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Est-on propriétaire de son corps ?

Publié le 13/03/2009

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Ethiquement on est toujours propriétaire de son corps, mais ce n'est là qu'une façon impropre de parler, tributaire d'un vocabulaire juridique.

            D'un point de vue proprement philosophique, désengagé de préoccupations pratiques, je suis mon corps, la notion merleau-pontienne de corps propre exclue toute idée de possession. L'incarnation n'est pas une propriété, on ne change pas de corps, il se confond avec la personne (c'est bien pourquoi certaines opérations de chirurgie esthétique peuvent être l'occasion de troubles psychologiques, l'idée de physiognomonie – lire la personnalité d'après les traits du visage – aussi naïve soit-elle sur un plan scientifique est, malgré cette naïveté certaine, légitime d'un point de vue de philosophe).

            Enfin, le cas de la maladie apporte une difficulté supplémentaire, et ouvre la voie à une philosophie de l'existence qui de Spinoza en passant par Nietzsche et parfois la phénoménologie, demande ce que peut le corps.

« Certains sociologues estiment que le corps humain est avant tout une idée historique, le produit d'une constructionculturelle (Foucault).

Le corps serait « une instance symbolique enveloppante, qui insère les individus d'une sociétéou d'un groupe dans des réseaux de significations, pratiques et croyances ; c'est à la fois une instanced'identification, de reconnaissance et une instance de classement, de distinction (Le Breton).

Dès lors, l'hommen'est pas réellement le possesseur de son propre corps (et encore moins le propriétaire) dans la mesure où celui-ciest grandement déterminé par la société qui l'entoure, ses codes et ses pratiques.

Toutefois, cette définitionmontre que le corps n'est pas simplement matériel, mais aussi de l'ordre du symbolique. D'autre part, nos sociétés modernes ou « postmodernes » ont tendance à aduler le corps humain, non dans samatérialité première, mais dans son image idéale, aseptisée, abstraite.

Le corps devient de plus en plus « un objet àconstruire selon la mode, le révélateur d'une personnalité, l'image que les autres rencontrent et choisissent ».

Ils'agit de dominer, de domestiquer son corps pour le modeler conformément aux images que nous renvoient lapublicité et/ou le cinéma.

Derrière cette volonté de contrôle total (qui représenterait le paroxysme d'un droit depropriété sur son corps) de l'individu sur son corps, se cache une aliénation de plus en plus forte vis-à-vis d'unmodèle social d'un corps parfait et une « dictature des préférences, désirs et émotions » très puissante.

Le corpsn'est plus ce dont on peut faire usage à telle ou telle fin, mais devient un obstacle à la volonté de puissancehumaine.

Dès lors, l'homme moderne apparaît comme dépossédé de son propre corps, prostré dans son refus de soncorps matériel, réel, organique, à tel point que Le Breton annonce la mort du corps (L'adieu au corps 1999). 3.

Le corps humain comme « objet de soins » (point de vue médical) ou la déconnexion croissante entre lapersonne et son corps Avec le développement de la science médicale, c'est notre vision du corps humain qui a évolué de manièreconsidérable.

Le patient au 18e siècle était perçu comme une « personne » et la question récurrente étant «qu'avez-vous ? », question s'adressant donc à être entier.

Au 19e siècle, il devient un « cas » et la questiondevient petit à petit la suivante « où avez-vous mal ? », ce qui implique une vision fragmentaire du corps humain.Enfin, au 2àe siècle, le patient est appréhendé en terme de « complexe cellulaire », prolongeant cette longueévolution de réification du corps.

D'où le malaise actuel des patients qui revendiquent de plus en plus d'être traitéscomme des personnes ayant leur mot à dire, leurs expériences de souffrance…d'où un mouvement de revendicationdes « droits » sur son corps que beaucoup croit être le meilleur moyen de se protéger contre les attaques dont lecorps est le siège dans notre monde contemporain. Ainsi, nos sociétés qui développent le culte de la performance et d'un corps abstrait et idéal, ne peuvent non plusaccepter que le corps humain montre un quelconque signe de faiblesse.

L'état de maladie, loin d'être vu commeconstitutif de la vie, devient une anomalie, alors même que cet état est souvent, comme le montrent Maria Michelaet Marzano Parisoli, porteur de vérité au sujet de la relation que chaque individu entretient avec son corps.

Lamaladie nous montre que nous ne sommes pas totalement le maître de notre corps, puisque celui-ci obéit à desimpératifs naturels autonomes, et que nous rappelle que nous sommes des êtres charnels et qu'il est vain de vouloir« s'absenter » de son corps. Face à toutes ces attaques dont est le corps est l'objet aujourd'hui, grande est la tentation de revendiquer un «droit de propriété » en vue de protéger ce dernier.

Toutefois, nous allons voir qu'établir une relation de propriété dela personne sur son corps est au contraire ouvrir la voie aux abus énoncés ci-dessus, et qu'il vaut mieux envisagerle rapport personne-corps comme un rapport de possession ontologique, d'appartenance ainsi que de constitution enle protégeant juridiquement par l'utilisation des concepts d'indisponibilité et de respect du corps et de la dignité dela personne humaine.

II.

...

cependant, le droit de propriété s'avère finalement être une aberration juridique, une piètreprotection et une simplification de la complexité du lien existant entre la personne et son corps 1.

L'analyse du rapport juridique au corps humain en terme de propriété doit être rejetée Elle trompe la vérité essentielle selon laquelle, « mon corps, c'est moi » Certes, l'affirmation de propriété de l'homme sur son corps, comme on l'a vu, part d'un bon sentiment : celuid'affirmer un droit absolu à sa protection.

Mais pour qu'il y est propriété, il faut qu'il y ait, de manière réelle et nonvirtuelle, un propriétaire, un objet et une distance entre les deux.

Or, ces trois éléments font défaut.

Qui serait lepropriétaire du corps ? L'âme ? l'esprit ? la raison ? Le corps est il une chose comme les autres choses ? Non, car lecorps n'est pas seulement Körper, mais aussi le « Leib » (cf.introduction).

Enfin, il n'existe pas de réelle distanceentre moi et mon corps.

J'ai et je suis à la fois mon corps.

Point de sujet de droits sans corps.

Si je me tue, il n'y aplus de sujet de droit pour exercer le droit de propriété. Elle constitue une approximation juridique, un bien étrange droit de propriété. Le droit lui-même, dans sa logique interne, indique l'inadéquation du concept de propriété appliqué au corps.

Lecorps est inaliénable (il nous est impossible de bous séparer de notre corps), ce qui est tout le moins une limitationétonnante des pouvoirs du propriétaire (à supposer qu'il en existe un).. »

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