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Est-il sensé d'expliquer le réel ?

Publié le 08/04/2009

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L'espèce humaine pourrait être caractérisée par deux facultés qui lui sont propres : la conscience et la raison. La première est communément définie comme connaissance immédiate de la réalité dans son ensemble, c'est-à-dire de soi, de ses états, de ses actions ainsi que du monde extérieur. La seconde renvoie quant à elle à une recherche méthodique d'explication et de justification de l'objet sur lequel elle porte. Ces deux éléments pris ensembles nous permettent de saisir l'irrémédiable besoin humain d'expliquer le réel. Ce besoin est éminemment l'objet de la science ainsi que celui de la philosophie.

Rien ne semble ainsi plus naturel à l'espèce humaine que de vouloir trouver ou donner un sens à cela même qui constitue son expérience immédiate : le réel. Mais la philosophie elle-même porte une interrogation problématique sur le réel : si celui-ci est défini comme ce qui existe effectivement (par opposition à ce qui est simplement imaginé), n'en devient-il pas tributaire de la conscience limitée de l'individu et, par là même, insaisissable dans sa totalité ? En le définissant comme existence absolue, c'est-à-dire indépendante de la simple visée du sujet, Platon (cf. Cratyle, 439 b) n'a-t-il pas rendu insensée toute recherche d'explication totale de ce qu'est le réel ? Ce dernier ne demeure-t-il pas, de fait, inaccessible à la raison humain ?

  • N'est-il pas dénué de sens que de vouloir expliquer cela même qui nous implique et nous dépasse ?

  • Pourtant, vouloir ignorer cette recherche ne serait-il pas, paradoxalement, l'affirmation du statut insensé de tout ce qui existe effectivement ?

« immanquablement, ne peut proposer qu'une explication limitée (par la simple limite de son point de vue et de saréflexion personnelle) d'une totalité.

Ainsi la philosophie préfère parler de « réalité », rappelant par ce mot, qu'il nes'agit là que de l'appréhension limitée d'un esprit sur un réel qui l'englobe (l'inverse étant donc impossible).

II) Le sens d'une recherche de sens Mais force est de constater que malgré cette limite absolue fixée à toute tentative d'explication du réel, rien nesemble pouvoir empêcher l'espèce humaine de continuer à rechercher une telle explication.

Les sciences, loin des'arrêter sur ce constat d'impossibilité, se divisent et se complexifient exponentiellement en vue de parvenir, un jour,à son but.

Bien sûr, les démarches scientifiques actuelles sont devenues si complexes que les plus grandsscientifiques se préoccupant de cette recherche d'explication du réel avouent d'eux-mêmes que celle-ci confine àl'ineffable, à l'inexprimable.

Le fait est que le commun des mortels ne saurait comprendre des résultats théoriquescomplexes que leurs auteurs ont mis plus de dix ans à obtenir ! Pourtant, cette recherche (qui semble infinie et vouée à l'imperfection) semble être, en seconde analyse, moins quel'oeuvre d'une humanité bornée, celle d'une espèce capable (par ses facultés exclusives et extraordinaires) de seposer la question même du sens de tout cela.

Leibniz, par exemple, rappela ce constat qui incline l'homme à cetterecherche d'explication du réel : « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » Ce pourquoi, question par excellence, interroge magistralement le sens de toute réalité appréhendée par l'esprithumain.

Pourquoi, en effet, percevons-nous (par tous nos sens et par notre intellect) quelque chose qui nouspousse à faire l'hypothèse du réel ? N'y a-t-il pas, dans la question même, le postulat primordial que tout ce quiexiste et arrive (le réel) a bien un sens que seul l'homme est capable d'interroger, de saisir, de rechercher.

Deux penseurs ont questionné cette capacité de saisie humaine, rationnelle, du réel et en sont venus à proposerdeux réponses contradictoires.

Schopenhauer, tout d'abord, pour qui le réel n'est jamais ce que l'individu en pense, mais toujours autre chose cardéterminé par autre chose que lui-même.

Ainsi, dans son œuvre phare ( Le Monde comme volonté et comme représentation ), l'allemand nous amène à penser tout ce qui arrive comme la manifestation d'une force absolue et absurde : la « Volonté ».

Absolue car étant le moteur universel de l'agir du vivant, celui-ci se déterminant commeabsolu « Vouloir-vivre ».

Le réel ne serait autre que l'espace, le terrain de jeu de cette force métaphysique absoluequ'est la Volonté.

Seulement, il nous est selon lui impossible d'en comprendre le sens et donc d'en fournir uneexplication.

Cette « Volonté », « moteur de toute chose particulière comme de l'ensemble », qui détermine et définitdonc le réel, reste par elle-même imperméable à toute tentative d'explication.

N'étant pas autre chose qu'un « désiraveugle et irrésistible » (le Vouloir-vivre), on la retrouve cependant même dans la conduite raisonnée de l'homme.Dès lors, même notre rationalité et notre conscience sont comme manipulées insidieusement par une force en elle-même impénétrable et inconnaissable.

Il est donc insensé de vouloir fournir une explication à ce qui est en soiinsensé ! Hegel, bien que partageant en quelque manière cette vision métaphysique d'une force constitutive de notre réalité,va s'opposer diamétralement sur la nature de cette force avec son compatriote.

Selon lui, tout le réel, toutel'histoire de l'humanité serait l'expression manifeste d'un Esprit absolu.

Il n'est pas loin, en cela, de la pensée deSchopnehauer.

Mais selon Hegel, cet esprit est tout sauf aveugle et absurde.

Pour Hegel, le réel est l'absolu en tantque sujet, il est « Esprit » universel.

Ce que veut dire Hegel, c'est que tout ce que l'on nomme et pressent commedu réel n'est autre que l'œuvre d'un Esprit qui décide de s'incarner dans l'espace et le temps pour exister, pour enfindevenir concret (cf.

La Raison dans l'histoire ).

Il faut imaginer un Esprit pur, éthérique, qui ne peut, parce qu'impalpable, prendre connaissance de lui-même.

Selon Hegel, cet Esprit choisit à un moment de « prendre corps »,de s'incarner dans et par le monde matériel afin de se saisir lui-même.

Hegel parle alors d' « auto-affirmation del'Esprit ».

Toute la pensée, toute la philosophie serait alors, selon Hegel, cette tentative longue de prendre acte del'Esprit.

Cette tentative humaine est consubstantielle à la nature de l'Esprit puisque nous ne serions, nous leshommes, autre chose que des manifestations particulières de cet Esprit absolu et universel.

Dès lors, la philosophie,l'Histoire, les sciences, le droit se justifient par l'existence de cet Esprit qui cherche sa propre connaissanceconcrète.

Tout cela devient alors un système cohérent et complet qui affirme progressivement l'existence d'unetelle spiritualité.

Hegel lui-même, ayant atteint une telle explication, est lui-même inscrit dans cette progression.

Ilparticipe, à sa manière, à l'édification de l'Esprit.

Hegel identifie alors le réel et le rationnel dans et par l'affirmationde cette progression spirituelle.

Il dira : « Ce qui est réel est rationnel, et ce qui est rationnel est réel » (cf.

Introduction des Principes de la philosophie du droit ) Ces deux auteurs nous permettent alors de comprendre cette recherche insatiable de sens de l'humanité.

Notreconscience et notre raison justifient d'ailleurs une telle recherche, qui semble en dernière analyse la plus sensée quisoit, puisque étant par elle-même la recherche de la signification de ce réel qui nous englobe et nous mobilise !. »

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