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Existe-t-il des imbéciles heureux ?

Publié le 10/09/2005

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Mill.   Auguste COMTE Il n'est pas question de nier la puissance de l'industrie qui attache l'individu à lui-même, ni même de nier la prépondérance naturelle, fixée dans notre chair, de l'instinct individuel sur l'instinct sympathique ou généreux. Mais il n'est pas question non plus de soutenir que la société, n'étant faite que d'individus, n'a de réalité que le nom qui la désigne, et que le bien public n'est jamais que le bonheur privé bien compris. Pour tenir à la fois les deux bouts de la chaîne, il faut considérer le développement réel de l'homme, par une largeur de vue que rend possible ce développement lui-même. Alors on verra que si l'homme n'a pas d'abord été capable, en raison de la très grande énergie de l'instinct qui attache l'individu à lui-même, et à ses propres vues, de comprendre ce qu'il doit à ses contemporains et à ses prédécesseurs, le développement de son intelligence lui permet désormais de saisir, comme une vérité criante, que l'individu humain n'existe pas. Car, l'individu, exemplaire de notre espèce biologique, n'est pas, comme tel, un homme, mais un animal. Ce qui fait homme l'individu, ce n'est pas l'individu lui-même, réduit à lui-même, mais le langage, la pensée, le savoir et le savoir-faire, toutes choses qui viennent non de lui-même, mais de la société de ses contemporains et de ses prédécesseurs. Dire qu'il n'existe que l'humanité, comprise comme la société passée, présente et future, et que l'idée d'individu n'est qu'une abstraction de notre intelligence, c'est proclamer une vérité si évidente, qu'on peut s'étonner qu'elle puisse passer pour un paradoxe.   Platon Comment un homme pourrait-il être heureux, s'il est esclave de quelqu'un ? Voici ce qui est beau et juste suivant la nature [.

HTML clipboard Le bonheur est traité dans la tradition philosophique comme un état accessible à l'homme par des exercices intellectuels contraignants et parfaitement conscients. On ne peut accéder au bonheur que si notre esprit se met en accord avec notre corps et lorsqu'on est plus soumis à son état sensible. Ainsi, l'existence du terme « imbécile heureux «  ne peut il pas  paraître contradictoire ? L'imbécile est celui qui n'est pas intelligent, celui qui ne privilégie pas l'exercice de l'intelligence, ne remet rien en question et vit presque instinctivement. Lorsque l'on dit de quelqu'un qu'il est « bête «, on le rabaisse au niveau inférieur, celui de l'animal car il ne fait pas preuve d'intelligence. Cependant, le bonheur n'est il pas une dépossession de toutes préoccupations qui troublent l'âme ? Dans ce cas l'imbécile n'est il pas celui qui est en total béatitude ?

« réclame un minimum de sagesse et d'intelligence.

Mais l'expression « imbécile heureux » prise en bloc et qui désigneun type d'homme satisfait et fier de lui renvoie à quelque chose de plus précis. ● C'est ce type de personnage que Sartre étudie dans « L'enfance d'un chef » tiré du recueil Le Mur.

Cecourt texte dresse le portrait d'un jeune homme de bonne famille – Lucien Fleurier - qui de révolté et belle âme vadevenir un ignoble chef adhérant peu à peu à l'idéologie fasciste.

Le texte se termine sur cette parole : « Je vaislaisser pousser ma moustache ».

Il est alors possible de se référer à La Nausée où Antoine Roquentin déclare que le« beau monsieur » est celui qui n'est qu'une moustache : « Comme on doit être heureux de n'être qu'unemoustache, et le reste, personne ne le voit, il voit les deux bouts de sa moustache, des deux côtés du nez ; je nepense pas, donc je suis une moustache.

» Lucien Fleurier, en décidant de se laisser pousser la moustache devientainsi le type parfait de l'imbécile heureux : il ne pense pas et est content de lui-même. ● Cette moustache, certes, ne caractérise pas tous les imbéciles heureux, mais révèle une certainetendance : selon Sartre les imbéciles heureux décident d'adopter une posture, une attitude, sans jamais la remettreen cause et sans jamais se demander si ils sont libres d'en adopter une autre.

L'imbécile heureux est un spécimen du« salaud » sartrien, un individu qui au lieu d'assumer la contingence de son apparition dans le monde, pense sonexistence comme nécessaire et résorbe ainsi toute angoisse due à la conscience de la liberté.

C'est bien le cas deLucien, qui en sortant du café découvre qu'il existe « parce qu'il a le droit d'exister » ; et Roquentin de faire écho« seuls les salauds pensent avoir le droit d'exister.

» On peut donc tout à fait être un imbécile heureux, il suffit pour cela d'être heureux et satisfait de soi- même, de nier la liberté et l'angoisse qui va de pair avec elle.

Le salaud est un anti-modèle de la constructionauthentique de soi, et désigne un choix de vie venant de la part d'un individu qui a décidé de ne pas se mesurer à lavie. II/ On ne peut vouloir être un imbécile heureux : Mais il semblerait selon Sartre qu'être un imbécile heureux soit une sorte de choix.

Cela est dû à sa penséede la liberté : selon lui tout individu est libre et peut de ce fait choisir d'être ce qu'il veut.

Pourtant, même si lasituation de l'imbécile heureux paraît plus confortable – quoique moins honorable – que celle de l'individu qui assumesa liberté, il semble difficile pour un individu intelligent de vouloir devenir un « imbécile heureux » sous le prétexted'une plus grande tranquillité. ● C'est en effet ce qu'explique John Stuart Mill dans L'Utilitarisme.

Selon lui, il est tout à fait possible d'être un imbécile heureux, « un porc satisfait ».

Mais le simple fait pour un individu de sa poser la question de savoir si ilest possible de l'être, le destine à ne jamais pouvoir en être un.

En effet, se poser la question de savoir si on peutêtre un imbécile heureux est la marque d'un minimum d'intelligence : le propre de l'imbécile heureux est de ne passavoir qu'il en est un puisqu'il est satisfait de sa situation.

Or, un individu intelligent, ne peut pas vouloir déchoir etdevenir un imbécile heureux.

« Il ne peut jamais souhaiter réellement tomber à un niveau d'existence qu'il sentinférieur.

» ● Ainsi Mill conclut que si la condition pour parvenir au bonheur est de souhaiter être un imbécile, alors mieux vaut ne pas vouloir être heureux.

L'auteur défend l'idée qu'il vaut mieux un bonheur imparfait, mais plus conformeaux facultés supérieures de l'homme et à sa dignité.

« Un être pourvu de facultés supérieures demande plus pourêtre heureux.

» Ainsi, aucun homme n'échangerait sa situation difficile contre le bonheur d'un ignorant.

Et quantbien même ce serait le cas, il n'en serait pas pour autant heureux, car cette situation ne lui conviendrait pas.

Il vautmieux être un homme insatisfait qu'un porc satisfait ; il vaut mieux être Socrate insatisfait qu'un imbécile satisfait.

» Conclusion : Ainsi, les termes d'imbécile et de heureux ne peuvent coexister ensemble si on les prend dans leur sens strict.

Il faut en effet un minimum d'intelligence pour être heureux car cela nécessité une certaine sagesse quipermet d'envisager et d'appréhender le monde de la meilleur manière possible.

Mais si on prend les termes commeune expression, alors il semble qu'il soit possible d'être ce genre d'homme : satisfait et fier de lui, ne cherchant riend'autre que ce qu'il est.

Cependant, non seulement ce type d'homme est méprisable, mais en plus, il est impossiblede désirer en devenir un.. »

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