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Etudier l'art de Diderot dans ce passage où il met en scène le neveu de Rameau, incorrigible bohème et philosophe cynique, qui vit d'expédients misérables, mais qui a une sorte de génie musical

Publié le 13/03/2011

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diderot

   Vous vous seriez échappé en éclats de rire à la manière dont il contrefaisait les différents instruments. Avec des joues renflées et bouffies, et un son rauque et sombre, il rendait les cors et les bassons ; il prenait un son éclatant et nasillard pour le hautbois ; précipitant sa voix avec une rapidité incroyable pour les instruments à cordes dont il cherchait les sons les plus rapprochés; il sifflait les petites flûtes, il roucoulait les traversières, criant, chantant, se démenant comme un forcené, faisant lui seul les danseurs, les danseuses, les chanteurs, les chanteuses, tout un orchestre, tout un théâtre lyrique, et se divisant en vingt rôles divers ; courant, s'arrêtant, avec l'air d'un énergumène, étincelant des yeux, écumant de la bouche.    Il faisait une chaleur à périr, et la sueur qui suivait les plis de son front et la longueur de ses joues se mêlait à la poudre de ses cheveux, ruisselait et sillonnait le haut de son habit. Que ne lui vis-je pas faire? Il pleurait, il riait, il soupirait, il regardait, ou attendri, ou tranquille, ou furieux; c'était une femme qui se pâme de douleur, c'était un malheureux livré à tout son désespoir; un temple qui s'élève; des oiseaux qui se taisent au soleil couchant; des eaux ou qui murmurent dans un lieu solitaire et frais, ou qui descendent en torrent du haut des montagnes ; un orage, une tempête, la plainte de ceux qui vont périr, mêlée au sifflement des vents, au fracas du tonnerre; c'était la nuit avec ses ténèbres; c'était l'ombre et le silence; car le silence même se peint par des sons. Sa tête était tout à fait perdue.

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