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Est-on responsable de son ignorance ?

Publié le 27/02/2008

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Analyse: - Être responsable d'un acte ou d'un état signifie en être l'auteur, c'est-à-dire que cet acte ou cet état dépend de nous en tant qu'il est une conséquence de notre volonté. - L'ignorance est un défaut dans la possession du savoir. Le savoir, lui, est un état du sujet qui consiste à posséder la science, c'est-à-dire un ensemble d'opinions vraies et vérifiées. L'ignorance peut donc prendre deux formes: soit je possède une opinion que je sais ne pas être vérifiée, j'ai donc conscience de ne pas savoir, soit je prends mon opinion pour un savoir et j'ignore alors même mon ignorance. - Le rapport qui nous semble le plus évident entre les deux termes est l'exclusion de la responsabilité et de l'ignorance: ma responsabilité ne porte pas sur ce que j'ignore et dont je ne peux évidemment pas être l'auteur. Le savoir serait ainsi la condition de possibilité de la responsabilité. Ainsi, quand la volonté d'un sujet a eu des conséquences néfastes mais dont il ignorait la possibilité, celui-ci peut se dédouaner de toute responsabilité en invoquant pour excuse: « Je ne savais pas ». Le sujet nous demande de remonter d'un cran dans l'évaluation de la responsabilité: suis-je responsable du fait que j'ignore? L'enjeu du sujet est donc une détermination de la légitimité de cette excuse. En effet, si je suis responsable de mon ignorance, « ne pas savoir » ne constitue plus une excuse. Cela révèle juste que la faute se situe à un niveau plus primitif: ma volonté a fauté au moment où elle a choisi de ne pas faire l'effort de savoir. Au contraire, si mon ignorance ne dépend pas de moi, alors elle est effectivement capable de me déresponsabiliser par rapport à certains de mes actes.       Problématique: Notre ignorance est-elle un état dont il dépend de nous d'en sortir ou pas? Plus précisément: est-on l'auteur de son propre enseignement, ou bien est ce que sortir de l'ignorance pour acquérir un savoir requiert l'intervention d'une force extérieure dont nous n'avons pas la maîtrise intégrale? 

« savoir ne peut qu'être reçue de l'extérieur par le sujet: - La véritable ignorance n'est pas un vide laissé par l'absence de savoir et qui se manifesterait comme tel.L'ignorance est peuplée de pseudo-savoirs ( opinions, préjugés, etc.) qui se font passer pour des vérités.

Ainsi celuiqui ignore croit être en possession du savoir et ne ressent absolument pas le besoin de chercher.

L'ignorance sembledonc être un état sans faille, qui s'auto entretient et qui perdure si rien ne vient, de l'extérieur, le remettre enquestion.- Nous ne serions alors pas responsable de notre ignorance puisque nous ne pouvons nous-même entamer unedémarche de connaissance lorsque nous sommes dans cette état.

L'intervention d'un autre est d'abord nécessairepour venir nous en extraire.

L'allégorie de la caverne, présentée par Platon au début du livre VII de la République illustre parfaitement cette situation.

En effet, l'ignorance dans laquelle nous nous trouvons tous de manièreimmédiate est exprimée par l'image suivante: nous sommes comme enchaînés au fond d'une caverne, face à un mursur lequel défile les ombres des choses réelles.

Nous prenons donc nécessairement ces ombres pour la réalité etnous resterons dans cet état tant que personne n'est venue nous délier ni tourner notre regard vers l'entrée de lacaverne.

La prise de conscience de notre situation immédiate n'est pas de notre ressort: elle doit nous êtreapportée par un autre, un autre bien spécifique.

Cet autre doit, lui, être déjà sorti de la caverne, c'est-à-dire êtreen possession du savoir véritable, et prendre la peine de redescendre dans cette caverne pour nous délivrer denotre ignorance.

C'est le rôle du « maître ».

Le maître est en effet celui, non pas qui nous livre des connaissancesdogmatiques telles que les dénonçaient Descartes dans la première partie du Discours de la méthode , mais qui nous fait prendre conscience de notre ignorance, qui nous bouleverse dans notre satisfaction première.

Nous ne sommesdonc pas responsable de notre ignorance, puisque l'acquisition du savoir ne dépend pas que de nous, mais aussi denotre rencontre avec un tel maître.- Peut-être pourrait-on objecter ici qu'il ne tient qu'à nous d'être sensibles aux enseignements des maîtres.Cependant, nous en sommes d'autant moins responsables que nous naissons inégaux devant cet enseignement .Certains ont plus de chances que d'autres d'y avoir accès.

En effet, comme l'affirme Bourdieu dans les Héritiers , le savoir constitue un « capital symbolique » qui n'est possédé que par une partie de la population et qui estprincipalement transmise aux descendants de cette frange privilégiée.

En effet, les écoles où les maîtres pourraient,en droit, proposer à tous un enseignement, ne sont en fait accessibles qu'à ceux qui ont été sélectionnés.

Or lasélection s'effectue sur la quantité de savoir que nous possédons déjà.

Ceux à qui la famille et l'éducation onttransmis un capital symbolique important sont alors aussi ceux à qui il sera permis d'en acquérir davantage.

Cephénomène de reproduction sociale nous interdit de condamner pour leur ignorance ceux qui font partie de classesdéfavorisée.

Nous ne pouvons pas imputer leur manque de savoir à ce qui serait de leur part une sorte de paresseintellectuelle.

En ce sens, ils n'en sont pas responsables.

Transition: Sans doute, une fois que nous avons pris conscience de notre ignorance et que nous avons acquis l'autonomie et laméthode nécessaire à la construction d'un savoir, nous sommes responsables de l'étendue de nos connaissancesainsi que de ses limites.

Mais cette situation ne va pas de soi.

La situation première de l'homme est celle d'uneignorance qui s'ignore et croit savoir.

Notre ouverture au savoir dépend donc d'une véritable « conversion » qui nepeut que nous être apportée de l'extérieur, et de laquelle nous ne sommes donc pas responsables.

D'autant moinsque nous ne naissons pas tous avec les mêmes chances de profiter d'une telle conversion.

Est-ce alors à dire quele « je ne savais pas » soit une excuse légitime? A-t-on plus droit à l'erreur sous prétexte que nous sommesignorants? III) Nous sommes responsables de notre ignorance au sens où nous sommes responsables de la manièredont nous la gérons: - Si nous ne pouvons pas être tenus absolument responsables de l'étendue de notre savoir, et donc de celle denotre ignorance, nous devons cependant assumer la responsabilité de la manière dont nous agissons compte tenud'une telle ignorance.

En effet, nous ne sommes peut-être pas en mesure de prévoir toutes les conséquences denos actes, ce qui est excusable.

Notre volonté entraînera donc nécessairement des situations que nous n'avions passouhaitées ni même envisagées.

Cependant, étant donné ce phénomène inhérent à tout acte humain, il dépend de. »

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