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Erasme ou la logique évangélique

Publié le 28/10/2009

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Erasme naquit à Rotterdam. Sa mère était fille de médecin, mais son père étant prêtre, sa naissance ne fut pas des plus légitimes. Ceci dit, le nom qu'il se fit par lui-même n'a certes pas besoin d'être légitimé. A cause de la peste, il perdit coup sur coup ses parents à l'âge de treize-quatorze ans et fut confié à trois tuteurs. A dix-neuf ans il entre au cloître de Steyn (près de Gouda) chez les chanoines de Saint-Augustin. Relevé de ses vœux monastiques par le pape, il fut ordonné prêtre à vingt-trois ans, tout en continuant de porter l'habit de son ordre, habit qu'il « abandonna« partiellement par la suite. Il voyagea énormément, presque dans toute l'Europe, écrivit et étudia un peu partout, tant à Paris, qu'à Oxford, qu'à Louvain et Anderlecht, ailleurs encore. A quarante ans il composa son œuvre la plus célèbre et la plus connue L'éloge de la folie, qu'il dédia à son ami Thomas More. Dans cette œuvre, il fustige avec les lanières de l'absurde, du sarcasme, de la raillerie et de l'humour, les moines, marchands, rhéteurs, philosophes, théologiens, petit peuple, vieux beaux et folles vieilles, snobs et autres qui, par leurs folies et prétentions absurdes, s'écartent de cette sagesse antique et évangélique si pétrie d'ironie et de « folie sensée«. Pas si folle que cela cette folie qui, telle le fou du roi dit à chacun ses quatre vérités. Folie qui est le propre de l'homme, seul fou de toute la création, pour le meilleur comme pour le pire. Folie au miroir de laquelle l'homme peut s'assagir si grâce à elle il se peut mieux connaître, s'appliquant à lui-même l'ironie qui ôte tous les masques.

Il fut aussi, comme nous le verrons, un pacifiste résolu. En défendant contre Luther le libre arbitre de l'homme, il fut sans le vouloir ni le chercher, théologien de bon sens. Qu'on en juge par cet extrait d'une de ses lettres.

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« avantageux.

Non : la Vérité même a prononcé : elle ne sert de rien.C'est encore en référence à ce même principe de l'esprit vivifiant et de la lettre mortelle qu'Erasme prend position —vivement sollicité par les plus hautes instances politiques et religieuses, et comme pour se défendre, bien malgré lui,d'«avoir pondu l'œuf que Luther a couvé» — sur la question du libre arbitre.

C'est dans son Essai sur le libre arbitre(1524) qu'Erasme, dans la langue simple, et sans technicité théologique, qui est la sienne, donne son opinion surcette question délicate entre toutes :A quoi servirait l'homme...

si Dieu agissait avec lui comme le potier sur l'argile ?Si l'homme, comme le prétend Luther, était impuissant à faire son salut, qui ne dépendrait que de la seule grâce deDieu : «quel pécheur soutiendrait cette lutte continuelle et laborieuse avec sa chair ? Quel méchant s'appliquerait àcorriger sa vie ? »C'est pourquoi pour Erasme, la réponse est claire et simple, le libre arbitre est :Ce pouvoir de la volonté humaine grâce auquel l'homme peut s'appliquer à tout ce qui mène au salut éternel, ou, aucontraire s'en détourner.Ce n'est pas qu'Erasme nie la grâce.

Non, elle est toujours pour lui la cause principale du salut, comme,parallèlement d'ailleurs, la volonté de Dieu est cause principale de tout ce qui se fait.

A dire vrai il ne s'ingénie pastellement à trouver un lien théologiquement impeccable entre, d'une part, la grâce, et, d'autre part, le libre arbitrede l'homme, mais bien plus à prôner une voie moyenne, et surtout à défendre le libre arbitre sans lequel la grâceserait désolante :Quelle origine pourrions-nous assigner aux mérites dans un monde où il n'y aurait que nécessité perpétuelle et où lalibre volonté n'aurait jamais à intervenir ? La complainte de la Paix C'est parce que toute guerre ne peut qu'en engendrer une autre, c'est parce que la guerre n'est douce qu'à ceuxqui ne l'ont pas faite, c'est parce que la guerre est toujours un remède pire que le mal auquel elle prétend répondre,c'est parce que la guerre entre chrétiens, est non seulement fratricide mais encore sacrilège (de part et d'autre,communiant avant la bataille, de soi-disants chrétiens s'entretuent, le corps du Christ lové en eux!), c'est parce quela guerre est le comble de la folie, c'est parce que la guerre est anti-naturelle et anti-chrétienne — et l'on pourraitallonger la liste des parce que — qu'Erasme la condamne de la façon la plus absolue qui soit, même s'il réserveparfois, par pure hypothèse d'école, sa rarissime éventualité.Dans son œuvre, la Complainte de la paix qui, au XVIe s.

verra tant de traductions en français, allemand, espagnol,et qu'il est aujourd'hui presque impossible de se procurer, Érasme démonte les mécanismes qui mettent en branle laguerre, le coût horrible en dégradations physiques, morales et matérielles qu'elle provoque, et en tire la conclusionqui est celle de tous les pacifismes : la paix n'est jamais payée trop cher. "Je me suis souvent étonné, je ne dis pas que des chrétiens, mais simplement des hommes en arrivent à ce point defolie de mettre tant d'efforts, d'argent, de courage à s'assurer leur perte mutuelle...

Toutes les bêtes ne se battentpas, mais seulement les fauves : elles ne se battent pas à l'intérieur d'une seule espèce; elles se battent avec leursarmes naturelles, et non, comme nous, avec des machines nées d'un art diabolique; elles ne se battent pas pourn'importe quoi, mais pour leurs petits et pour leur nourriture.

La plupart de nos guerres naissent de l'ambition ou dela colère ou de la luxure ou d'une autre maladie de l'âme.

Enfin les animaux ne vont pas à la mort par troupeauxcompacts; comme nous.

Nous qui portons le nom du Christ, lequel ne nous a jamais enseigné que la bonté et parson propre exemple; nous qui sommes les membres d'un seul corps, une seule chair; qui nous nourrissons du mêmeesprit, des mêmes sacrements; qui sommes appelés à la même immortalité; qui aspirons à la communion suprêmecomme lui-même est uni au Père, peut-il y avoir au monde une chose d'un prix si grand qu'elle nous amène à faire laguerre ? La guerre est si néfaste, si affreuse que même avec l'excuse de la justice parfaite, elle ne peut êtreapprouvée d'un homme de bien." Contre toute logique du pouvoir, contre tout machiavélisme aussi «real politik» qu'il soit, Erasme sera toujours en«guerre», car il est trop nourri de sagesse antique et d'esprit évangélique que pour ne pas savoir que la guerreengendrant la guerre, il n'est d'autre solution que de la supprimer.

Car si Machiavel a raison — et à voir le mondecomme il va Machiavel a au moins l'histoire pour lui — il y aura toujours la guerre et la violence.

Mais si lechristianisme et la sagesse humaine ont un sens — et pour Erasme cela ne fait pas un pli — ce sens ne peut êtreque celui de lutter pour la paix et la concorde contre la guerre, car l'histoire ne prend sens — autrement elle serépète ou bégaye — qu'avec cette lutte-là.Citons encore pour terminer quelques extraits qui vont dans ce sens, toujours, o combien, actuel. "Un bon prince n 'accepte jamais aucune guerre, excepté quand, après avoir tout tenté, il ne peut l'éviter par aucunmoyen.

Si nous étions dans ces dispositions-là, il n'y aurait pour ainsi dire jamais de guerre nulle part." ...à supposer qu'on ait le droit jamais d'appeler juste une guerre. "Augustin a trouvé l'un ou l'autre cas où il ne condamne pas ta guerre : mais toute la philosophie du Christ lacondamne.

Les apôtres la réprouvent partout, et ces saints docteurs dont on veut qu'ils aient admis la guerre danstel ou tel cas, dans combien de passages ne l'ont-ils pas condamnée et maudite ? Pourquoi aller chercher au détourd'un passage de quoi autoriser nos vices ?". »

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