des hommes et leurs droits à une liberté individuelle enfin consacrée...
                                                            
                                                                        
                                                                    Reste à admettre que cette déclarationn'est pas encore, à l'heure actuelle, reconnue, signée ou respectée par tous les pouvoirs nationaux ! La Chine, laLybie et bien d'autres sont aujourd'hui montrées du doigt par ceux qui ont foi en ce droit inaliénable de dignité et deliberté pour tout homme vivant sur terre.
La philosophie connaît, en son sein, des visions différentes du statut humain.
                                                            
                                                                                
                                                                    L'une des plus brillantes (peut-êtreeffrayante !) est celle de 	Hegel, qui dénonce l'illusion humaine d'une liberté de droit.
                                                            
                                                                                
                                                                    En effet, l'homme se croit libre,	mais n'est en fait (à l'instar de la pensée héraclitéenne : « Le temps est unenfant déplaçant  des pions  : la  royauté  d'un enfant  ! »)  que  le jouet  del'« Esprit » (	Geist	) se servant de lui pour se réaliser dans le temps et l'espace.	C'est ainsi qu'il faut lire sa fameuse dialectique du « Maître et de l'esclave »(Cf.
                                                            
                                                                                
                                                                    	La Phénoménologie de l'Esprit	).
                                                            
                                                                                
                                                                    Celle-ci est fondée sur l'idée que chacun	de nous, dans  sa rencontre d'autrui,  se positionne en s'opposant à  autrui.Cette opposition  constitutive  du moi et  d'autrui  est naturelle  et détermineainsi les rôles de maître (celui qui n'a pas peur de mourir pour sa liberté) etd'esclave (celui qui préfère vivre au prix de sa liberté) dans cette rencontrefondatrice.
                                                            
                                                                                
                                                                    Le droit ne sera alors que celui, « objectif », de l' « Esprit » quidoit  rendre  utiles pour lui, par  régulation,  ces « luttes  à mort  » desconsciences individuelles s'opposant.
                                                            
                                                                                
                                                                    Notons que le « Maître » devient à sontour  esclave  de son  esclave  car dépendant  de lui dans  les tâchesquotidiennes  qu'il effectue  pour lui.
                                                            
                                                                                
                                                                    C'est  en ce sens  que cette  lutte est« dialectique  » (elle  passe  du même  à son  contraire  dans un mouvementévolutif).
                                                            
                                                                                
                                                                    Le droit vrai, selon Hegel, droit de  l'« Esprit », ne va donc pas àl'encontre de cette opposition naturelle entre maître et  esclave, elle la fixebien plutôt en  lui donnant  sa forme et ses règles.
                                                            
                                                                                
                                                                    certains  sont faits pourgouverner et d'autres pour être gouvernés.
                                                            
                                                                                
                                                                    Mais le renversement de cet étatde fait (la Révolution française de 1789) est toujours, dans l'Histoire, possible,et donc  propice  à recréer  une nouvelle  conception  des droits  et libertéshumaines.	
Conclusion	
Le droit, selon qu'il est considéré naturellement ou culturellement, rend flou la notion d'esclavage.
                                                            
                                                                                
                                                                    Peut êtreesclave ou maître chacun de nous selon le contexte ou le point de vue.
                                                            
                                                                                
                                                                    Cela rend problématique l'oppositiondroit/esclavage.
Mais  c'est  au nom  de la liberté  que la culture  avance  et renonce  à un  état  premier,  primitif et violent.Considérons cependant, à l'instar de Hannah Arendt, que l'évolution de l'Histoire de l'humanité s'apparente àune évolution des formes (de plus en plus perverses) de domination..
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