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Eric Weil et la fin de l'Histoire

Publié le 31/01/2012

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« La fin de l’histoire peut être une fin par extinction de l’homme, sujet de l’histoire, par la disparition de l’humanité, soit qu’elle se détruise elle-même, soit que la lente transformation des conditions naturelles conduise au même résultat. Parler d’histoire n’aurait alors plus de sens : seul de tous les êtres que nous connaissons, l’homme a une histoire, en ce sens qu’il a conscience de son passé et, par extension, de celui de la terre, des animaux, du cosmos : aucun être non humain ne se souvient de ce qui est arrivé à ses aïeux, aucun n’anticipe son avenir, parce qu’aucun n’est doué du langage, c’est-à-dire de pensée, et qu’aucun ne peut parler du possible, de cette toile de fond sur laquelle le réel se détache pour devenir significatif. Il n’y a pas d’histoire pour qui n’est pas capable de dire : cela aurait pu se passer autrement et de comprendre ainsi ce qui s’est passé réellement. L’humanité disparue, il n’y aurait plus d’histoire. « Eric Weil.

Le succès populaire de l’hypothèse pourtant désastreuse de la fin du monde pour 2012 s’explique par la fascination qu’a toujours exercé cette possibilité lui accordant d’ailleurs un caractère inéluctable et tragique : fin des temps, apocalypse, effondrement d’une civilisation ou bien disparition de l’homme, autant de scénarios qui fascinent. Faut-il leur accorder objectivement un quelconque crédit ?

Eric Weil réfléchit très sérieusement à cette hypothèse pour en déduire d’abord les conditions de possibilité de l’historiographie puis pour affirmer que l’identité de l’humanité elle-même tient à son historicité.

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« l’éq uilibre naturel.

Que l’homme puisse disparaître n’est donc pas un hypothèse farfelu e, il faut l’envisager aussi pour assumer la part de responsabilité que nous porto ns quand nos choix sont mauvais et q u’ils se laissent débordés par l’inertie naturelle, le temps long de la nature. Cette disparition n’est donc pas seulement biologique : certes, on pourrait se contenter d’ ajoute r l’humanité à la liste déjà longue des espèces en voie de disparition, liste d’autant plus plausible que certaines espèces ont déjà bel et bien disparu comme les dinosau res ou encore les dodos ; mais Eric Weil accorde un statut spécial à l’humanité en la d ésignant comme « sujet de l’histoire ».

Qu’est - ce à dire ? L’histoire concerne ici non pas la connaissance du passé mais le cours du devenir.L e « sujet » c’est alors celui qui constitue l’histoire parce qu’il est un être d’action, capable de renouveler s es conditions d’existence et donc aussi responsable des mauvais choix. En résumé, si « la fin de l’histoire » correspond à la fin de l’homme, cela implique d’emblée une assimila tion entre humanité et histoire : l’humanité est telle qu’elle se fait. Malgré un apparent volontaris me, n otons qu’il est impossible de parier sur une fin interprétée comme finalité, à l’instar de la philosophie kantienne pour laquelle la fin de l’histoire correspond à la maturation de l’homme comme être de raison et l’élimination des tensions entre les hommes.

Pour Kant, cette destinée favorable programmée par la Nature est atteinte au prix de l’effort moral et du travail.

Cette philosophie de l’histoire laisse donc supposer une fin de l’histoire sans disparition de l’humanité , sel on un plan de la Nature qui oriente de tout temps les actes humains .

Mais l ’ambiguité de cette orientation téléologique, c’est qu’elle impose un sens de l’histoire idéalisée sans vraiment articuler la liberté d’action des hommes et l’emprise de la nécessit é naturelle.

Est -ce pour cette raison qu’ Eric Weil ne prend pas en compte cette lecture de l a fin de l’histoire ? Pour renforcer l’intervention des hommes sur le réel ? * Effectivement, l e second axe du texte – ligne trois à huit - confirme le lien exclusif entre historiographie et humanité : il y a trois paramètr es sans le squel s l’écriture de l’histoire est impossible ; la conscience du temps, le langage et la pensée du possible .

La texte repose donc sur une lectu re anthropocentriste.

Comment la jus tifier ? * Examinons d’ abord la thèse centrale : « seul[…] l’homme a une histoire ».

Il s’agit désormais de penser l’histoire comme connaissance du passé.

On incluera dans cette approche autant la version scientifique d’un savoir objectif et fondé en raiso n que la version naïve de la mémoire affective qui permet à chacun de se représenter un passé.

L’historien comme le grand public conservent une approche subjective au sens où ils produisent leur discours.

P ar exemple, l’histoire des mamifères comme connaissance et point de vue des hommes sur les mammifères.

On en déduit que la particularité de l’histoire des hommes écrite par les hommes tient à son caractère réflexif : savoir d’où on vient est u ne manière de savoir qui on est ; bien plus,cette conn aissance est pragmatique, elle nourrit les potentialités d’action de l’homme.

Si l’animal ne crée pas son environnement et ne le métamorphose pas, c’est parce qu’il ne l’iden tifie pas dans son extériorité alors que l’homme relie le passé et le futur, le sa voir et l’action.

Savoir d’où l’on vient permet de savoir où on va.

On confirme la thèse anthropocentriste par la remontée aux causes ;l’hi stoire est produite à partir de trois qualités intellectuelles propres à l’homme.

Il y a d’abord le rapport au temps tel qu’il est mis en œuvre par la conscience : « aucun être non humain ne se souvient de ce qui est arrivé à ses aïeux, aucun n’anticipe son avenir ».

La conscience du temps inclut le passé, ce qui a été mais qui n’est plus aussi bien que l’avenir c'est -à-dire le temps qui n’es t pas encore.

C ontrairement aux animaux, les hommes ne vivent pas dans l’immédiateté.

Ils imaginent selon l’avant et l’après, c ’est c ela qui crée une marge de liberté et d’ init iative.

Ils ne sont donc pas non déterminés par la répét ition naturelle , génération après génération , des mêmes habitudes sociales.

Rousseau avec les Lumières dirait qu’ils sont perfectibles, entendons par là qu’ils se transforment parce que leur intelligence déploie des projets dans le temps. Deuxième qualité, qui explique le rapport au temps : l’homme est « doué du langage c'est -à-dire de pensée ».

Le langage comme la conscience du temps pe rmet avant tout un second degré qui se superpose au réel, une médiatisation qui équivaut à passer du concret à l’abstrait, du direct au symbolique ; les choses particulières sont alors organisées à travers des signes généraux, d es catégories.. »

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