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Existe-t-il des normes naturelles ?

Publié le 25/03/2004

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* Existe-t-il des normes naturelles ? Une opposition traditionnelle : celle de la nature et de la convention. Les normes, les règles que nous reconnaissons, existent-elles par convention (en grec : nomos) ou par nature (phusis) ? Les Sophistes, que Platon combattait, soutiennent avec Protagoras que « l'homme est la mesure de toutes choses ». Une norme est toujours relative, puisque le point de vue varie avec celui qui la conçoit. La critique platonicienne des Sophistes, qui prétendaient manipuler le langage sans le soumettre à des normes de vérité pour eux très problématiques (cf. les séductions de la rhétorique), articule une théorie des valeurs (axiologie) sur une théorie de l'être (ontologie). La nature et la loi ne peuvent être opposées, comme si l'on voyait dans cette opposition l'incompatibilité du nécessaire et de l'arbitraire propre au choix. Ainsi, les normes, si elles existent, sont forcément naturelles, car elles se doivent d'exprimer l'essence profonde des choses (nature idéale du Beau, du Bien et du Juste) : « Donc, si toutes choses ne sont pas pareilles à la fois et toujours pour tout le monde, et si d'autre part chacune n'est pas propre à chacun, il est clair que les choses ont en elles-mêmes une essence fixe, qu'elles ne sont ni relatives à nous, ni dépendantes de nous, qu'elles ne sont point tirées dans tous les sens au gré de notre imagination, mais qu'elles existent par elles-mêmes selon l'essence qui leur est naturelle » (Platon, Cratyle, 386 d. Éditions Garnier-Flammarion, page 396).

« Le « culturel » présenté comme « naturel » : une mystification idéologique. Marx montre le caractère mystifiant de l'attitude souvent inconsciente quiconsiste à poser comme normes naturelles des valeurs ou des représentationshistoriquement déterminées.

Telle est l'attitude, notamment, des économistesqui voient dans le système capitaliste un système « conforme à la nature »,et, dans une optique d'apologie plutôt que d'explication objective, font deslois économiques de l'exploitation une nécessité indépassable (cf.

le début deY Introduction à la Critique de l'économie politique, où Marx critique ceux quivoient dans l'individu émancipé des dépendances féodales une « donnée de lanature ».

Éditions Sociales, page 149). État de nature et devenir culturel : signification d'une critique. — L'oeuvre de Rousseau et, dans une certaine mesure, des grands écrivainsromantiques, peut alimenter précisément la réflexion.

Encore faut-il se défairede certains lieux communs, comme celui qui fait de l'auteur du Discours surl'origine et les fondements de l'inégalité un « partisan » du retour à la nature.Affectivement, la nostalgie de la nature correspond chez Rousseau à une déception provoquée par le constat dece que sont devenus, dans la sociétédéveloppée, les rapports entre lesêtres : opacité des relations, souci du paraître, déploiement des privilèges liés à la naissance ou à l'argent,accroissement de l'égoïsme et des « passions mauvaises » liées aux valeursde l'argent et du prestige social.

Mais le thème philosophique de Y état denature correspond plutôt à la mise en place d'une « fiction théorique » àfonction critique (relativiser le stade présent et l'opposer à une norme) qu'àune volonté de reconstituer le processus réel.

Prendre à la lettre ladescription de l'état de nature qu'on trouve dans la première partie duDiscours sur l'origine de l'inégalité serait donc faire un contresens, contrelequel pourtant Rousseau met ses lecteurs en garde au début du texte.

Lafiction théorique, purement hypothétique, d'un état de nature pré-social, noncorrompu, et exempt des défauts ou des maux que le développement social afait apparaître, ne doit être saisie que dans la fonction de problématisation dudevenir qui est la sienne, et ce, à rencontre de toutes les apologies duprogrès qui, en fait, ne font que justifier le stade présent.

La nostalgie de lanature est donc en un sens un malentendu, puisqu'on ne peut regretter cequi n'a pas été.

Elle atteste bien plutôt un malaise, une remise en question duprésent.— En marge de ces remarques, on pourra aussi se reporter au livre de LucienMaison (Les enfants sauvages.

Éditions 10-18) pour faire le bilan de toutes les ambiguïtés de l'idée de naturehumaine, ou plus exactement, de l'idée d'une nature humaine définie « avant » l'apport social, et pratiquementindépendamment de lui.

Les valorisations du « bon sauvage », et une bonne partie de ce qu'on a appelé la «littérature de l'isolement » relèvent là encore d'une idéalisation a contrario de tout ce qui peut apparaître commeantérieur au social, donc « pur » et « non corrompu ».

Une telle attitude tombe sous le coup de la critique évoquéeplus haut : le social est constitutif de l'humain ; il n'est donc pas une simple dimension ajoutée de l'extérieur à unenature qui serait prédéfinie.— Les incidences de ce qui précède peuvent être évaluées au niveau des débats récents sur les théories del'éducation.

(Cf.

sur ce point O'Neill, Libres enfants de Summerhill, Éditions Maspero, et Snyders, Où vont lespédagogies non directives ? Éditions des Presses Universitaires de France).. »

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